COLLABORATION SPÉCIALE

Cette semaine, je voulais vous parler de la vie privée des athlètes et de ce qu’on veut savoir, ce qu’on doit savoir et ce qu’on pense qu’on devrait savoir. Avec ce qui se passe en Ukraine, ce sujet attendra.

Cependant, avec toutes ces compétitions annulées en Russie et surtout tous ces athlètes russes sanctionnés par les instances sportives du monde, il y a un lien à faire entre la responsabilité individuelle des athlètes, leurs responsabilités par rapport à leur entourage, ainsi que leurs responsabilités par rapport à leurs positions politiques.

D’abord mettons une chose au clair : il était impératif pour les instances du sport d’annuler toutes compétitions en Russie à cause de l’invasion de cette dernière en Ukraine, ne serait-ce que pour l’aspect sécuritaire. Le symbole doit aussi être fort que la souveraineté d’un pays est sacrée. Surtout quand on a affaire à des événements qui impliquent des athlètes qui viennent de partout sur la planète. Je comprends également que les fédérations internationales de sport sévissent contre la Russie et les équipes russes. Ces équipes sont souvent sous le contrôle du gouvernement et les dirigeants des fédérations du pays ont presque systématiquement des liens étroits avec le pouvoir en place.

Je comprends ceux qui comparent la situation présente à la tenue des Jeux olympiques en Chine et qui se demandent pourquoi la réaction internationale n’a pas été plus forte face aux fait que les droits humains sont bafoués par le régime communiste. Par contre, la situation avec la Russie est différente. Le président du pays menace en terme à peine voilés d’utiliser éventuellement l’arme nucléaire, mettant ainsi en péril la sécurité mondiale. Le message de la communauté internationale doit donc être vraiment fort et ferme, et cela doit aussi passer par le sport.

Le sport a valeur de symbole et pour l’instant, pour éviter une guerre mondiale, les symboles et les sanctions économiques sont les principales options que l’Occident a décidé de privilégier pour mettre de la pression sur l’envahisseur de l’Ukraine.

Cependant, j’ai quand même un malaise que des athlètes soient sanctionnés pour les décisions de leur gouvernement. Décisions avec lesquelles ils n’ont rien à voir. Surtout qu’on parle d’ici d’un régime autocratique où les citoyens peuvent être emprisonnés de manière arbitraire et où les principaux opposants du président ont été soit emprisonnés, empoisonnés ou carrément assassinés. Comment dans un tel régime de terreur peut-on s’attendre à ce que les athlètes critiquent le gouvernement en place? Les athlètes russes ont encore certainement de la famille dans leur mère patrie. Famille qui pourrait être ostracisée à cause de leurs critiques. Dans un tel contexte, je comprends les athlètes qui peuvent encore exercer leur passion (c’est le cas des joueurs de tennis puisqu’ils représentent d’abord eux-mêmes sur les circuits professionnels et non la Russie) de simplement prêcher pour la paix et demander comme Andrey Rublev « pas de guerre s’il vous plaît ».

Le cas d’Alexander Ovechkin est un peu différent. Sa photo de profil sur son compte Instagram est encore celle qu’il a prise auprès du président russe Vladimir Poutine, lors de la remise d’une récompense du gouvernement. Il a aussi une photo où il fait la promotion de « Team Poutine », un geste de soutien clair à l’égard l’autocrate. Ceci étant dit, Alex Ovechkin peut-il vraiment retirer publiquement son soutien à Vladimir Poutine sans subir ses foudres? À quoi servirait de critiquer vivement l’invasion russe de l’Ukraine si cela met en péril sa sécurité et celle de sa famille qui est encore sur le territoire russe? Le symbole serait fort, mais aurait-il vraiment un effet concret? Je comprends donc l’exercice d’équilibriste que tentent de faire les athlètes originaires de la Russie qui ont encore une tribune, même si je ne cautionne pas leur choix politique. Parce qu’il faut le dire, parfois les athlètes nous déçoivent avec leurs choix politiques ou leur choix de vie. Doit-on les punir pour autant de leur choix douteux?

Quoi qu’il en soit, ce conflit n’aura pas épargné le sport. Même si ce dernier peut servir de pont entre les nations et les peuples, il n’est pas imperméable à ce qui se passe dans le monde. Les exemples ne manquent pas d’événements sportifs ou d’équipes sportives qui ont aidé à la rencontre ou aux premiers pas de réconciliation entre anciens ennemis.

D’emblée, et parce qu’un film a été fait sur le sujet (Invictus avec Morgan Freeman et Matt Damon), je pense à l’équipe de rugby de l’Afrique du Sud. En 1995, le pays accueillait la Coupe du monde de rugby. Alors président d’un pays qui se remettait à peine de l’apartheid, le président Nelson Mandala voyait l’occasion de réunir les Noirs et les Blancs du pays autour d’une même cause. L’expérience n’a peut-être pas été parfaite, mais a servis d’inspiration et d’assises à une unification, quoi qu’incomplète, du pays.

L’autre événement sportif auquel je pense, c’est la Série du siècle entre le Canada et l’U.R.S.S. L’ironie veut que cette année marquera les 50 ans de l’événement de 1972. J’espère qu’on pourra célébrer cet anniversaire en septembre.