Nul ne peut rester indifférent face à la récente diffusion de A league of denial, ce documentaire-choc de deux heures sur les commotions cérébrales associées à la pratique du football professionnel. Ce documentaire survient quelques semaines suivant l’entente conclue entre la NFL et plus de 4500 anciens joueurs quant au dossier sur les poursuites relatives aux commotions cérébrales. L’entente de 765 millions $ permettra non seulement d’indemniser les anciens joueurs, mais aussi d’allouer une partie de ce montant aux recherches médicales sur les dommages cérébraux.

Mais en quoi la NFL aurait pu être fautive dans ce dossier-ci? Essentiellement, ce que l’on reprochait à la NFL est qu’elle connaissait ou plutôt qu’elle aurait dû connaître les conséquences néfastes des commotions cérébrales sur ses joueurs et qu’elle aurait caché ces informations. La NFL avait pourtant des moyens de défense à faire valoir notamment en ce qu’il y a dans leur convention collective une clause de renonciation chez les joueurs pour tous recours en dommages contre la ligue. Également, la NFL aurait pu prétendre que les traumatismes crâniens des joueurs pouvaient potentiellement prendre origine de blessures antérieures à leurs débuts dans la NFL. Sans oublier que la NFL n’aurait pas fait fi des prédispositions génétiques de certains joueurs. D’autant plus, elle aurait pu alléguer qu’il n’y a aucune certitude scientifique quant à la corrélation entre les commotions cérébrales et les dommages subséquents au cerveau.

Il n’en demeure pas moins que cette entente doit être entérinée par un juge pour lui donner une valeur légale officielle. Or, plusieurs croient que le montant de 765 millions $ est insuffisant considérant les préjudices subis par les victimes. Il va sans dire que A league of denial a suscité de fortes réactions et a remis en doute la teneur de l’entente conclue. De ce fait, nous ne pouvons écarter la possibilité que certains joueurs puissent s’exclure de ce règlement avant qu’il ne soit homologué et déposer leur propre poursuite.

Quoi qu’il en soit, il faut considérer qu’une poursuite n’est pas toujours synonyme de victoire. Une entente hors cours a certes son lot d’avantages, car un procès engendre de longs délais et de nombreux coûts. En l’espèce, certains de ces joueurs se trouvent actuellement dans une situation critique, n’ayant pas les ressources financières pour assumer leurs soins de santé et médicaments. Une entente leur permet donc de profiter immédiatement de cette indemnisation et ainsi bénéficier des recours médicaux appropriés. En réglant le présent dossier hors cours, la NFL peut ainsi avoir un certain contrôle sur cette polémique, et ce, en limitant l’embarras dans lequel elle aurait pu se trouver advenant la diffusion d’informations internes. Il importe toutefois de mentionner qu’une entente ne contient aucune admission quelconque de responsabilité de la part de la NFL.

La situation actuelle de la NFL lance inévitablement un débat semblable du côté de la LNH. Les nombreuses discussions entourant l’incident Parros en sont la preuve concrète. Le même scénario s’était pourtant produit en 2011, mais  inversement, c’était Orr qui avait subi une commotion suivant une bagarre avec Parros. Curieusement, cet incident n’avait pas soulevé autant de discussion deux ans plus tôt. Il appert que le public, les dirigeants et les athlètes sont maintenant plus concernés par l’impact des commotions cérébrales, sans oublier que de plus en plus de parents sont hésitants à inscrire leurs enfants dans ces sports.

La mort de Derek Boogaard mérite une attention particulière en ce qu’elle reste à ce jour nébuleuse et fait partie intégrante du débat. La conventioncollective entre la LNH et la LNHAJ prévoit que les questions relatives à la santé et à la sécurité doivent être entendues par voie d'arbitrage et non devant les tribunaux de droit commun. Cette disposition n’a pas pour autant dissuadé les poursuites civiles, mais encore faut-il démontrer l’existence d’un lien causal entre la faute et le dommage pour établir la responsabilité de la LNH. Ainsi, comment un joueur peut-il démontrer que ses lésions cérébrales ont été causées après avoir joué au hockey? La famille Boogaard fait face à cette contrainte, car comme l’athlète a joué au hockey pendant neuf saisons avant de joindre la LNH, il est difficile de cerner la cause exacte du préjudice.

Bien que ces difficultés puissent en soi décourager l’institution d’un procès, elles n’éliminent pas pour autant cette possibilité. Chose certaine, la NFL et la LNH devront se prémunir contre d’éventuelles poursuites. Pour ce faire, ils n’auront d’autres choix que de sanctionner plus sévèrement et ainsi se protéger eux-mêmes en réponse à la forte pression issue du milieu sportif, juridique et scientifique.