Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Droguée à son insu, Marie Sophie Harvey veut mettre un terme aux stigmates

Marie Sophie Harvey Marie Sophie Harvey - PC
Publié
Mise à jour

MONTRÉAL - La nageuse lavalloise Marie-Sophie Harvey a déclaré qu'elle avait pris la décision de révéler publiquement avoir été droguée à son insu aux Championnats du monde aquatiques de Budapest, le mois dernier, afin de mettre un terme aux stigmates qui affligent généralement les victimes.

L'incident se serait produit dans une soirée servant de clôture aux compétitions en Hongrie, et elle réunissait des nageurs et divers invités. Malheureusement, encore à ce jour, l'athlète âgée de 22 ans a indiqué qu'elle n'avait plus aucun souvenir d'une période « allant de quatre à six heures » cette soirée-là.

Harvey a indiqué avoir consommé « peut-être quatre verres pendant la soirée », et précise qu'elle n'a jamais véritablement ressenti qu'elle avait été droguée. Elle a ajouté qu'aucun effet personnel ne lui avait été volé, sauf une caméra jetable qui lui aurait probablement permis de refaire mentalement le fil de la soirée.

« Ce sont des gens qui étaient sur place avec moi qui m'ont raconté la soirée, et en mettant tous les petits bouts de l'histoire ensemble j'ai pu avoir une idée de ce qui s'était produit. Je n'avais pas l'impression de faire partie de cette histoire-là, parce que je n'avais aucun souvenir », a d'abord dit Harvey en visioconférence vendredi.

« Malheureusement, je ne sais pas comment je me suis retrouvée dehors, dans la rue. Une amie m'a raconté que je n'arrêtais pas de lui dire de ne pas me laisser toute seule, et j'étais vraiment insistante à ce sujet. Elle est allée chercher deux autres amies pour l'aider, et je ne pourrais dire à quel moment j'ai perdu conscience, mais elles m'ont aidée à rentrer à l'hôtel », a-t-elle poursuivi.

Harvey, qui a décroché le bronze avec ses coéquipières canadiennes au relais 4x200 m à Budapest, s'est réveillée le lendemain avec une entorse costale, une commotion cérébrale et de nombreuses ecchymoses. Ce qui lui faisait craindre le pire.

La principale intéressée, qui ressent encore aujourd'hui beaucoup de honte à avoir vécu une telle histoire, a néanmoins tenté de reprendre son quotidien. Mais après une séance d'entraînement, en voyant ses blessures, elle n'a pu se retenir et a fondu en larmes dans les bras d'une coéquipière.

On lui a alors recommandé d'aller chercher de l'aide, ce qui s'est révélé plus difficile que prévu. Harvey a d'ailleurs souligné qu'elle aimerait qu'il y ait plus de ressources pour aider les victimes comme elle , selon Harvey, il n'y aurait que deux cliniques spécialisées à Montréal, et celles-ci seraient difficiles à rejoindre.

En conséquence, le temps qu'elle rentre au pays le 27 juin, qu'elle décide d'aller au fond des choses et qu'elle se heurte aux difficultés du système, Harvey n'a pu se soumettre à un test toxicologique. Et la substance était disparue de son organisme.

Elle croit cependant que les gens, peut-être parce qu'ils sont ignorants, ont tendance à juger la victime plutôt que de tenter d'identifier le coupable. Même ici, à Montréal.

« À mon retour ici, et pendant la semaine qui a suivi, j'avais honte et je sentais que le jugement des autres était très présent, a-t-elle confié. On m'a dit que j'avais probablement trop bu, que je devais regarder mon verre, que je devais faire attention et certains m'ont même dit que je l'avais peut-être cherché. Toutes les victimes de ce genre d'incident ont déjà entendu ça, et je crois que c'est l'une des principales raisons pour lesquelles les gens ont peur de dénoncer ces situations-là. »

« Et malheureusement, je pense que les victimes restent enfermer par la peur du jugement des autres. Car, que tu le veuilles ou pas, les gens deviennent des victimes en raison de circonstances qui sont hors de ton contrôle », a-t-elle poursuivi.

Elle a précisé que plusieurs autres athlètes ont aussi été droguées au cours de cette soirée, sans en préciser le nombre ni l'identité. Sa démarche actuelle vise d'ailleurs à les encourager à sortir publiquement, « afin qu'on puisse être plus prudent et conscient des dangers qui guettent les gens dans les fêtes ».

Harvey a indiqué qu'elle n'a pas déposé de plainte à la police de Budapest, en raison de la complexité du processus, mais a mentionné que la FINA avait ouvert une enquête sur cette soirée. Natation Canada est également impliqué afin de faire la lumière dans cette affaire.

« Natation Canada recueille présentement des informations sur cet incident et a enclenché un processus d'enquête indépendant », a déclaré le porte-parole de l'organisation, Nathan White, en ajoutant qu'à sa connaissance c'était la première fois qu'un tel incident se produisait au sein de la fédération.

La Québécoise a partagé son expérience sur Instagram plus tôt cette semaine, et précisé qu'elle avait longuement réfléchi avant de partager publiquement sa mésaventure. Une décision qu'elle ne regrette pas.