Sébastien Bouchard et Mazlum Akdeniz : deux rivaux, mais une même grande passion
L'un est un vétéran en fin de parcours qui espère une ultime occasion de briller dans un sport qui a parfois été excessivement injuste pour lui, l'autre est un jeune premier en pleine ascension qui perçoit leur combat comme le prochain obstacle dans sa quête de devenir champion du monde.
À 36 ans, Sébastien Bouchard sait pertinemment que ses meilleurs jours sont derrière lui. Celui qui roule sa bosse depuis plus d'une douzaine d'années dans le monde impitoyable de la boxe professionnelle n'a pas été épargné par les malchances au fil des années. Combats annulés, blessures... il n'a toujours pas abandonné ce rêve d'obtenir le duel qui l'immortalisera auprès des amateurs.
À l'opposé, Mazlum Akdeniz, qui est âgé de 26 ans, représente tout ce que le Québec a de plus moderne. Déjà détenteur d'un titre mineur des poids super-légers du WBC, il passe chez les mi-moyens pour leur choc tenu en demi-finale du gala qui mettra en vedette Kim Clavel samedi soir à la Place Bell. La ceinture internationale du WBC ainsi qu'une place dans le top-15 seront en jeu.
Sans véritable surprise, les preneurs aux livres favorisent Akdeniz (18-0, 8 K.-O.), jusqu'à 6-contre-1 au moment d'écrire ces lignes. Bouchard (20-2-1, 9 K.-O.) ne s'en formalise pas, car il a souvent été le négligé depuis la première fois qu'il a enfilé les gants il y a une vingtaine d'années.
« Les gens voient la ceinture. Il est champion continental, il est jeune, il est 18-0, il paraît bien, il a été champion canadien dans les rangs amateurs pendant longtemps... c'est vraiment l'athlète entre nous deux, a fait remarquer Bouchard en entrevue à RDS.ca en marge d'un entraînement médiatique présenté plus tôt cette semaine au Complexe sportif Claude-Robillard, à Montréal.
« De mon côté, je n'ai jamais été champion canadien. J'étais toujours dans le top-2, le top-3, le top-4… Il m'est ensuite arrivé 56 bad luck chez les professionnels, mais je suis toujours là, comme un vieux routier, comme un chauffeur de taxi. Cela dit, il ne faut jamais me sous-estimer. Si tu me sous-estimes, c'est la pire erreur que tu peux faire. J'ai bien peur pour lui qu'il l'ait fait. »
Ce n'était pas nécessairement dans les cartons de Bouchard d'affronter Akdeniz à ce stade-ci de sa carrière, mais il lui était tout simplement impensable de refuser l'invitation de ce dernier, qui était à la recherche d'un coup d'éclat pour attirer l'attention générale sur ses accomplissements.
Il y a une animosité perceptible entre les deux hommes depuis quelques mois, mais les échanges sont toutefois demeurés très cordiaux jusqu'à maintenant. Akdeniz répète cependant à tous ceux et celles qui veulent l'entendre qu'il remportera l'affrontement en moins de quatre rounds.
Une prédiction plutôt audacieuse dans la mesure où Akdeniz ne multiplie par les victoires par knock-out depuis le début de sa carrière et que Bouchard n'a jamais été arrêté à proprement dit tant chez les amateurs que les professionnels. La seule fois qu'il a été battu avant la limite, c'est parce qu'il s'était déchiré le biceps gauche contre Ayaz Hussain en novembre 2019 à Québec.
« Quand je dis que je donne quatre rounds à Sébastien, c'est parce que je mean it, a lancé Akdeniz au représentant de RDS.ca venu le rencontrer au mythique Ring 83 du quartier Ahuntsic. Je ne dis pas ça parce que je veux vendre le combat, mais parce que je suis bien préparé et que j'ai atteint une certaine maturité. Le combat ne va vraiment pas durer plus de quatre rounds!
« Je le vois comme un bon combat de progression et ce qui est encore plus plaisant, c'est que c'est un combat local qui attire l'attention. Mais c'est certain que la pression est plus grande, parce que lorsque je me promène dans la rue, les gens m'en parlent. Mais je suis préparé! »
Malgré les apparences, Bouchard et Akdeniz ont néanmoins énormément en commun. Les deux boxeurs mènent leur carrière en parallèle d'une vie bien remplie. Bouchard est entrepreneur en construction dans le domaine agricole dans Charlevoix en plus d'être père de trois enfants, alors qu'Akdeniz est impliqué dans la gestion du restaurant familial et a récemment ouvert son propre gymnase à Longueuil. Et sa conjointe est sur le point de donner naissance à leur second enfant.
« J'ai tout le temps essayé de trouver l'équilibre entre le travail et le sport, a expliqué Bouchard. Ayant grandi sur une ferme laitière, je suis un peu workaholic, mais j'ai toujours réussi à donner le maximum partout où j'étais. Quand je me regarde, je suis vraiment content où je suis rendu.
« Et je vais l'être encore plus samedi soir après avoir remporté le combat. Ç'a été un camp d'entraînement éprouvant, surtout pour ma conjointe, qui était toute seule avec les enfants. J'ai beaucoup donné à la boxe au fil du temps et je suis convaincu qu'elle va bien me le rendre. »
« J'ai toujours été quelqu'un de très organisé, donc capable de faire plusieurs choses en même temps, a quant à lui précisé Akdeniz. Mais ce n'est pas parce que je suis énormément occupé que cela pourrait me servir d'excuses. Il n'y a absolument rien qui a nui à mon entraînement. »
Comme quoi après l'animosité, les bagarres et la poursuite des rêves les plus fous, il est possible de construire quelque chose de durable lorsque viendra le temps de tirer un trait sur la boxe.