Depuis 1965, Pat Hickey a presque tout vécu dans le journalisme sportif
Samedi, ne ratez pas les meilleures anecdotes de Pat Hickey, de Toe Blake à Martin St-Louis.
MONTRÉAL – Du 500e but de Jean Béliveau à Muhammad Ali. De la machine à écrire aux ordinateurs et réseaux sociaux. À travers sa carrière débutant en 1965, Pat Hickey a littéralement presque tout vécu dans le journalisme sportif.
Samedi soir, ce workaholic jusqu'au bout des ongles, enfoncera - à deux doigts seulement - les touches de son clavier pour la dernière fois dans cet univers qui lui en aura fait vivre de toutes les couleurs.
Même à 78 ans, Hickey n'avait pas le goût de ranger son portable. Il a toutefois choisi une magnifique manière de tirer sa révérence. Grâce à son départ, il évitera qu'un plus jeune employé du quotidien The Gazette soit sacrifié dans les coupures effectuées par l'entreprise.
« La vérité, c'est que je ne veux pas quitter, mais je sentais que c'était la bonne chose à faire », a affirmé, avec conviction, l'homme aux origines irlandaises qui a grandi à New York avant de tomber en amour avec Montréal.
À la fin janvier, lorsqu'il a dévoilé la nouvelle, Hickey a constaté qu'il n'était pas toujours aussi solide que le roc irlandais dont il semble être constitué. D'abord touché par les messages de ses collègues de longue date, il a été envahi par les émotions quand Martin St-Louis a pris le temps de le féliciter pour sa sortie très honorable.
« J'étais bien proche de pleurer, c'était une superbe attention. J'aime travailler avec Martin », a admis Hickey qui avait été applaudi par les journalistes.
Quelques jurons pour s'adapter à la technologie
Si on pouvait parfois l'entendre se fâcher après son ordinateur sur la galerie de presse, c'est fabuleux de constater que Hickey ait pu s'adapter aux différentes technologies passant de la lourde machine à écrire, au télégraphe, au fax branché à un téléphone et ensuite aux gros ordinateurs jusqu'aux portables.
À l'époque où la transmission des articles passaient par le télégraphe, il y avait un opérateur auquel les journalistes remettaient leur article. Par contre, la veille d'une partie, disons à Los Angeles, le journaliste devait trouver un opérateur de télégraphe dans une compagnie et s'assurer qu'il reste en poste après 17h. Les médias avaient trouvé un truc pratiquement infaillible.
« On avait une liste des alcools préférés de chaque opérateur et nos patrons approuvaient la dépense de leur acheter une bouteille pour les convaincre de rester », a dévoilé Hickey en souriant.
S'il a absorbé le virage technologique de son mieux, Hickey avoue s'ennuyer de l'époque où seulement trois ou quatre journalistes pénétraient dans le vestiaire pour suivre les activités du CH. Un contexte qui rendait plus facile certaines taquineries savoureuses.
« Une journée, à une pratique, Serge Savard était employé en attaque. Scotty Bowman m'avait expliqué que Serge avait été blessé à une jambe par le passé donc pourquoi ne pas l'utiliser en attaque pour réduire les risques. Serge m'avait précisé que c'était une expérimentation. Je suis reparti pour écrire cette histoire, mais ils avaient tout manigancé ça pour moi ! », s'est remémoré Hickey.
Difficile d'ébranler cet exemple de longévité
Entre 1965 et 1987, Hickey s'est promené plusieurs fois entre le Montreal Star, The Gazette, le Toronto Sun et le Vancouver Sun, gravissant les échelons dans ce monde rarement ennuyant avec l'aide de son mentor Red Fisher.
« Avec tous les arrêts qu'il a effectués au fil des ans, ça se voit qu'il n'était pas capable de conserver un emploi bien longtemps », n'a pu s'empêcher de lancer son collègue Herb Zurkowsky pour lui tirer la pipe.
En 1987, la même journée qu'il venait d'accepter un poste d'éditeur aux nouvelles générales au Toronto Star, il a reçu un appel pour revenir à The Gazette.
« On m'a demandé de venir à Montréal pour en discuter autour d'un dîner et on était encore train de bavarder autour d'une bière à 21h », s'est rappelé Hickey qui adorait, par ailleurs, visiter des galeries d'art avec Mathias Brunet quand celui-ci couvrait le Canadien.
C'est en 1992 qu'il a fait le saut, à temps plein, sur la couverture quotidienne du Canadien pour The Gazette.
« Je me souviens de lui à mes débuts sur le beat, au Forum, et il était déjà une légende ! », a lancé Luc Gélinas.
Car oui, difficile de ne pas admirer sa longévité et sa capacité à couvrir plusieurs sports majeurs, comme le souligne Zurkowsky. Il attribue le tout à un secret bien simple.
« Simplement d'aimer mon métier. La très grande majorité des jours, je suis allé travailler avec grand plaisir. On m'a payé pour voir des événements sportifs, quoi demander de mieux. Je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai payé pour assister à un match. Je présume que je vais devoir le faire maintenant », a lancé celui qu'on agace parfois pour son côté économe.
Dans les dernières années, plusieurs collègues ont parfois été inquiétés par sa santé. Mais son caractère irlandais reprenait presque toujours le dessus.
« J'ai quelques souvenirs où le bon Pat s'est enfargé dans un bâton qui traînait pour tomber dans le vestiaire. Il était hors de question qu'on l'aide à se relever. ‘I'm fu..... okay. I'm fine guys' qu'il marmonnait en bougonnant. Peu importe la ville, tout le monde le reconnaissait et l'adorait », a rapporté Gélinas avec justesse.
Sa résilience se comprend aussi quand il nous explique qu'il joue encore au tennis - un sport dans lequel il s'est démarqué sur la scène provinciale - jusqu'à trois à quatre fois par semaine, en été.
Au moment de faire le bilan, Hickey n'a que deux regrets.
« Mon seul véritable regret, c'est de ne pas avoir appris plus de français. C'est particulier parce que ma mère parlait si bien français. Quand j'étais petit, on vivait à New York et elle me disait que je devrais l'apprendre », a confié Hickey qui a opté pour l'espagnol comme deuxième langue à l'école.
« Sinon, j'aurais voulu aller aux deux éditions des Jeux olympiques à Pékin parce que j'ai obtenu mon diplôme en Histoire chinoise sans n'avoir jamais visité la Chine », a prononcé Hickey en nous étonnant.
Les surprises n'étaient pas terminées. S'il y a une histoire bien connue concernant Hickey, c'est quand les partisans des Flyers avaient vandalisé son auto à Philadelphie lors des séries de 2010. Ainsi, bien des gens ont souvent cru qu'il préférait conduire pour plusieurs voyages car il redoutait les avions.
« Les gens pensent que j'ai peur des avions, ce n'est pas ça. Je déteste les aéroports et attendre! », a-t-il précisé avant de nous assommer pour de bon.
« Je regarde ce que je vais faire pour m'occuper, probablement de la suppléance comme enseignant. Peut-être au Nouveau-Brunswick », a proposé Hickey qui est père d'un garçon et deux filles, dont une demeure en Nouvelle-Écosse, et fier grand-papa deux fois.
S'il passe à l'action, les étudiants ne s'ennuieront pas à écouter les nombreuses histoires de celui qui pourrait se laisser convaincre par le projet d'écrire un livre sur son parcours.