Le combat Fury c. Usyk a rempli ses promesses
À Riyad, en Arabie Saoudite, dans le cadre de l'événement « Ring of Fire » subventionné par l'organisation de la personne la plus influente en boxe professionnelle actuellement, Turki Alalshikh, les deux meilleurs boxeurs poids lourds de leur génération se sont affrontés.
Il y a eu un grand gagnant, Oleksandr Usyk (22-0, 14 K.-O.), qui a dû puiser au plus profond de ses tripes pour absorber les uppercuts dévastateurs de Tyson Fury (34-1-1, 24 K.-O.), surmonter un déficit à compter du 8e round, faire chuter au tapis le géant de 6'9'' au 9e et résister à un ralliement de l'anglais au 12e round.
Le méga combat a répondu à toutes les attentes. Il nous a tenu sur le bout de notre siège les 12 rounds durant. Les échanges, les rounds, le combat ont été très partagés et le momentum s'est promené d'un boxeur à l'autre.
La décision a été partagée, mais le meilleur homme, ce jour-là, a été couronné champion unifié des lourds pour la première fois depuis la victoire de Lennox Lewis sur Evander Holyfield, il y a 25 ans.
Les deux athlètes ont rivalisé d'adresse dans un affrontement intense et spectaculaire. Les deux principaux facteurs, pour Usyk, qui ont fait la différence, sont sa capacité de résister aux impacts des coups de matraques lancés par Fury dans les rounds 3 à 7. Ce ne fut pas facile, le nouveau champion a été ébranlé à quelques reprises, mais n'a jamais succombé.
L'autre facteur, c'est la chute de Fury au 9e. Avec une seule victoire par K.-O. en cinq combats chez les lourds, on doutait de la capacité de l'ancien champion unifié des lourds légers à faire mal à un adversaire de la division. Fury a été solidement ébranlé, davantage que dans ses sept chutes précédentes en carrière.
Ce qui fait le plus mal en boxe, ce n'est pas le coup unique qui provoque une chute éclair, comme Fury l'avait toujours vécu précédemment. C'est l'accumulation des coups sur un boxeur qui résiste, refuse de tomber et se fait marteler abondamment. C'est ce qui s'est passé dans ce round fatidique. On peut y compter 14 coups de poings sur la cible, dont plus de la moitié dévastatrice, avant que Fury ne s'affaisse dans un coin.
Fury a admis, dans le vestiaire après le combat, qu'il aurait dû mettre un genou au sol aussitôt ébranlé, mais c'est son cœur, son égo et sa détermination qui ont pris le dessus sur la sagesse. Il a aussi profité favorablement du bénéfice du doute de l'arbitre Mark Nelson parce que ce dernier aurait pu facilement s'interposer et mettre fin aux hostilités tellement Fury semblait en perdition au 9e.
Dans tous ses précédents combats où il a chuté, contre Wilder, contre Ngannou où encore Cunningham ou Pajkic, il a toujours gagné le round suivant la chute. Pas cette fois-ci, il a dû prendre les rounds 10 et 11 pour récupérer et survivre avant de reprendre ses esprits et remporter le 12e.
Avec cette victoire, l'Ukrainien se fait une place historique extrêmement envieuse parmi les meilleurs poids lourds de l'histoire de la boxe. Le mérite du Usyk est d'autant plus marquant parce que son adversaire Tyson Fury a offert sa meilleure performance depuis son deuxième combat contre Deontay Wilder, en février 2020. Certains avaient souligné un certain déclin du Gypsy King récemment, mais sur le ring du Kingdom Arena il était à son mieux.
Combat revanche le 12 octobre à Riyad?
Sur le ring, dès l'annonce officielle de sa défaite, Tyson Fury a proclamé se prévaloir de la clause de combat revanche. Usyk a immédiatement acquiescé.
Frank Warren, le grand patron de Queensberry Promotions et promoteur officiel du gala, a par la suite confirmé la date du 12 octobre pour reprendre les hostilités.
Les deux boxeurs auront besoin de temps pour panser leurs blessures et refaire leurs forces. Pour un combat le 12 octobre, ça veut dire un retour intense à l'entrainement au début août. Ça laisse deux mois de congé. C'est faisable, mais tout de même très serré considérant l'intensité émotive et physique de la bagarre de 12 rounds.
À mon avis, la date de décembre serait plus réaliste pour permettre aux deux gladiateurs une parfaite transition. C'est avec énormément d'enthousiasme qu'on va attendre le début du 13e round de cette rixe règlementaire.
Selon The Ring, Usyk est de retour à la position numéro 1, livre pour livre
Les boxeurs reconnus à la mystique position du meilleur boxeur toutes divisions de poids confondues se succèdent à un rythme extrêmement intéressant depuis quelques années, signe de la profondeur en talent générationnel chez les boxeurs actifs.
Ce classement prestigieux des 10 meilleurs boxeurs, publié mensuellement par « The Ring », existe depuis 1989. Cette « Bible de la Boxe » attribue une ceinture de champion à chaque division depuis sa fondation en 1922. Elle publie des classements annuels de chaque division depuis 1924 et régulièrement ses top-100 des meilleurs boxeurs livre pour livre de l'histoire de la boxe. La dernière publication remonte à 2022.
C'est Sugar Ray Robinson (173-19-6, 108 K.-O.), qui a évolué de 1940 à 1965, qui est reconnu comme le plus grand pugiliste à avoir jamais vécu, devant 2- Joe Louis (66-3, 52 K.-O.) et 3- Muhammad Ali (56-5, 37 K.-O.).
Mon boxeur favori, Sugar Ray Leonard (36-3-1, 25 K.-O.), arrive au 19e rang.
Donc, à la suite de sa victoire contre Fury, Oleksandr Usyk retrouve une position familière au sommet du classement livre pour livre de « The Ring » en destituant Naoya Inoue qui a détenu la première place qu'un seul mois après avoir détrôné Terence Crawford.
C'est le 3e règne de Usyk depuis 2022. Ce dernier a également été le premier poids lourd depuis Mike Tyson, en 1990, à détenir cette position.
Depuis 2018, cinq boxeurs ont dominé ce classement sélect, Oleksandr Usyk, Naoya Inoue, Terence Crawford, Canelo Alvarez et Vasyl Lomachenko se sont succédés. Ils sont encore tous actif et dominants.
Durant les 12 années précédentes, de 2006 à 2018, seulement deux boxeurs ont eu l'honneur de dominer tous leurs pairs, Floyd Mayweather Jr et Manny Pacquiao.
Les Québécois, le top-10 livre pour livre et reconnaissance par « The Ring »
Depuis le début des années 2000, les boxeurs québécois ont connu beaucoup de succès sur la scène internationale de boxe. Depuis la victoire de Dave Hilton Jr en décembre 2000 pour le titre WBC des super moyens, 16 boxeurs québécois sont devenus champions du monde dont la plus récente Vanessa Lepage-Joanisse, elle aussi pour la ceinture verte.
Cependant, un seul Québécois a réussi à percer le prestigieux classement des 10 meilleurs boxeurs livres pour livre et c'est le champion WBC, IBF et WBO des mi-lourds, Artur Beterbiev.
Il est apparu au 9e rang en 2019 et il occupe actuellement la 5e position. Est-ce qu'une éventuelle victoire, à l'automne, contre le no 6 Dmitry Bivol pourrait lui faire gagner quelques rangs voire la première place? C'est possible, mais pas certain retrouvant devant lui des boxeurs très actifs en 4- Canelo Alvarez, 3-Terence Crawford, 2- Naoya Inoue et 1- Oleksandr Usyk.
Nous avons aussi eu des Québécois qui, sans jamais avoir accédé au top-10, ont quand même eu du succès contre des adversaires classés.
Le 14 août 2010, Jean Pascal a défendu avec succès son titre WBC des mi-lourds par décision unanime, au Centre Bell de Montréal, contre l'américain Chad Dawson qui était classé en 6e position. Dawson devait alors connaitre sa première défaite en carrière.
Le 4 août 2018 au Hard Rock Hôtel d'Atlantic City, Eleider Alvarez l'emportait par un retentissant K.-O. sur le champion WBO Sergey Kovalev. Ce dernier était alors classé au 9e rang des meilleurs au monde livre pour livre.
Du côté des reconnaissances annuelles, « The Ring » attribue des méritas dans diverses catégories depuis 1922 également.
Arturo Gatti est le boxeur de chez nous qui a le plus été célébré, récoltant les prix de Combats de l'année à quatre reprises, en 1997 contre Gabriel Ruelas, en 1998 contre Yvan Robinson ainsi qu'en 2002 et 2003 contre Micky Ward. En 1997, il a également reçu le K.-O. de l'année sur Ruelas.
Adonis Stevenson a pour sa part reçu le prix de boxeur de l'année par « The Ring » en 2013. Cette année là, Superman a remporté quatre combats, tous par K.-O.. Il a tout d'abord vengé sa défaite contre Darnell Boone par K.-O 6, a détrôné le champion mi-lourd Chad Dawson de la WBC par K.-O. à 76 secondes du premier round pour lequel il a aussi été crédité du K.-O. de l'année. Il a fait succomber au 7e l'ancien champion IBF des mi-lourds Tavoris Cloud et a défendu son titre WBC contre son aspirant obligatoire Tony Bellew.
Il est le seul Canadien à avoir eu ce privilège, même Lennox Lewis n'a jamais reçu cet honneur. La récolte record pour cette reconnaissance appartient à Muhammad Ali avec 6.
Deux combats à surveiller sur la scène internationale :
Super légers Josh Taylor contre Jack Catterall en Angleterre
Deux combats retiennent particulièrement mon attention cette semaine.
Tout d'abord, sur DAZN, on a enfin le combat revanche entre le gaucher écossais Josh « The Tartan Tornado » Taylor (19-1, 13 K.-O.) et l'Anglais et aussi gaucher Jack « El Gato » Catterall (28-1, 13 K.-O.), en direct du First Direct Arena à Leeds au Royaume-Uni.
Deux québécois ont eu le privilège de participer, durant trois semaines, au camp d'entrainement de Taylor à Liverpool. Ils sont évidemment gauchers, Mazlum Akdeniz (20-0, 8 K.-O.) de Longueuil qui vient de remporter sa 20e victoire contre Sebastian Aguirre (19-5, 12 K.-O.) par décision, au Casino de Montréal le 16 mai dernier.
L'autre Québécois est l'un de nos plus beaux espoirs pour les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028, Omar Zaatiti Alieh de Montréal, 18 ans seulement.
Taylor et Catterall se sont affrontés le 26 février 2022 à Glasgow où l'Écossais devait alors conserver ses quatre titres unifiés des super légers par un mince marge aux points. Nombreux sont ceux qui croyaient que Catterall méritait un meilleur sort.
Depuis, Taylor a été dépouillé de ses ceintures l'une après l'autre pour avoir refusé ses aspirants obligatoires, sauf la WBO qu'il a concédé aux points contre Teofimo Lopez en juin 2023.
Catterall a de son côté remporté deux victoires par décision, dont la dernière contre Jorge Linares, en octobre 2023.
Il n'y a pas de doute, Taylor est le plus talentueux des deux, mais Catterall est peut-être le plus consistant. L'Écossais a l'habitude des grands affrontements et la qualité de ses adversaires, dont entre autres Regis Prograis, Ivan Baranchyk, Jose Carlos Ramirez, est complètement d'un autre niveau.
Catterall, par sa pression constante, va connaitre du succès, mais dans l'ensemble Taylor motivé et inspiré par son retour en Angleterre devrait contrôler la majorité de l'action et remporter une décision.
Si ce combat ne fait pas beaucoup de bruits ici, enterré par les grands combats qu'on vient d'être témoins, Canelo Alvarez, Naoya Inoue et les extravagances des « Riyadh Seasons », il reste que localement cet affrontement, sans titres, revêt une importance aussi grande qu'en 2014 ici quand on a eu Jean Pascal contre Lucian Bute, le combat le plus important de la période d'or de la boxe québécoise.
Bridger WBC : Lukasz Rozanski défend contre Lawrence Okolie en Pologne.
Lukasz Rozanski et Lawrence Okolie
Parce que le boxeur de chez nous Oscar Rivas a été le premier champion de l'histoire de la division des Bridgers (-224 livres), je conserve un intérêt particulier pour cette division.
Le Polonais Lukasz Rozanski (15-0, 14 K.-O.), qui devait être l'adversaire de la première défense de Kaboom, en a hérité du titre vacant quand Rivas a dû mettre un terme à sa carrière à la suite d'une blessure à un œil.
Rozanski a donc pris la mesure du Croate Alen Babic (12-1, 11 K.-O.) par K.-O. dès le round initial le 22 avril 2023 au G2A Arena à Rzeszow, en Pologne, pour devenir le deuxième champion WBC de l'histoire de la division.
Pour sa première défense, à Rzeszow, c'est l'ancien champion WBO des lourds légers (-200 livres), l'Anglais Lawrence Okolie (19-1, 14 K.-O.), qui est dans le coin opposé. Ce dernier est l'aspirant no 1.
S'il y a eu un long délai depuis son couronnement et cette défense, c'est que le champion devait défendre son trône contre l'ancien champion de trois divisions, super moyens, mi-lourd et lourd légers Badou Jack, qui habite maintenant Dubaï, aux Émirats arabes unis.
On connait bien Jack ici puisqu'il a affrontéet battu par disqualification Lucian Bute pour le titre WBC des super moyens, a fait match nul contre Adonis Stevenson pour le titre WBC des mi-lourds et a perdu contre Jean Pascal pour le titre WBA des mi-lourds.
Les clans de Rozanski et de Jack se sont entendus sur les détails, bourses etc., mais finalement le financement souhaité ne s'est jamais matérialisé.
Ensuite, l'ancien champion WBC des lourds légers Tony Bellew a considéré sortir de sa retraite pour tenter sa chance. Finalement, à 41 ans et retiré depuis 2018, il a jugé plus sage de s'abstenir.
C'est ainsi qu'on retrouve maintenant l'aspirant Lawrence Okolie qui représente un défi majeur pour le champion.
En 15 combats professionnels, le Polonais de 38 ans n'a livré que 26 rounds de boxe. Son plus long combat en carrière n'a jamais excédé quatre rounds.
En 20 combats. Okolie a livré 108 rounds de boxe dont 12 rounds à quatre reprises.
Le Polonais est agressif et sans retenu en attaque, mais c'est la première fois qu'il affronte vraiment un boxeur de calibre international.
Rozanski sera dangereux pour les 3 ou 4 premiers rounds, mais par la suite ne sera pas capable de suivre le rythme de l'Anglais.
On aura un nouveau champion, Okolie vers le 7ea round par abandon.
Bonne semaine!