COLLABORATION SPÉCIALE

 

À quelques occasions au cours de ma carrière universitaire, mon entraineur a tenté de me convaincre d’occuper la position de défenseur centrale. Ne voulant pas me retrouver si loin du but adverse et ne voyant pas d’avenir prometteur pour moi à cette position, j’avais refusé chaque fois.

 

Alors que je m’aligne pour la quatrième fois de la saison au centre de notre cinq défensif, je me dis qu’il y a certaines choses qui sont apparemment inévitables.

 

Nous sommes à quelques moments du début de notre match contre Rosengard, équipe qui occupe la tête du championnat suédois année après année. C’est le début d’une fin de semaine cruciale pour nous. Avec 2 matchs en 4 jours, le deuxième étant contre Hammarby à Stockholm, nous nous devons d’aller chercher des points pour nous rapprocher du haut du classement. Les conditions entourant ces quelques jours ne sont par contre pas idéales. Avec deux matchs en tant qu’équipe visiteuse, énormément de route à parcourir, peu de temps de repos et deux adversaires colossales, il nous faudra faire preuve de résilience pour atteindre notre objectif.

 

Je mentirais si je disais que je suis complètement calme alors que nous nous alignons en 5-3-2 devant nos adversaires. Il y a un mois, lorsque Beta m’a appelée pour me demander si j’accepterais de jouer au centre d’une ligne défensive à 5 pour notre match contre Hacken, je n’avais pas hésité à dire oui, consciente que nous avions besoin de vitesse pour protéger notre profondeur. Ce système s’est montré si efficace pour nous que c’est maintenant notre formation de préférence. Trois matchs au centre de la ligne défensive plus tard, j’ai plus d’expérience à ce poste, mais je ne peux m’empêcher de me demander si ce sera assez pour parer l’équipe la plus dominante de la ligue. Gabrielle Carle

 

L’arbitre siffle pour annoncer le début du match, et le terrain prend vie, bleu marin contre vert lime. Notre bloc défensif se déplace avec cohésion, limitant leurs actions dangereuses. Ma tête pivote de gauche à droite, je prends l’information et réajuste constamment mon positionnement pour être prête à étouffer leurs actions dans notre profondeur. Notre discipline défensive nous permet de récupérer le ballon fréquemment, et plus le match évolue, plus nous réussissons à le conserver et à créer des opportunités dangereuses. Puis, à la 37e minute, Rosengard marque sur un mauvais dégagement de notre part. À l’annonce de la mi-temps, nous entrons aux vestiaires menées d’un but, mais prêtes à répliquer en deuxième demie.

 

La seconde moitié du match est similaire à la première, nous créons quelques bonnes chances de marquer, mais à la 80e minute, nous n’avons pas encore réussi à capitaliser sur nos opportunités. À ce moment, Beta me fait passer de l’axe à l’aile, m’encourageant à me porter vers l’avant et à prendre des risques. À la 87e minute, nous gagnons un corner. Le ballon est servi dans la mêlée, et après quelques secondes de chaos, se retrouve au fond de leur filet. À la suite de quelques minutes hautes en transitions, les deux équipes tentant d’aller chercher un second but, trois coups de sifflet viennent annoncer la fin du match. Il est apparent par nos réactions et celles de nos entraineurs que nous sommes satisfait par ce résultat. Aller voler un point à Rosengard sur leur terrain n’est pas chose facile.

 

Ce point ne voudra par contre pas dire grand chose si nous ne gagnons pas notre prochain match. Nous devons donc rapidement tourner la page pour nous concentrer sur Hammarby.

 

Après une journée de repos le samedi et un entrainement centré sur les tactiques que nous allons employer le dimanche, nous nous envolons vers Stockholm à 10 h lundi matin. C’est la première fois que je prends l’avion le jour d’un match. Heureusement, le match étant à 19 h, nous avons amplement le temps de nous reposer à notre arrivée à l’hôtel. Vers 17 h, nous nous rendons au match en taxi, une seconde nouveauté pour moi. Le terrain est près du centre-ville de Stockholm.  À notre arrivée, une atmosphère silencieuse règne dans le stade, mais selon mes coéquipières, c’est le chaos qui sera maitre pendant le match. Hammarby sont connues pour leurs fans bruyants et leurs joueuses agressives. On m’a avertie d’être prête à recevoir des insultes et des tacles.

 

Pour ce match, nous nous alignons à nouveau en 5-3-2, mais cette fois, je suis défenseur latérale gauche. La nature de cette formation fait en sorte que j’ai l’aile complète à couvrir. Ça me donne la liberté de me porter fréquemment vers l’avant. La partie commence, et il est apparent par notre jeu contrôlé et cohésif que le match nul contre Rosengard nous a aidé à prendre confiance. À la 36e minute, nous marquons un premier but, encore une fois sur corner. Puis, à la 55e minute, nous marquons un second but. 2-0 avec 35 minutes à jouer, c’est un score assez prometteur. C’est également un score plutôt trompeur. Il ne leur faudrait qu’un but et elles seraient de retour dans la partie. Ce but, elles le marquent presque 2 minutes après le nôtre, sur un corner. Le ballon se retrouve dans notre but, mais après quelques secondes de délai, l’arbitre de touche lève son drapeau: hors-jeu.

 

Cette action offre toutefois un regain de confiance et d’énergie à nos adversaires. Nous passons le reste de la partie à contrer leurs actions offensives, mais nous parvenons à nous accrocher à notre avance. Pour la première fois de la saison, nous gagnons un match chez l’équipe adverse.

 

Le lendemain, nous prenons le train pour rentrer à Kristianstad. Nous sommes toutes physiquement et mentalement épuisées, mais personne ne s’en plaint, sachant que c’est le résultat d’un travail bien fait. Cette fin de semaine, nous avons joué à la hauteur d’une équipe de haut de tableau, et je crois que nous avons une meilleure idée de l’effort requis pour lever la coupe à la fin de la saison. Maintenant, il ne nous reste qu’à répéter ce même type de performance semaine après semaine. Facile? Très loin de ça.