Le 1er novembre 2015, Reggie Bush a subi une blessure au genou durant un match au Dôme de St. Louis, où les Rams jouaient avant de déménager à Los Angeles. Il s’est déchiré un ligament du ménisque après avoir glissé sur du béton en courant hors du terrain à la suite d’un retour de botté de dégagement. À l’époque, Bush jouait pour les 49ers de San Francisco. Cette blessure a mis fin à sa saison. L’année suivante, il a signé pour une saison avec les Bills de Buffalo, et il a ensuite annoncé sa retraite.

 

En 2016, Bush a institué un recours contre les Rams pour les préjudices subis suivant cette blessure, alléguant que les Rams et les autorités du stade public avaient autorisé « l’existence d’une condition dangereuse au Dôme ». Dans son recours, Bush prétendait que sa blessure l’avait empêché de signer un meilleur contrat en 2016 et qu’elle avait nuit à sa carrière de façon générale.

Le 12 juin 2018, un jury de St. Louis a conclu que les Rams avaient été négligents dans l’entretien de leurs installations en créant un risque déraisonnable de blessure pour les joueurs. Les Rams ont été condamnés à payer 12,5 millions $ à Bush, mais ils ont déclaré avoir l’intention de déposer une requête pour un nouveau procès.

Responsabilité civile

Même si Bush a subi des préjudices suivant cet accident, encore fallait-il démontrer l’existence d’une faute et d’un lien de causalité pour établir la responsabilité des Rams. Spécifions que leur responsabilité ne pouvait être encourue que s’il était possible de prouver qu’ils avaient manqué à leurs obligations. Mais quelle est l’étendue de leurs obligations face aux athlètes? Une équipe a une obligation générale de prudence et de diligence dans l'information et la surveillance qu'elle procure aux joueurs de football afin de sauvegarder leur sécurité et leur santé. Cette obligation commande notamment aux Rams de prendre les précautions nécessaires pour prévenir les accidents.

En milieu sportif, l'organisateur doit assurer le bon fonctionnement de son équipement et de ses installations en plus de veiller à ce qu'ils soient exempts de vices. Un organisateur pourrait être fautif s'il met à la disposition des joueurs des équipements et des installations non conformes. Or, s’il respecte les normes en matière d'installation et d'équipement, il sera plus difficile de prouver sa faute advenant un accident.


Les Rams avaient donc le devoir d’offrir à leurs usagers un terrain exempts d’obstacles ou de pièges et de leur signaler correctement les endroits où il est possible de glisser ou de se faire mal. Cela suppose que les Rams doivent maintenir la surface de jeu sécuritaire. Il est raisonnable pour un athlète de s’attendre à ce que le terrain et l’équipement où il exerce son activité soient en bon état alors qu’un joueur de football ne devrait normalement pas avoir la tâche d’inspecter la conformité des lieux. Ici, Bush a souligné que la surface de béton qui était présente sur le terrain s'était révélée dangereuse une semaine avant son accident. Il a cité l’exemple de Josh McCown des Browns de Cleveland qui s'était blessé à l'épaule en glissant au même endroit que lui.

 

Partage de responsabilité

Il peut y avoir un partage de responsabilité lorsqu’il existe des causes d’exonération comme l’acceptation des risques, la faute de la victime et la force majeure.

Le devoir de prudence des Rams ne leur impose pas l’obligation de mettre les joueurs à l’abri de tout risque d'accident. Il est normal qu’un athlète accepte certains risques lorsqu’il s’adonne à la pratique d’un sport comme le football. Le risque de blessures est parfois inévitable dans le feu de l’action. Or, l’athlète n’accepte pas n’importe quel risque, car son acceptation ne se rapporte qu’aux risques inhérents à la pratique d’un sport. À ce titre, Bush alléguait qu’il avait été exposé à un risque non prévisible et que sa survenance n’était ni normale, ni habituelle au football.

En revanche, les Rams prétendaient qu'aux termes de la convention collective, les griefs relatifs aux blessures devaient être entendus par voie d'arbitrage et non devant les tribunaux de droit commun. De son côté, Bush devait établir un lien causal entre ses dommages et la faute présumée des Rams. Pour ce faire, il fallait établir que sa blessure avait été causée au cours du match du 1er novembre 2015. Comme Bush a joué au football avant cette blessure, il peut être difficile de cerner la cause exacte de sa déchirure.

D’ailleurs, les Rams ont argumenté que Bush n’était pas en mesure de prouver que la chute du 1er novembre 2015 avait en soi provoqué la déchirure de son ligament. En fait, les Rams soutenaient que Bush aurait pu avoir subi la déchirure avant la chute du 1er novembre 2015, car il avait déjà eu des problèmes au genou. Les Rams prétendaient que Bush était responsable de son propre malheur. Ces arguments n’ont cependant pas été retenus par le jury.

Les dommages subis par Bush

La somme de 12,5 millions $ englobe des dommages-intérêts compensatoires et punitifs. Les dommages-intérêts compensatoires visent la perte de capacité de gains qui s’évalue à partir de ses revenus en dépit de l'accident en tenant compte de l’âge de Bush à ce moment précis, de sa situation antérieure quant à ses habitudes de vie et à son occupation. Ce montant couvre aussi la perte de gains futurs. La difficulté ici est de démontrer que la déchirure de Bush était la conséquence directe de ses difficultés à jouer lors de la saison 2016. Ce qui n’est pas certain. Plusieurs autres facteurs peuvent avoir contribué à ses difficultés de rendement. De surcroît, cette somme garanti le remboursement des frais engagés pour les soins et les médicaments.

Par ailleurs, les préjudices non pécuniaires subis par Bush tels que la perte de jouissance de la vie, les inconvénients, les souffrances physiques ou morales, sont compilés dans la compensation. Sans oublier qu'un montant pour atteinte à son intégrité physique est comptabilisé, lequel est normalement établi par expertise médicale.

Dans certains cas où la faute est très grave, il est possible que des dommages-intérêts punitifs soient accordés. En l’espèce, les jurés ont jugé que les Rams avaient fait preuve d’une grave négligence face à la sécurité de leurs usagers. Les jurés ont donc attribué à Bush des dommages-intérêts punitifs afin de punir la conduite des Rams et pour donner un leçon aux équipes de la NFL.