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Les deux grands chantiers de Kim Clavel

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Une simple visite au Complexe sportif Claude-Robillard permet de constater tout l'ascendant que Kim Clavel a sur les autres boxeurs qui fréquentent l'endroit. Même si elle n'est pas la tenancière des lieux, l'ex-championne du monde s'assure que tous et toutes se sentent comme à la maison.

Certains diront qu'elle est la digne héritière de Stéphane Larouche ainsi que de Danielle et Pierre Bouchard, qui ont réussi à créer un véritable esprit de corps au sein de leur gymnase situé dans les gradins du vétuste édifice bétonné qui fait présentement l'objet d'importantes rénovations.

À un entraînement médiatique organisé là un peu plus tôt cette semaine, il était absolument fascinant de voir Clavel mettre les visiteurs à leur aise en multipliant les anecdotes de combats et de camps d'entraînement qui faisaient esquisser des sourires sur les visages de tout un chacun.  

Mais cette attitude bienveillante ne serait-elle paradoxalement pas le talon d'Achille de Clavel, qui a rendez-vous ce soir à la Place Bell de Laval avec la championne unifiée IBF et WBO des poids mi-mouches Evelin Nazarena Bermudez en finale d'un événement de Groupe Yvon Michel?

La question mérite d'être posée, puisque dans la foulée de sa défaite contre Yesica Nery Plata en janvier un peu plus tôt cette année, son équipe menée par son entraîneuse Danielle Bouchard avait suggéré que Clavel était peut-être trop à cheval sur certains principes. Telle une femme d'honneur, elle s'obstinait notamment à ne pas retenir ses adversaires afin de changer le tempo.

Cela n'a peut-être pas été perceptible pendant son dernier combat contre Naomi Arellano Reyes qu'elle a remporté par décision unanime des juges en mai dernier, mais Clavel a passé une partie des derniers mois à travailler sur une boxe que ne renierait certainement pas Bernard Hopkins.

« Bermudez peut être robuste, tricky, a prévenu Bouchard en entrevue à RDS.ca. Nous avons travaillé sur des choses et même encore cette semaine, j'ai fait part à Stéphan de deux idées d'exercices sur lesquels je voulais travailler pour mettre Kim dans une situation qui était fortement désagréable.

« Parce qu'il ne faut pas oublier que ça fait partie de la game aussi. Tu ne peux pas uniquement penser à bien boxer pour bien paraître pendant un combat, parce que si tu te fais amener dans une autre zone, tu dois être prête à faire face à la musique. Mais je suis convaincue que Kim ne se laissera pas marcher sur les pieds. »

« J'ai tellement eu de bonnes partenaires d'entraînement pendant mon camp, a continué Clavel. La plupart étaient des filles que j'avais côtoyées sur l'équipe nationale et nous avons travaillé sur des trucs très spécifiques, qui étaient très difficiles, à un rythme très élevé. Les filles qui évoluent dans les rangs amateurs ont un rythme très élevé qui ressemble pas mal à celui de Bermudez. »

Parmi les autres points qui ont été soulevés après le revers face à Nery Plata, il y avait la gestion des émotions, qui n'est pas nécessairement sans lien avec le désir de pratiquer parfois une boxe moins « noble ». Clavel n'a plus à échanger coup pour coup pour rallier les amateurs à sa cause.

« Mes preuves sont faites, a convenu la principale intéressée. Je vais être plus intelligente, je vais gérer mes émotions et je vais surtout gérer ce qui se passe dans ma tête entre les rounds. Je vais être très concentrée sur ce que Danielle me dit entre les rounds pour le transposer dans l'arène.

« Oui, ça se peut qu'il y ait des rounds qui se passeront un peu moins bien, qui seront plus durs, mais je ne devrai pas vivre dans le passé. Un coup qu'un round sera terminé, je le laisserai là et je passerai à l'autre. Plus j'y parviendrai, plus j'aurais de chances de remporter ce combat-là. »

« Sans que ça soit ma grande force [la gestion des émotions] est l'une de mes forces, a ajouté Bouchard. J'aurai une minute pour capter [les émotions], être capable de les prendre et ensuite les manipuler avec une communication qui se devra d'être bonne et surtout très, très efficace.

« Je ne pensais pas que mon travail d'enseignante avec des enfants d'âge préscolaire m'aiderait à ce point! Cette année, j'ai deux enfants avec de grandes difficultés et ça m'a beaucoup rapproché de Kim. La manière dont je gère les différences des enfants, c'est la même qu'avec les athlètes. Je tente de comprendre comment le cerveau fonctionne au lieu d'analyser les réponses offertes. »

Ultimement, est-ce que ces deux grands ajustements permettront à Clavel de gagner? Bermudez est loin d'être une débutante, elle qui possède 132 rounds d'expérience, dont plus de la moitié en championnat du monde. Sans grande surprise, l'Argentine est favorite des preneurs aux livres.

« Toutes les filles dans ma catégorie sont très bonnes, a rappelé Clavel. Chez les mi-mouches, le top-10 est exceptionnel. Des fois, tu peux affronter une fille qui est classée 12e, mais elle était à seulement deux coups de poing d'être championne du monde. Tout le monde est vraiment bon.

« Ça ne prend pas juste de la force physique, de la vitesse et de l'agilité sur ses jambes. C'est un mix de tout ça. C'est aussi entre les deux oreilles que ça se passe et si tu réussis à mettre tout ça au diapason le soir du combat, alors là, tu as de bonnes chances de gagner. Mais ça se joue sur un ou deux coups de poing par round. C'est serré. Des rounds de deux minutes, ça passe vite. »

Chose certaine, Clavel s'estime s'être donné toutes les chances au monde de devenir la première championne unifiée de l'histoire de la boxe québécoise et ainsi réussir là où elle avait échoué en janvier dernier. « Cette expérience va me servir. Je suis construite pour samedi », a-t-elle conclu.