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RÉSULTATS

Combien mérite un entraineur de boxe professionnel?

La semaine de boxe avec Yvon Michel La semaine de boxe avec Yvon Michel - Getty, RDS
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COLLABORATION SPÉCIALE

Aujourd'hui, je veux amener un peu de lumière sur les plus grands missionnaires de l'ombre qui ne sont généralement pas reconnus et surtout rémunérés à leur juste valeur :  les entraineurs.

Également, un retour sur les performances éblouissantes de Canelo Alvarez à Las Vegas et Naoya Inoue à Tokyo.

Enfin, un mot sur la carrière unique de Vasyl Lomachenko et mes prédictions sur son combat de samedi à Perth, en Australie, contre le rude George Kambosos.

Combien mérite un entraineur de boxe professionnel

On me pose souvent cette question à savoir combien un entraineur d'un boxeur professionnel devrait être rémunéré?

La question est d'autant plus pertinente, alors qu'on vient d'apprendre que l'entraineur Derrick James poursuit son boxeur Errol Spence fils (28-1, 22 K.-O.) en justice pour la somme de 5 millions$ suivant son dernier combat. Celui de sa défaite cuisante contre Terrence Crawford (40-0, 31 K.-O.) avec tous les titres majeurs à l'enjeu.

James a été nommé « Entraineur par excellence de l'année 2022 » par ESPN. Il a dirigé Spence fils depuis ses débuts dans les rangs amateurs, jusqu'aux Jeux olympiques, puis tout au long de son parcours de 29 combats chez les professionnels, dont 8 combats de championnats du monde.

Comme c'est presque toujours le cas, James a dirigé bénévolement Spence tout au long de son parcours de près de 100 combats amateurs jusqu'aux Jeux olympiques de Londres, en 2012, où il devait s'incliner contre l'éventuel médaillé de bronze, le Russe Andrey Zamkovoy, à son troisième combat.

Le 9 novembre 2012, Spence fait son entrée chez les professionnels avec James dans son coin. On bâcle une entente de service par une poignée de main où James recevra 10% des bourses de son boxeur.

L'histoire qui se répète tout le temps est la suivante : quand un boxeur reçoit 1500$ de bourse, c'est ce qu'a reçu Spence à son premier combat, il n'y a aucun problème à remettre 150$ à son chef de coin. Quand la bourse est de 100 000$, 10 000$ à l'entraineur c'est OK.

Quand la bourse est rendue à 1 million, le boxeur devient réticent à céder 100 000$, mais si on se rend à 10 millions de bourses, alors ça ne va plus. Conseillé par ses amis, sa famille ou son avocat, on incite à tricher l'entraineur ou à renégocier à la baisse. Pourtant, on parle ici du même 10% du départ.

Plus personne ne se souvient que l'entraineur a peut-être dirigé gratuitement pendant les 10 ans de la carrière amateur du boxeur. Soudainement, ses services sont rendus trop chers et il ne mérite pas tout cet argent parce qu'en fin de compte ce n'est pas l'entraineur qui mange les coups sur la gueule qu'on dit!

Ce qui se passe généralement est que l'entraineur, de crainte d'être évincé, courbe l'échine et accepte une rémunération avec un cap maximal par combat. On lui fait comprendre qu'il est chanceux parce que d'autres, peut-être plus compétents, accepteraient pour moins.

Il arrive parfois que les entraineurs disent non, et comme Derrick James, s'insurgent et prennent action. Pour ce dernier, le vase a débordé quand il a reçu la somme de 350 000$ pour le combat Spence contre Terrence Crawford, alors que la bourse garantie était de 25 millions$. Les conseillers de Spence lui ont dit que même 350 000$, c'était généreux. On parle ici d'un versement de 1,4% de la bourse au lieu de 10% qui aurait représenté 2,5 millions$.

James réclame donc les 2,15 millions $ manquants et un 2,9 millions $ déficitaires des 4 combats précédents contre Mikey Garcia, Shawn Porter, Danny Garcia et Yordenis Ugas. Est-ce que le tribunal va lui donner raison? Mon impression est qu'on va trouver une entente à l'amiable.

Quand on me le demande, je conseille toujours aux entraineurs à prendre leurs précautions et à signer un contrat avec leurs boxeurs. Étonnamment, la RACJ a des règles et des contrats types pour les ententes promoteur/boxeur où encore gérant/boxeur, mais rien pour aider ou protéger les entraineurs.

Rarement, très rarement j'ai été témoin d'une entente contractuelle signée entre un entraineur et son boxeur qui est en début de carrière. Il faut aussi dire que des boxeurs qui finissent par commander des bourses millionnaires est extrêmement rarissime. Sur le site Boxrec.com, on dénombre 233 Canadiens qui sont actifs présentement et probablement moins de 5 d'entre eux vont un jour atteindre ce statut de millionnaires.

Il y a de grands entraineurs qui, par principe, ont toutefois refusés de plier.

Le légendaire Angelo Dundee, qui a dirigé 23 champions du monde dont le grand Muhammad Ali durant toute sa carrière, s'était entendu verbalement avec Sugar Ray Leonard pour une rémunération de 15% des bourses du jeune prodige avant son premier combat professionnel.  Tout s'est bien passé pour les 34 premiers combats.

Au 35e combat de Leonard contre Marvelous Marvin Hagler d'une bourse de 11 millions $, l'avocat de Leonard, Mike Trainer, a fait parvenir un chèque de 150 000$ à Dundee.

Dundee n'a rien dit, mais quand le combat suivant du champion olympique de Montréal a été conclu contre le Canadien et champion WBC des mi-lourds, Donny « Golden Boy » Lalonde, le célèbre entraineur a communiqué avec Sugar Ray et a exigé un contrat à l'avance pour ses services. Leonard a refusé conseillant à son entraineur de négocier avec son avocat. Offensé, parce que pendant toute sa carrière c'est avec ses boxeurs directement qu'il avait fait affaires, Dundee coupa les ponts nets avec le champion.

C'est sans le légendaire entraineur de Miami que Leonard va livrer les cinq derniers combats de sa carrière, cumulant une fiche de 2 victoires, 2 défaites et une nulle.
Une autre association qui s'est mal terminée à cause des finances est celle entre Gennady Golovkin et Abel Sanchez. Ce dernier a accueilli le médaillé d'argent des Jeux olympiques d'Athènes en 2004, quand il s'est installé aux États-Unis en 2010. Il l'a même hébergé à son camp de Big Bear en Californie, pour le dépanner, pendant une longue période.

Pendant neuf ans, les deux ont travaillé ensemble en harmonie, Sanchez recevant son 10% habituel des bourses de son champion.

En 2019, Golovkin a signé une entente de 100 millions $ pour six combats avec DAZN. Sanchez prétend que le Kazakh lui a offert le cinquième de son tarif habituel. On peut comprendre qu'il s'agissait de 2% au lieu de ses 10% habituels, donc de 2 millions $ au lieu de 10 millions $.

Sanchez a dit non merci et ils ne sont plus jamais reparlé depuis. Golovkin aura combattu à cinq reprises depuis dont son dernier affrontement en septembre 2022 contre Saul Alvarez, une défaite aux points.

Ce n'est pas tous les entraineurs amateurs qui suivent leurs boxeurs quand ils passent professionnels par manque de temps, d'intérêt ou par manque de compétences.

Il arrive également qu'en cours de route, un boxeur décide de changer d'entraineur pour faire progresser sa carrière, sans que ce soit pour une raison financière.

Il existe trois modèles d'entraineurs professionnels.

Il y a ceux qui sont rémunérés à temps plein, par le promoteur d'une équipe, pour que ce dernier dirige tous les boxeurs de l'organisation. Cette position est généralement assortie de bonis de performance. Marc Ramsay, pour EOTTM, a un arrangement semblable. C'était aussi le cas pour Stéphan Larouche avec InterBox dans le temps.

Il y a ceux qui, comme Pedro Diaz à Miami, possèdent un gymnase et chargent un tarif à l'heure, la journée ou la semaine pour entrainer un boxeur professionnel et exigent d'être payés avant l'entrainement. Ils demandent également un montant supplémentaire, à négocier, pour diriger le même boxeur dans un combat.

Enfin, il y a des entraineurs qui ne sont pas intéressés à développer des boxeurs du jour 1 et dont les services sont retenus pour un combat spécifique, incluant le camp d'entrainement. Ces derniers sont généralement rémunérés un montant fixe, négocié au préalable, ainsi qu'une bonification en fonction du résultat. On retrouve les James « Buddy » McGirt et même Freddie Roach dans cette catégorie.

Canelo Alvarez magistral contre Jaime Munguia

C'est un Canelo Alvarez (61-2-2, 39 K.-O.) extrêmement motivé qui est allé chercher sa 61e victoire chez les professionnels, un sommet pour les champions actifs, et ainsi conserver ses titres WBC, WBA, IBF et WBO des super moyens.

Jaime Munguia (43-1, 34 K.-O.) a livré le genre de performance qui a élevé sa réputation et son statut malgré sa défaite par décision unanime en 12 rounds. À 27 ans, son nom va certainement refaire surface rapidement pour éventuellement avoir sa chance à nouveau dans un combat significatif et payant.

Canelo, lui est bien installé au sommet comme le boxeur le plus populaire sur terre, possède toutes les cartes pour déterminer la suite. Il y a des rumeurs qui disent que PBC serait prêt à lui donner 100 millions $ pour un combat contre David Benavidez en septembre. D'ailleurs, c'est un clin d'œil sympathique qu'il a lancé à son aspirant obligatoire WBC, une invitation à venir le rejoindre sur le ring, après l'annonce de sa victoire contre Munguia, que Benavidez a poliment décliné.

Il y a également des échos d'Arabie saoudite où on voudrait l'inviter à Riyad, en décembre ou janvier, pour un méga combat contre celui qui est considéré le meilleur au monde livre pour livre, Terence Crawford (40-0, 31 K.-O.) qui va combattre pour la première fois aussi haut qu'à 154 livres contre Israil Madrimov (10-0-1, 7 K.-O.) au BMO Stadium de Los Angeles, le 3 août prochain.

Quelle bourse peut-on offrir au Mexicain pour le convaincre? Un montant qui dépasse l'imagination!

Nayoa Inoue suprême au Tokyo Dome contre Luis Nery

Le Japonais Naoya Inoue (27-0, 24 K.-O.) a tout simplement été suprême lundi dernier au Tokyo Dome devant plus de 50 000 spectateurs contre l'Américain Luis Nery (35-2, 27 K.-O.) pour conserver ses 4 titres WBC, WBA, IBF et WBO des super coqs.

Pour ce surdoué de 31 ans, c'était son 22e combat de championnat du monde dans une 4e division de poids. La célèbre revue « The Ring » vient de l'élever au 1er rang des meilleurs boxeurs au monde livre pour livre devant Terence Crawford.

La victoire contre Nery était prévisible, ce dernier ayant déjà perdu par KO au 7e round contre Brandon Figueroa (25-1-1, 19 K.-O.) en 2021. Ce qui ne l'était pas, c'est la visite au tapis surprise d'Inoue à la suite d'une gauche bien placée de son adversaire.

Ce qui joue en faveur d'Inoue sur Crawford est son niveau d'activité. On a plus souvent l'occasion de le voir en action et rafraichir notre niveau d'excitation pour son immense talent. Ce dernier a démoli ses cinq adversaires des deux dernières années et demie.

Crawford, dans la même période, n'est monté sur le ring qu'à deux reprises et sa dernière présence remonte à il y a près d'un an contre Errol Spence fils (28-1, 22 K.-O.) pour l'unification des mi-moyens.

Les deux boxeurs sont de véritables phénomènes et les opinions sont partagées à savoir qui mérite la mythique nomination de meilleur livre pour livre, présentement. De mon côté, je favorise Crawford qui est aussi habile droitier comme gaucher et qui, à mon sens, possède une intelligence du ring supérieure pour trouver les failles, alors que Inoue impose sa loi en martelant ses adversaires jusqu'à soumission.

Vasyl Lomachenko contre George Kambosos fils en Australie samedi

Samedi, au RAC Arena de Perth, en Australie, c'est le retour d'un de mes favoris, le double médaillé d'or olympique et trois fois champion du monde professionnel en autant de divisions Vasyl Lomachenko (17-3, 11 K.-O.). Ce dernier affrontera l'ancien champion du monde unifié des légers George Kambosos Jr. (21-2, 10 K.-O.), pour le titre IBF vacant des légers.

Canelo Alvarez et Naoya Inoue sont dominants, mais la carrière de l'Ukrainien est aussi unique qu'inimitable! Deux fois champion olympique et une seule défaite dans toute sa carrière amateure, puis à son 2e combat professionnel il subit la défaite en championnat du monde IBF des plumes, par décision partagée, contre le vétéran de 55 combats professionnels, Orlando Salido (42-12-1, 29 K.-O.).

À son 3e combat, avec une fiche professionnelle de 1-1, il a une seconde chance au titre mondial qu'il remporte face au talentueux Gary Russell fils (24-1, 14 K.-O.) pour être couronné champion WBO des plumes, sa fiche est (2-1, 1 K.-O.).

Après les olympiques, habituellement mon associé chez GYM, Bernard Barré, prépare une liste des meilleurs espoirs au monde. Quand on a communiqué avec moi, en 2013, pour me demander si nous étions intéressés à donner un essaie à Artur Beterbiev, j'ai consulté la liste de Bernard et le Russe occupait le 2e rang. Juste devant lui c'était Vasyl Lomachenko.

Samedi, ce sera le 17e combat de championnat du monde en 21 combats professionnel chez les plumes, les super plumes et les légers pour Lomachenko.

Ce dernier est probablement le meilleur technicien/tacticien de l'histoire de la boxe professionnelle. À son meilleur, il décourageait littéralement ses adversaires qui incapables de trouver une solution étaient poussés à l'abandon, du grand art.

Pour la promotion, on a beau vanter Kambosos, dont le plus grand fait d'arme est d'avoir causé une grande surprise en prenant la mesure de Teofimo Lopez, pour les titres IBF, WBA et WBO qu'il avait arrachés à Lomachenko, blessé à l'épaule, à son combat précédent. Contre l'Australien, Lopez n'avait pas encore dégrisé et descendu de son nuage, à la suite de sa victoire inattendue.

On dit de l'Ukrainien qu'il a ralenti à 36 ans et est moins affamé qu'à ses débuts. Ça ne l'a pas empêché de presque vaincre Devin Haney à sa dernière sortie en mai 2023. Je m'attends à une victoire de Loma par une domination presque totale sur 12 rounds.