Cyclisme : l'espoir avant la panique pour le propriétaire d'Israël Premier Tech Sylvan Adams
MONTRÉAL – Les Grands Prix de Québec et de Montréal allaient toujours avoir une valeur particulière pour l'équipe Israël Premier Tech, qui se targue à juste titre d'être la formation « la plus canadienne » sur le World Tour de l'Union cycliste internationale.
Son propriétaire, Sylvan Adams, est né à Québec et a vécu une grande partie de sa vie à Montréal. Son commanditaire principal est une compagnie basée à Rivière-du-Loup. Son directeur sportif est la légende du cyclisme canadien Steve Bauer et cinq des six coureurs canadiens qui évoluent sur le World Tour portent ses couleurs. Deux d'entre eux, Hugo Houle et Guillaume Boivin, sont inscrits aux courses du week-end.
« Pour nous, c'est vraiment une course à la maison », claironne Adams, pour qui l'événement est d'autant plus significatif qu'il s'agit de la première fois que son équipe sera en compétition dans sa province natale depuis qu'elle a fait son entrée dans les ligues majeures du cyclisme sur route en 2020. Les deux éditions précédentes des GPCQM avaient été annulées en raison de la COVID.
L'importance de ce passage au bercail ne sera toutefois pas que symbolique pour Israël Premier Tech, qui jouera gros sur les deux boucles québécoises.
À l'heure actuelle, la formation israélo-canadienne occupe le 20e rang du classement des équipes de l'UCI pour la période regroupant les trois dernières saisons. Selon le système actuel, seules les 18 premières positions de ce palmarès à la conclusion de la présente saison seront de retour sur le World Tour en 2023. Les autres seront reléguées à une division inférieure.
Selon les plus récentes données compilées par le site Pro Cycling Stats, Israël Premier Tech a un peu moins de 1000 points de retard sur l'équipe Movistar, la dernière qui échappe présentement à la guillotine. Pour donner une idée, une victoire à Québec ou à Montréal en vaudrait 500.
Adams cite deux facteurs pour justifier la position précaire d'IPT. D'abord, son inscription tardive sur le World Tour en 2020 – elle n'avait officialisé l'achat de sa licence qu'en décembre 2019 – l'avait empêchée de se doter d'un effectif de calibre à rivaliser avec les meilleures équipes au monde cette année-là. Puis au début de la présente saison, les ambitions de ses meilleurs hommes ont été rasées par des problèmes de santé qui les ont contraints à des rôles de figurants ou de simples observateurs.
« La pandémie nous a tués, elle a complètement gâché notre printemps », déplore le passionné proprio.
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Les performances historiques de l'équipe au Tour de France, dont la victoire d'étape de Houle, n'ont pas suffi à corriger le tir, si bien qu'à quelques mois de la ligne d'arrivée, l'atteinte de résultats est devenue impérative. Houle l'a exprimé avec beaucoup de candeur dans les différentes entrevues qu'il a accordées depuis son arrivée au Québec. À Simon Drouin de La Presse, il a affirmé qu'il « faut performer à Montréal, sinon on va être dans la marde ». À Jean-François Racine du Journal de Québec, il a ajouté qu'il n'était personnellement « pas en panique, mais il y en a qui le sont ».
En bon porte-parole, Adams s'encourage des récentes victoires décrochées lors d'une course d'un jour au Maryland et sur une étape du Tour de Grande-Bretagne. Mais il ne s'enlise pas non plus dans le déni.
« Évidemment, on est dans une bataille. On ne sait pas comment ça va finir, mais aujourd'hui nous sommes à l'extérieur du top-18. Donc ce sera une lutte pour essayer de monter. »
En guerre contre le système
Si les inquiétudes de Houle ne se traduisent pas dans les propos de son patron, c'est que ce dernier a encore espoir de voir les dirigeants de l'UCI revenir sur leur décision et invalider le système de relégation au moins pour la saison 2023.
Les propriétaires de « six ou sept équipes » auraient rencontré le président de l'UCI, David Lappartient, pour plaider leur cause à ce sujet. Décrivant la pandémie comme « un cas de force majeure », Adams est confiant que les instances décisionnelles entendront raison et réagiront afin « d'alléger les conséquences » pour les éventuelles équipes exclues. Mais son combat ne s'arrêtera pas là.
« Il y a toutes sortes de distorsions créées par ce système de relégation qui ne sont pas saines pour notre sport. Je suis totalement contre », tonne-t-il.
Adams croit que les conditions établies par l'UCI, en plus de donner lieu à des stratégies douteuses en situations de courses, risquent ultimement de provoquer l'extinction des équipes moins bien nanties qui se retrouveront du mauvais côté des calculs. Il cite en exemple le cas de la formation Qhubeka-Nexthash, qui a cessé d'opérer sur le World Tour après avoir été incapable de dénicher un commanditaire en 2022.
« Les équipes qui sont en danger actuellement, on risque de les tuer, prévient Adams. L'équipe BikeExchange, par exemple, qui est soutenue un peu comme je le fais par leur propriétaire Gerry Ryan... je ne suis pas sûr qu'il va rester s'il tombe en relégation. Ça risque de faire perdre des commanditaires, ça risque de faire perdre les invitations aux grandes courses. C'est une chose très négative. »
« C'est déjà assez difficile de financer notre sport, pourquoi créer d'autres obstacles pour mettre en péril les équipes? Il me semble qu'on devrait avoir un système qui aide à bâtir une certaine valeur à la franchise, pas un système qui détruit cette valeur », clame le milliardaire.
Adams est réticent à discuter trop longtemps de scénarios hypothétiques, mais appuyé par la solidarité de son complice Jean Bélanger, l'homme d'affaires québécois derrière la bannière Premier Tech, il assure qu'il est là pour rester.
« Dans mon cas, je continue à supporter mon équipe peu importe. Nous étions [en deuxième division], on a monté dans le World Tour. Evidemment, [la relégation] n'est pas quelque chose que je vise ou que je souhaite, mais on va trouver les moyens de faire face à ce que va se produire. »
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