Steven Claggett contre vents et marées

Ç'aura finalement pris une quinzaine d'années, mais Steve Claggett semble enfin arrivé là où il le désirait ardemment quand il s'est lancé dans le monde impitoyable de la boxe professionnelle.

De ses débuts à Edmonton en septembre 2008 à sa victoire contre Miguel Madueno mardi soir en finale d'un gala d'Eye of the Tiger Management présenté au Cabaret du Casino de Montréal, l'Albertain a ainsi vu une décennie et demie de travail contre vents et marées être récompensé.

Personne n'aurait pu prédire ce dénouement la première fois que Claggett a fait la connaissance du public québécois en octobre 2017. Invité à affronter Yves Ulysse fils en finale d'un événement organisé au MTelus, il avait surpris le Montréalais en s'imposant par décision partagée des juges.

Le Canadien n'avait cependant pas été en mesure de surfer sur cette victoire en s'inclinant dès son combat suivant contre Danny O'Connor à Boston. Un an plus tard, Claggett était revenu dans le giron de la boxe québécoise pour ne plus jamais la quitter. Encore du côté « B » de l'équation, il avait dû se contenter d'un verdict nul partagé face à Mathieu Germain avant d'être vaincu par Ulysse par décision unanime à l'occasion de leur revanche qui avait été présentée en Californie.

À la suite d'un retour victorieux contre un obscur boxeur mexicain à Québec, Claggett avait été invité à participer au « Carré d'As », un tournoi regroupant quatre pugilistes évoluant chez les super-légers, mais encore là, les succès avaient été mitigés. Après avoir forcé David Théroux à l'abandon au premier tour, Claggett avait en effet été vaincu par décision partagée par Germain.

Mais plutôt que de laisser à lui-même, le promoteur Camille Estephan l'a convaincu de joindre son écurie et le droitier maintenant âgé de 34 ans n'a plus jamais connu la défaite par la suite. Maintenant entraîné par le réputé Mike Moffa, Claggett est aujourd'hui détenteur de deux titres mineurs chez les super-légers et pointe depuis ce matin au 8e échelon du classement du WBC.

Ce n'est donc pas un hasard si Claggett était aussi émotif à sa sortie du ring mardi soir, comme s'il venait de réaliser tout le chemin parcouru après avoir battu Madueno par décision unanime. Son promoteur était toutefois la dernière personne surprise de le voir connaître enfin du succès.

« Steve est un gars très intelligent. C'est un gars qui lit beaucoup, qui investit toute son énergie dans le travail en gymnase, a expliqué Estephan. Parfois, j'ai l'impression d'avoir une sorte de samouraï sous les yeux. Il possède un véritable esprit de guerrier. Il veut s'investir totalement. »

L'homme à la tête d'Eye of the Tiger reconnaît cependant que le plus gros du travail reste à faire. Non seulement parce que la compétition est extrêmement féroce à 140 livres, mais davantage parce que de nombreux boxeurs ont précédemment refusé d'en venir aux coups avec Claggett. Madueno, un pugiliste classé chez les poids légers, n'était pas le premier choix d'Eye of the Tiger.

« Avant Madueno, nous avions fait des offres à Brandun Lee, Montana Love et Gabriel Gollaz Valenzuela et malgré les grosses, grosses bourses offertes, ils n'étaient pas preneurs, a avoué Estephan. Top Rank était même prêt à contribuer financièrement pour l'un de ces adversaires-là.

« Et je comprends pourquoi. C'est fatigant de monter dans le ring avec un gars comme Steve. Mais nous allons nous arranger pour le mettre dans une position où les gars seront obligés de l'affronter. Il faut forcer les choses à travers les classements. C'est ce que nous pouvons faire. »

Ce qui semble enthousiasmer le plus chez Eye of the Tiger, c'est que le « plafond » de Claggett paraît particulièrement élevé pour emprunter une expression prisée dans le monde du hockey.

« C'est un boxeur qui possède beaucoup d'aptitudes et il n'a pas nécessairement la chance de les démontrer, étant donné que tout le monde remarque la pression qu'il exerce sur ses adversaires, a fait remarquer Estephan. Il y a énormément de finesse dans sa boxe. Steve est d'ailleurs très bien capable d'attaquer avec des angles et il possède également un jeu de pieds phénoménal. »

« Je suis content de ma prestation contre Madueno, mais je sais que je suis capable de mieux, a conclu Claggett. J'ai l'impression de m'améliorer après chacun de mes combats et c'est très, très encourageant. J'avais beaucoup travaillé sur ma défense et je pense que ç'a grandement paru. »