Drouin : le Canadien doit éviter un autre vaudeville
MONTRÉAL - À l'aube d'une saison qui s'annonce déjà très difficile, la dernière chose dont le Canadien et surtout son entraîneur-chef Martin St-Louis ont besoin, c'est que l'atmosphère soit minée de l'intérieur.
Que la grogne s'installe. Qu'elle fasse place à de l'insatisfaction. Que cette insatisfaction se propage dans le vestiaire au point d'empêcher l'entraîneur-chef qui amorce sa première saison complète derrière le banc d'orchestrer une reconstruction souhaitée par ses patrons et une large part des partisans.
Perdre est déjà assez difficile, surtout si les défaites s'accumulent plus encore que prévu, qu'il est primordial d'éviter que d'autres conflits enlisent le club.
Rappelez-vous l'an dernier : après une présence en finale de la coupe Stanley, une présence un brin inattendue et deux brins chanceuse je veux bien, mais une présence quand même, Dominique Ducharme a eu la très vilaine idée de « planter » ses joueurs dès la deuxième partie.
Les joueurs méritaient d'être critiqués après ce revers gênant de 5-1 encaissé à Buffalo le lendemain d'une défaite de 2-1 encaissée à Toronto lors du match d'ouverture. Mais quand tu « plantes » publiquement tes joueurs si vite en saison, tu ouvres la porte à une grogne qui peut se propager.
Surtout quand une équipe était aussi vulnérable que le Canadien l'était l'an dernier en l'absence de Carey Price qui était aux prises avec des ennuis personnels, avec la blessure au dos qui handicapait Joel Edmundson, avec la « retraite » de Shea Weber.
Après la sortie de Ducharme, le Canadien a perdu trois autres fois de suite. Après cinq matchs, le Tricolore était non seulement en quête d'un premier gain, mais il avait accordé 19 buts et n'en avait marqué que... quatre!
Le pire était à venir.
Lors de la virée annuelle en Californie, Dominique Ducharme a annulé un congé prévu à l'horaire pour diriger un entraînement. De la façon dont le club jouait, cet entraînement était nécessaire sur le plan hockey. Mais sur celui de la gestion interne, cette décision a miné une saison qui l'était déjà pas mal.
Vous connaissez la suite.
Les vétérans se sont vite mis à parler des difficultés à assimiler et à mettre en pratique le système imposé par le jeune entraîneur-chef. Jeff Petry a même largué publiquement Ducharme en martelant plusieurs fois ses doléances quant à la manière dont son entraîneur-chef faisait jouer son club.
Après 20 matchs, le Canadien n'affichait que cinq victoires.
Après 45 matchs et seulement huit gains, Ducharme était finalement congédié par un nouvel état-major qui n'avait initialement pas l'intention de le congédier, mais qui n'avait plus d'autre choix.
Non! Martin St-Louis ne sera pas congédié au cours de la saison qui commence. Mais pour lui donner une chance de soutirer le maximum de sa jeune équipe, une équipe qui a bien des égards est plus faible que celle dont il a hérité l'an dernier, l'état-major doit réduire au minimum les risques que la grogne s'installe dans le vestiaire et qu'elle se propage comme elle l'a fait l'an dernier.
Ce qui nous amène au cas Jonathan Drouin.
De retour après deux saisons difficiles, le Québécois est loin d'avoir connu un bon camp d'entraînement. Il est d'ailleurs le premier à le reconnaître.
La décision de le garder hors de la formation pour lancer la saison face aux puissants Maple Leafs est, à bien des égards, justifiée. Et ce ne sont pas les partisans qui rempliront le Centre Bell qui la remettront en question. De fait, j'ai l'impression que Drouin sera salué bien timidement par les partisans qui garderont pour Carey Price la presque totalité de l'amour qu'ils offriront à leurs favoris dans le cadre des présentations menant au premier match de l'année.
Drouin reviendra peut-être au sein de la formation dès vendredi, à Detroit. Ou samedi, à Washington. S'il joue avec énergie, s'il s'implique, il gardera peut-être sa place, peu importe qu'il marque ou qu'il se fasse complice d'un ou de quelques buts.
Sinon?
Il devra retourner sur la galerie de presse à moins que des blessures lui ouvrent la porte du vestiaire les soirs de matchs.
Mousser la valeur des vétérans
Le Canadien, Martin St-Louis et Jonathan Drouin n'ont pas besoin de ce genre de situation. De fait, le CH doit éviter le genre de vaudeville associé à la situation de Jeff Petry l'an dernier alors qu'il voulait partir, que Kent Hughes était bien prêt à le laisser partir sans toutefois être disposé à le satisfaire sans obtenir une compensation satisfaisante à ses yeux.
Petry a finalement terminé l'année à Montréal.
À la dernière année de son contrat, Jonathan Drouin a toutes les raisons au monde de vouloir connaître une bonne année. Il doit convaincre une ou des équipes autour de la Ligue qu'il a encore du bon hockey à offrir. Qu'il pourrait aider une équipe dès cette année et obtenir un contrat qui lui permettrait de prolonger sa carrière.
Il n'a donc pas intérêt à devenir une source de distractions. Ce qu'il est déjà en voie de devenir.
Pour son bien, pour le bien de l'équipe et celui de Martin St-Louis, la conclusion d'une transaction l'envoyant ailleurs dans la LNH est souhaitable. On pourrait même ajouter qu'elle s'impose.
Mais Kent Hughes n'a certainement pas l'intention de le donner.
Et c'est normal.
Pendant que Martin St-Louis, avec le Canadien, et Jean-François Houle, avec le Rocket, développeront les jeunes joueurs autour de qui le Tricolore doit être rebâti, le nouveau directeur général devra maximiser la valeur de ses vétérans.
Et Drouin, du moins pour l'instant, fait partie de ces vétérans qui ont une valeur, du moins une certaine valeur, autour de la LNH.
Drouin, Sean Monahan, Mike Hoffman, Joel Armia, Paul Byron quand il reviendra au jeu permettront à Kent Hughes, s'ils connaissent une bonne saison, de conclure des transactions avant le 3 mars prochain pour obtenir des choix au repêchage.
C'est connu et reconnu : le prochain repêchage sera très généreux. Beaucoup plus que celui de l'an dernier.
Ce qui est une très bonne nouvelle pour Kent Hughes et ses dépisteurs qui ont 11 sélections, dont deux en première ronde, trois en quatrième ronde et deux en cinquième.
L'objectif de Kent Hughes et simple : tenter d'ajouter des choix de première et de deuxième ronde à cette banque afin de pouvoir non seulement profiter de la loterie Connor Bedard, mais d'arriver à grimper vers les premières places une fois le gros lot gagné pour maximiser ses chances d'obtenir un espoir de premier plan.
Pour y arriver, Hughes doit s'assurer que ses vétérans jouent dans des conditions gagnantes cette année. Qu'ils ne soient pas lestés par le même genre de grogne qui s'est installée dans le vestiaire l'an dernier et qui a paralysé l'équipe jusqu'au départ de Dominique Ducharme; jusqu'à l'arrivée de Martin St-Louis.
Il sera intéressant de voir comment Martin St-Louis s'y prendra pour « satisfaire » Jonathan Drouin et les autres vétérans tout en orchestrant la reconstruction autour de ses jeunes.
Il sera tout aussi intéressant de voir comment Kent Hughes s'y prendra pour maximiser la valeur de ses vétérans dans le cadre des transactions qu'il passera une partie de la saison à préparer.
Il sera plus intéressant encore de voir si, pour le bien de l'organisation, Hughes ne devrait pas bouger plus vite que trop tard dans le cas de Jonathan Drouin.
Slafkovsky, Harris, Xhekaj profitent des blessures
Le Canadien amorcera la saison avec quatre recrues au sein de sa formation. Dont trois à la ligne bleue.
C'est beaucoup! C'est peut-être même trop!
Du groupe, Kaiden Guhle mérite pleinement sa place. De fait, il est sans doute le seul du groupe qui devrait passer l'année avec le grand club. Peut-être pas au sein du premier duo, à la gauche de David Savard, mais avec le grand club quand même.
Les autres doivent aux blessures leur place avec l'équipe.
Je sais : à titre de tout premier choix du dernier repêchage, Juraj Slafkovsky avait déjà un patin dans le vestiaire. Sans oublier qu'il s'est amélioré au fil du camp et des matchs préparatoires qu'il a disputés.
Mais si Joel Armia était disponible au lieu d'occuper une place sur la liste des blessés, pas sûr qu'il serait de la formation qui croisera les Leafs ce soir.
Remarquez que c'est loin d'être grave. Slafkovsky profiterait de quelques matchs, peut-être une dizaine, pour démontrer s'il est vraiment en mesure de garder sa place avec le CH. Sinon, il ira amorcer son apprentissage du hockey professionnel nord-américain à Laval.
Et ce sera pour le meilleur et non pour le pire...
Même situation pour Jordan Harris et Arber Xhekaj. Bien qu'il n'ait pas le talent naturel du premier, Xhekaj a connu un meilleur camp. Il a surtout impressionné l'état-major en s'imposant physiquement et en affichant une confiance très surprenante pour un jeune arrivant des rangs juniors. Aussi gros, grand et fort soit-il!
Les absences de Michael Matheson et de Joel Edmundson ont ouvert ces deux postes.
Il semble qu'Edmundson pourrait revenir au jeu plus vite que l'an dernier. Qu'il pourrait même revenir rapidement. Disons que ce retour serait plus que bienvenu.
Dans le cas de Matheson, les nouvelles sont plus inquiétantes. Il est même possible que son nom soit ajouté à la liste des blessés, ce qui voudrait dire qu'il ratera au moins les sept premiers jours de la saison. Peut-être plus.
Est-ce que cela ouvrira la porte à une transaction?
Peut-être. Mais il semble que le Canadien ne soit pas pressé d'agir.
Des arrières qui auraient pu aider la brigade du Tricolore étaient disponibles au ballottage. Je croyais que Kent Hughes sauterait sur Mike Reilley que les Bruins n'ont pas protégé. L'ancien du Canadien est gaucher alors que les plus grands besoins sont à droite. Son contrat de deux ans à 3 millions $ annuellement sur la masse pesait peut-être trop lourd aussi.
Philippe Myers, un gros défenseur droitier, aurait aussi pu faire l'affaire, disponible qu'il était après avoir été offert par le Lightning qui ne l'a pas protégé. Mais ses deux années de contrat, malgré des poids légers sur la masse (2,55 M$ en 2022-2023, 1,4 M $ en 2023-2024), semblent avoir joué contre lui.
À moins que le Canadien soit plus intéressé par une transaction qui permettrait d'obtenir un joueur capable de s'installer au sein de la brigade plutôt qu'une solution de rechange comme l'est Jonathan Kovacevic, réclamé au ballottage (Winnipeg) samedi.
D'ici à ce que Matheson et Edmundson reviennent au jeu ou que Kent Hughes décide qu'il doit obtenir du renfort, Jordan Harris et Arber Xhekaj auront l'occasion de démontrer qu'ils peuvent déjà tenir leur bout dans la LNH.
On aura une première idée dès ce soir contre des Maple Leafs très solides en attaque. Un baptême qui s'annonce difficile pour les jeunes, un premier match qui s'annonce difficile pour le reste de l'équipe tant le duel semble inégal.
Mais bon! C'est sur la glace que ça se joue.
Et les duels Canadien-Leafs ont déjà donné lieu à de grosses surprises : agréables pour les fans du Tricolore, beaucoup moins pour ceux venus de Toronto.