Alors que la pause dominicale est observée pour une dernière fois à Wimbledon cette année, une petite réflexion est de mise avant la ronde des 16 dès demain. Cela est toujours considéré comme une grande étape dans la carrière d'un pro, être mesure de vivre une deuxième semaine en Grand Chelem. Nos deux jeunes canadiens Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov sont les seuls à vivre cette expérience au All England cette année.

 

Félix connait un excellent début de tournoi face au Brésilien Thiago Monteiro en dominant le Sud-Américain dans tous les aspects du jeu. Cela n'est pas étonnant puisque l'adversaire fait de la terre battue son terrain de jeu favori. Son manque de puissance offre à notre québécois beaucoup de place pour installer son jeu. Face au Suédois Mikael Ymer cependant, le match se joue plutôt en deux temps avec en plus des conditions qui changent en fin de journée. Une vilaine chute de la part du Suédois au 3e set n'arrange rien ce qui permet à Félix de surfer seul au 4e set. Beaucoup plus de bonnes choses que de moins bonnes pour le Québécois malgré une 2e manche en dents de scie.

 

Puis au 3e tour, l'affiche est si belle alors que se dresse devant Félix le pétaradant Nick Kyrgios. Franchement, l'Australien nous montre son plus beau visage lors de ce Wimbledon comme s'il réalise finalement jusqu'à quel point son immense talent, jumelé à son sens du spectacle, nous a cruellement manqué. Kyrgios démarre ce match comme une fusée en orbite, mais se blesse aux abdominaux alors qu'il sert à 4-1. Il profite du momentum acquis pour gagner la manche 6-2, mais le mal est fait, car il n'arrive plus à servir puissamment. Il abandonne après deux sets. Cela prouve une fois de plus que c'est impossible d'être pro à temps partiel alors que le « bad boy » n'a pas joué un seul tournoi depuis les Internationaux d'Australie en février. Je veux bien croire que Nick déteste les bulles, mais dans la vie pour exceller il faut savoir faire les bons choix dont certains n'ont pas grand-chose à voir avec le plaisir.

 

J'espère maintenant que Félix va entrer sur le terrain face à Alexander Zverev prêt à casser la baraque dès le premier point! En 3 matchs face au finaliste du Us Open, Félix a de la difficulté à trouver des clés pour embêter l'allemand. C'est vrai qu'il est un des meilleurs serveurs sur le circuit et qu'il est solide en fond de terrain. Sur herbe, il faut être solide d'abord sur ses mises en jeu et aussi trouver la manière de profiter de la position un peu éloignée de la ligne de fond de Zverev dans l'échange. Savoir varier en utilisant une combinaison de balles longues et en angles en plus de l'amortie et des montées au filet. Et tiens, d'abord et avant tout, il faut arriver sur le terrain dans un état affectif et intellectuel suffisamment puissant pour dominer l'aspect mental. Rien n'est offert, il faut quasiment être un brin (ou deux) effronté pour se l'approprier.

 

Du côté de Denis Shapovalov, il fait connaissance pour une première fois avec l'ancien 16e mondial Philipp Kohlschreiber qui l'amène jusqu'au 5e set. Puis il profite d'une passe gratuite au 2e tour en raison de la blessure de Pablo Andujar avant de goûter au central du saint temple face à « Sir » Andy Murray, héros du genre "Brave Heart" au SW19 avec ses deux couronnes de Wimbledon en plus de l'or olympique. L'Écossais à la hanche artificielle amène joie et folie lors de ses deux premières rondes sur le central. À chaque point gagné ou presque face à Basilashvili et Otte, les gens sont débout pour acclamer leur héros. Fini le respect du jeu, de l'adversaire et cette approche très polie des « British ». On chavire de bonheur, on exulte, on jubile pour Andy le miraculé qui survit à 7:23 de durs labeurs en 2 rencontres.

 

Jusqu'à tant qu'un petit blondinet du nord de Toronto qui est frais comme une rose se présente devant lui (3:35 de jeu seulement), armé de puissance sur un bon fond de résilience et de constance. Imaginez-vous toute la pression que cela représente affronter ce monstre sacré devant cette foule impétueuse et débridée! Shapo est tellement impressionnant alors qu'il utilise sa puissance pour soit dicter ou le faire travailler au-delà de ses capacités. La victoire est logiquement acquise en un peu plus de 2 heures. Shapo est tellement beau dans la bataille qu'il reçoit une ovation debout avant d'offrir ses commentaires au micro du central. WOW! Attention cependant, le métronome Roberto Bautista Agut, demi-finaliste en 2019 et 10e mondial, l'attend au 4e tour.

 

Pour ce qui est de Bianca Andreescu qui s'incline en deux manches devant la coriace Alizé Cornet, elle livre un bon début de match, mais n'a pas joué assez pour accumuler la confiance que cela prend pour exceller sur points importants. Donnons le crédit à la Française qui dispute un match quasiment parfait. Même chose pour la championne de Roland Garros en 2017 Jelena Ostapenko qui mitraille de puissance Leylah Fernandez.

 

Du côté de Vasek Pospisil, il se débarrasse d'abord de l'Espagnol Carballes Baena avec du jeu offensif assez bien ficelé, mais s'incline au tour suivant devant le tombeur de Stefanos Tsitsipas, Frances Tiafoe. Vasek n'a grappillé que 3 victoires cette année avant de se présenter à Wimbledon. Trois mois sans jouer après son mauvais comportement sur le terrain à Miami n'a pas aidé sa cause. Je lui souhaite une saison sur le dur cet été et automne à la hauteur de son talent.