La Cour d'appel fédérale a renversé lundi la décision du juge Richard Berman rendue en septembre dernier. Normalement, Brady devrait être suspendu pour les quatre premiers matchs de la saison régulière 2016 en raison de sa conduite présumée dans le cadre du scandale « Deflategate », des ballons dégonflés.

Faits

En janvier 2015, un scandale hors du commun avait éclaté dans la NFL dans le cadre duquel les Patriots de la Nouvelle-Angleterre avaient été soupçonnés d’avoir volontairement dégonflé les ballons durant un match contre les Colts. Peu de temps après l'annonce de ce scandale, une enquête avait été commandée par la NFL, laquelle avait été menée par l'avocat Ted Wells. Ce rapport a dévoilé des preuves selon lesquelles Brady avait conspiré avec deux employés des Patriots, John Jastremski, un assistant chargé du matériel, et Jim McNally, un responsable des vestiaires. Qui plus est, ces preuves révélaient que ces derniers auraient intentionnellement réduit la pression des ballons pour offrir un avantage compétitif à Brady. Il ressortait alors de cette enquête qu'il était plus probable qu'improbable que Brady était au moins généralement conscient des activités inappropriées de McNally et de Jastremski.

Portée du pouvoir du commissaire Goodell

L'article 46 de la convention collective de la NFL confère au commissaire de vastes pouvoirs disciplinaires contre les joueurs pour toute conduite préjudiciable à l'intégrité de la ligue. Contrairement à la NBA, la LNH et la MLB, il n'y a pas d'arbitre neutre pour renverser une décision du commissaire de la NFL. Ainsi, les actions du commissaire ne sont révisables que par lui-même, n'offrant aucun examen indépendant.

« Deflategate » et pouvoir du commissaire

Dans cette affaire, la portée du pouvoir disciplinaire du commissaire a pris une toute autre tangente. Au détriment de ce qui est normalement prévu à la convention collective, Goodell avait délégué son pouvoir disciplinaire au vice-président des opérations de la NFL, Troy Vincent.

Par conséquent, le 11 mai 2015, Troy Vincent a suspendu Tom Brady pour quatre matchs en plus d'imposer une amende de 1 million $ US aux Patriots et de leur retirer deux choix au repêchage. C'est l'article 8.13 de la Constitution de la NFL qui autorise la ligue à émettre des sanctions pour la violation aux règles qui affectent les aspects compétitifs du jeu.

Puis, le 14 mai 2015, l'Association des joueurs avait appelé de la suspension de Brady. Le but de cet appel était de nier la complicité de Brady dans ce scandale. À la suite de cette annonce, Goodell avait informé qu'il entendrait cet appel personnellement. L'Association des joueurs s'est aussitôt objectée en demandant à Goodell de confier ce dossier à un arbitre neutre. Cette demande syndicale a cependant été rejetée.

Le 28 juillet 2015, Goodell a prononcé son jugement d'appel, lequel confirmait la suspension émise par Vincent. Or, le lendemain, l'Association des joueurs a déposé une poursuite devant un tribunal fédéral.

Décision du juge Richard Berman

Le 4 septembre 2015, le juge Richard Berman a annulé la suspension de quatre matchs que la NFL avait imposée à Tom Brady, concluant que la preuve détenue par la NFL contre Brady était lacunaire et imprécise. Il estimait que Goodell était allé trop loin en affirmant que Brady avait menacé l’intégrité du football et en le punissant comme il l’avait fait. Par ailleurs, le juge Berman a blâmé Goodell quant à sa gestion de l’enquête et quant à la délégation de ses pouvoirs disciplinaires à Troy Vincent. En outre, le juge Berman a conclu que la sanction de Brady devait être annulée sous prétexte qu'elle était sans précédent.

En réponse, la NFL a interjeté cette décision peu de temps après devant la Cour d'appel fédérale.

Pourquoi la NFL a remporté l'appel?

Cet appel a été interjeté devant un collège composé de trois juges dont deux d'entre eux ont infirmé la décision du juge Berman. En fait, les juges Barrington Parker, Jr. et Denny Chin ont estimé que Goodell jouissait d'une très grande autorité en tant qu'arbitre lors de l'appel de Brady et qu'il avait agi dans les limites de son pouvoir.

Il faut comprendre que les tribunaux fédéraux ne renversent des sentences arbitrales que dans des circonstances exceptionnelles. Cependant, deux des trois juges n'ont pas trouvé que de telles circonstances existaient dans l'affaire Brady.  Ces derniers n'ont pas pour autant conclu que Brady était conscient de l'existence d'un complot visant à dégonfler les ballons ou qu'il était impliqué dans ledit complot. Plutôt, ils ont jugé que Goodell avait la compétence pour tirer ces conclusions en vertu de l'article 46 de la convention collective. De plus, ils ont ajouté que le rapport Wells contenait suffisamment de motifs pour justifier la norme de contrôle discrétionnaire de Goodell.

Dans une décision de 33 pages, il ressort que les tribunaux fédéraux peuvent réviser les sentences arbitrales, mais doivent le faire en respectant l'examen initial de l'arbitre. À ce titre, le juge Parker indique que même si Goodell a commis des erreurs de fait ou de droit, les tribunaux fédéraux ne peuvent intervenir que s'il est possible de démontrer que sa décision dépassait les limites de son autorité. 

Comme l'article 46 de la convention collective de la NFL confère au commissaire de vastes pouvoirs disciplinaires contre les joueurs pour toute conduite préjudiciable à l'intégrité de la ligue, le juge Parker a estimé qu'il était complexe de prouver que Goodell n'avait pas les pouvoirs requis pour imposer un tel traitement à Brady. Foncièrement, le juge Parker a soulevé que l'Association des joueurs n'avait pas réussi à démontrer que Goodell avait appliqué l'article 46 de la convention collective de manière inéquitable et incohérente. Selon lui, la décision disciplinaire de Goodell était conforme aux règles de la convention collective de la NFL.

Par ailleurs, il est prévu dans la convention collective de la NFL que toute personne qui altère les ballons de football est soumise à des mesures disciplinaires, y compris, mais sans s'y limiter, à une amende de 25 000 $ US. Dans son argumentation, la NFL soutenait que la convention collective ne limitait pas la sanction à 25 000 $ US et que la suspension de Brady déteignait aussi de son incapacité à coopérer avec l'enquête Wells. En septembre dernier, le juge Berman avait considéré ces arguments injustes et prétendait que Goodell n'était pas habilité à faire une telle inférence.

À cet effet, le juge Parker a indiqué qu'aucune disposition n'existe pour interdire à Goodell de faire des hypothèses quant au manque de coopération de Brady durant l'enquête de Wells. Puisque le commissaire est doté de pouvoirs disciplinaires très larges, il est malaisé de conclure que Goodell a rendu une décision trop discrétionnaire dans le cas Brady.

Dissidence

Le deuxième juge en chef, Robert Katzmann, était le juge dissident dans cette affaire, c'est-à-dire qu'il avait une opinion qui divergeait de celle des autres juges de la Cour. Dans ses neuf pages de dissidence, le juge Katzmann a souligné que la mesure disciplinaire adoptée par la NFL contre Brady était incompatible avec les pratiques précédentes en de pareils cas. Ce dernier a statué que la caractérisation des actes répréhensibles était devenue plus sévère dans le cas de Brady, et ce, sans explication. Comme le juge Berman, le juge Katzman a constaté que la décision de Goodell incarnait sa propre marque de justice industrielle et qu'elle était arbitraire, discrétionnaire et injustifiée.

Quelles sont les prochaines étapes pour Brady?

L'Association des joueurs a 14 jours pour demander l'autorisation de former un nouvel appel de cette décision. Or, la Cour d'appel a généralement le dernier mot et ce n'est que dans de très rares cas qu'une décision d'appel peut être révisée par les juges du circuit concerné. Malheureusement pour Brady, cette demande sera presque certainement rejetée, puisque deux des trois juges ont tranché de façon décisive contre Brady.

Deuxièmement, l'Association des joueurs pourrait demander une réaudition en banc. Ce recours est exclusif aux États-Unis, il n'y a pas d'équivalent au Canada. Cette requête nécessite que tribunal entende l'affaire à nouveau, mais cette fois avec tous les juges du deuxième circuit. Une telle audition pourrait prendre des mois avant d'être fixée et les chances d'avoir gain de cause demeurent ici aussi relativement minces.

Si Brady ne parvenait pas à obtenir une nouvelle audition, il pourrait faire appel de cette décision devant la Cour suprême des États-Unis. Toutefois, il demeure fort improbable que la Cour suprême se penche sur cette affaire puisqu'elle entend généralement des dossiers revêtant une grande importance, voire une importance nationale telle que des questions touchant le respect des droits et libertés des personnes.

Enfin, il est également possible que la NFL et l'Association des joueurs négocient un règlement à l'amiable en vue d'obtenir une suspension réduite.