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RÉSULTATS

Les athlètes cacheraient davantage une 2e commotion

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MONTRÉAL - Les athlètes qui ont déjà subi une commotion cérébrale semblent ensuite moins susceptibles de rapporter les symptômes d'une nouvelle blessure, ont constaté des chercheurs de l'Université de Montréal, sauf si la deuxième commotion leur semble plus grave que la première.

La plupart des athlètes interrogés aux fins de cette étude ont indiqué considérer qu'une commotion cérébrale est « grave » si les symptômes sont apparents, s'ils sont impossibles à cacher ou s'ils interfèrent avec leur vie quotidienne.

« Je ne sais pas s'ils "banalisent", mais ils sont plus confiants qu'ils peuvent se prendre en charge eux-mêmes, a dit l'auteur de l'étude, le chercheur William Archambault, pour expliquer la décision des jeunes athlètes de cacher une nouvelle commotion cérébrale. Peut-être aussi qu'ils ont moins peur. »

Il y a moins d'hésitation à rapporter une première commotion cérébrale, a-t-il ajouté, notamment en raison des nombreuses campagnes qui ont sensibilisé les jeunes aux dangers d'une telle blessure.

Les protocoles de prise en charge des commotions cérébrales prévoient toutefois souvent que le jeune sera absent de son sport pendant deux ou trois semaines, peut-être encore plus longtemps, et ce même si les symptômes se sont résorbés, du moins en apparence, après sept ou dix jours.

Un jeune athlète qui se retrouve dans cette situation pourra donc avoir comme réflexe de se dire « ça fait deux semaines que je suis correct et ils m'empêchent encore de jouer », a souligné M. Archambault.

« Ils font une sorte d'analyse coût-bénéfice, a-t-il dit. Ils se disent, "la prochaine fois, je vais me gérer moi-même pendant une semaine et je vais pouvoir revenir au jeu plus vite". »

Chaque athlète réagira différemment face à une commotion cérébrale, d'où l'importance de bien connaître l'individu pour pouvoir personnaliser l'approche si on sait qu'on est en présence d'un jeune qui, après un contact physique violent, pourra avoir plus tendance qu'un autre à camoufler ses symptômes, a dit M. Archambault.

On pourrait aussi envisager de ne pas laisser la décision entre les mains du jeune en annonçant, par exemple, que tous ceux qu'on soupçonne d'avoir subi une commotion cérébrale, même s'ils ne présentent aucun symptôme, seront automatiquement retirés du jeu pendant une semaine.

« Si c'est l'arbitre ou l'entraîneur qui te sort, alors tu n'as pas à réfléchir, a expliqué M. Archambault. Il faut protéger les jeunes d'eux-mêmes. »

M. Archambault a été mis sur la piste de cette thèse de doctorat par une enquête sur les commotions cérébrales menée par des chercheurs de McGill auprès de joueurs de la Ligue canadienne de football.

Huit participants à cette enquête sur dix ont admis avoir caché une commotion cérébrale pendant leur carrière. Ils ont ensuite choisi parmi la quinzaine de raisons présentées pour expliquer cette décision. M. Archambault a toutefois remarqué qu'aucun n'avait coché « Autre ».

Puisqu'il était peu probable que la quinzaine de choix aient représenté toutes les explications possibles, il a décidé d'approfondir la question en rencontrant virtuellement de jeunes athlètes pendant la pandémie.

« On a pu aller plus en profondeur dans le processus décisionnel des athlètes, a-t-il dit. Par exemple, je leur ai demandé en quoi le contexte de leur deuxième commotion cérébrale était différent de la première. »

Conclusion: si un athlète a déjà subi une commotion cérébrale, cela le rend plus à risque de ne pas divulguer la prochaine, « ce qui est peut-être un peu contre-intuitif ».

M. Archambault a interviewé des athlètes de soccer, de rugby et de claque (cheerleading) pour son étude, ce qui lui a permis de constater que ces derniers ont une attitude différente des autres face aux commotions cérébrales.

« Si un joueur de soccer a une commotion, on le met sur le banc et on le remplace par un autre, a-t-il dit. Mais pour le cheerleading, c'est une chorégraphie devant un jury, et si un membre de l'équipe a une commotion, on ne peut pas simplement le remplacer parce qu'ils ont passé presque toute l'année à apprendre leur programme ensemble. »

Ces athlètes, a ajouté M. Archambault, ont confié ressentir « le poids » non seulement de leur désir de participer, mais aussi « la pression » de ne pas laisser tomber leurs coéquipiers et de ne pas pénaliser leur équipe.

Il en va de même pour toutes les autres blessures qu'ils peuvent subir, et non seulement des commotions cérébrales.

« Ça m'a ouvert les yeux. Je n'avais jamais réfléchi à cette perspective-là, a-t-il admis. Donc clairement, il y a des aspects du règlement ou de la façon que le sport est joué qui font en sorte que les athlètes ont beaucoup trop de pression à ne pas admettre leurs blessures. »

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Neurotrauma Reports.