MONTRÉAL – « Il faut que les décideurs agissent. C’est le temps qu’ils rattrapent leur retard par rapport à la science parce que le sport peut avoir des impacts négatifs sur la vie. »

Dans le cadre d’une soirée dédiée à la lutte et à la prévention des commotions cérébrales, l’ancien gardien du Canadien, Ken Dryden, y est allé d’un plaidoyer pour inciter les dirigeants du sport professionnel à s’attaquer au fléau des commotions cérébrales.

Tout au long de sa carrière et après celle-ci, Dryden s’est démarqué de ses pairs. Après avoir été enseignant, auteur et politicien, l’ancien numéro 29 a décidé de s’investir dans cette noble cause.

« Le sport peut changer, c’est seulement vous qui l’empêchez », a prononcé Dryden dans un auditorium de l’Université McGill. « Ce n’est pas à propos de ce qu’on peut faire, mais plutôt de ce qu’on doit faire. »

Dryden se considère parmi les privilégiés, il n’a jamais eu à composer avec la dure réalité d’une commotion cérébrale reliée au hockey. Ça ne l’empêche pas de s’insurger à propos de la gestion actuelle du problème.

« J’ai fait beaucoup de travail sur les commotions dans les dernières années. Je pense que c’est le sujet le plus critique auquel fait face le sport. On doit trouver de meilleures réponses que maintenant », a commenté l’homme au physique imposant.

Lorsqu’on lui demande si le sport professionnel se dirige dans la bonne direction pour améliorer la situation, il répond ainsi.

« C’est la mauvaise question. Parce que c’est facile d’aller dans la bonne direction. La question, c’est plutôt de savoir si tu vas dans la bonne direction avec la bonne ambition. C’est très différent », a proposé Dryden qui craint pour la sécurité des gardiens dans le hockey d’aujourd’hui.

Celui qui a raté la soirée du dévoilement des 100 meilleurs joueurs de l’histoire de la LNH – une liste à laquelle il appartient – n’accepte pas le sort qui frappe plusieurs joueurs.  

« Quand tu regardes le nombre de blessures et les joueurs qui doivent composer avec des conséquences de leurs commotions cérébrales durant 5, 10 ou 15 ans après leur carrière… Je pense à des problèmes comme la dépression ou l’anxiété. Ce n’est pas une belle vie à vivre. On parle de retraités de 30 ou 35 ans qui ont encore 50 ans devant eux. Est-ce qu’ils veulent vivre comme ça ? », a-t-il demandé.

Dryden a tenu ce discours entouré d’une impressionnante lignée de médecins réputés dans le domaine. Parmi eux, on retrouvait notamment le Dr J Scott Delaney qui encadre les joueurs des Alouettes et de l’Impact de Montréal. Au fil de ses associations avec les équipes sportives, Delaney a rapidement constaté qu’il y avait un énorme chemin à parcourir pour traiter les commotions cérébrales.  Dr J. Scott Delaney

Vers la fin des années 90, Delaney avait remis un questionnaire à tous les joueurs des Alouettes durant le camp d’entraînement.

« On leur a demandé s’ils avaient ressenti des symptômes d’une commotion cérébrale quand ils ont été frappés à la tête la saison dernière. Selon les réponses obtenues, personne n’avait subi de commotion cérébrale. On a décidé de recommencer de façon anonyme et on est passé de 0% à 45%. Les athlètes veulent continuer de jouer, ils ne sont pas toujours honnêtes. Ils étaient nerveux que ça finirait par se savoir et que ça leur nuirait », s’est souvenu Delaney.

Il a été frappé par un autre constat en étudiant les cas d’athlètes de McGill et Concordia. Selon ses données de l’époque, 80% des athlètes qui avaient présenté des symptômes de commotion cérébrale avaient décidé de ne pas aller voir leur équipe médicale. 

Heureusement, le milieu médical souhaite que ça change et ça commence par le bas de la pyramide.

« C’est insensé d’entendre des histoires selon lesquelles un jeune n’est pas capable de faire un cours de mathématiques en après-midi en raison d’une commotion cérébrale. Ça doit commencer par les écoles et le côté académique doit passer avant le sport. Il faut que les règles soient établies clairement et strictement. Ça prend aussi des traitements standards pour éviter qu’un athlète revienne trop vite », a insisté Dr Delaney.

Richter demeure plus nuancé

Poussé à la retraite par une commotion cérébrale qui refusait de partir, l’ancien gardien étoile des Rangers de New York, Mike Richter, s’était déplacé à Montréal pour la conférence.

Richter le voit bien, les gardiens sont encore plus menacés qu’à son époque avec les joueurs qui foncent sans cesse au filet. 

« Ça fait partie du sport, mais on en connaît beaucoup plus maintenant sur la vulnérabilité du cerveau. Notre compréhension des blessures au cerveau nous fait changer notre manière de voir le hockey. Il faut protéger le jeu, mais protéger les personnes aussi et on voit de grands changements dans ce sens », a exprimé Richter en citant la prudence des Penguins envers Sidney Crosby.

Richter a commencé sa carrière dans la LNH en 1989. À cette époque, on suggérait encore aux joueurs de se relever après un puissant coup et on leur proposait de chasser leur mal de tête avec des Tylenols. Les images de cette période sont absolument renversantes avec les connaissances du moment.

« Il y a une grosse différence et c’est probablement la meilleure nouvelle. Les règles et les protocoles ont changé, sauf que les joueurs sont plus forts et plus rapides que jamais », a réagi celui qui a effectué des études à l’Université Yale après sa carrière.

En songeant à la complexité du problème, Richter n’est pas d’être aussi critique que Dryden envers la LNH.

« Les précautions sont primordiales, mais on ne peut quand même pas éliminer tous les contacts d’un seul coup. D’ailleurs, on ne sait pas encore pourquoi une personne fait une commotion cérébrale après un impact et qu’une autre personne s’en tire à la suite d’un choc identique. Les changements ont tout de même été drastiques et ce n’est pas évident de renverser la vapeur sur le champ. C’est un peu comme le dossier des bagarres. Il ne faut pas oublier que le hockey demeure un spectacle », a analysé Richter qui s’implique également dans les causes environnementales.