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Chaque jour tend à valider le choix du gardien de but Devon Levi

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Les ennuis que connaissent les Sabres de Buffalo à la position de gardien de but ne datent pas d'hier.

Cette organisation gâtée entre 1992 et 2013 par les acrobaties incomparables de Dominik Hasek, puis par le style plus conventionnel – mais néanmoins d'une efficacité redoutable – de Ryan Miller n'a pas eu la même veine depuis, c'est le moins que l'on puisse affirmer.

À la date limite des échanges de LNH de 2014, le transfert de Miller vers les Blues St. Louis, bien que redouté par les partisans de l'équipe, pavait la voie vers ce qui s'approche maintenant d'une décennie entière d'expériences échouées devant le filet.

Sous Kevyn Adams, nommé directeur général en juin 2020, les Sabres ont entrepris de remédier à une situation qui s'aligne étrangement bien avec la séquence active de 11 printemps sans la moindre participation aux éliminatoires.

La tendance des formations de la LNH à espérer développer le prochain portier format géant dominant, celui dont le profil est calqué sur Andrei Vasilevskiy, Pekka Rinne ou Ben Bishop (pour ne nommer que ceux-là), a peut-être nui aux Sabres, bien que les essais réalisés avec Robin Lehner et Linus Ullmark ne puissent être qualifiés d'échecs.

Or, depuis qu'il a été repêché en 2e ronde en 2017, Ukko-Pekka Luukkonen est le nouveau gardien de taille imposante – 6 pieds 5 pouces et près de 220 lbs – à être synonyme d'espoir dans l'organisation de Buffalo.

Mais tandis que le colosse finlandais tarde à montrer qu'il peut briller dans la meilleure ligue au monde, nombreux sont les partisans des Sabres qui piaffent d'impatience de voir à l'œuvre un gardien qui mesure à peine 6 pieds, mais qui joue grand depuis maintenant deux saisons.

Ce gardien, c'est le Montréalais Devon Levi, qui au rythme actuel, se passera de présentation dans un avenir rapproché.

Le rendement de Levi avec les Huskies de l'Université Northeastern est à ce point remarquable pour une 2e saison d'affilée qu'on se demande si Adams n'a pas réussi un vol qualifié en l'obtenant des Panthers de la Floride, en juillet 2021, dans l'échange envoyant Sam Reinhart à Sunrise.

Une saison collégiale de plus : un choix réfléchi

Levi figure à nouveau cette année parmi les grands favoris à rafler le trophée Mike-Richter, honneur qui lui avait été remis l'an dernier dans la NCAA, après qu'il eut compilé des statistiques phénoménales (une efficacité de 95,2 % et une moyenne de buts alloués de 1,54, avec dix jeux blancs en 32 départs).

À ce jour, plusieurs observateurs du hockey de la NCAA déplorent encore qu'on n'ait pas octroyé à Levi le trophée Hobey-Baker. La distinction est plutôt allée à Dryden McKay, de Minnesota State, devenu le premier gardien à être ainsi décoré depuis... un certain Ryan Miller, justement, en 2001.

Le curriculum vitae de Levi aurait peut-être été étudié plus attentivement s'il n'avait pas raté une portion du calendrier à partir de la fin janvier afin d'aller représenter le Canada aux Jeux olympiques, à Pékin.

Lorsqu'il a opté pour une dernière saison dans les rangs collégiaux américains plutôt qu'une entrée dans les rangs professionnels, Levi ne voulait pas se leurrer : il savait pertinemment que la réelle raison de rester n'était pas d'améliorer ces chiffres; c'eut été là un mandat déraisonnable.

En vérité, le natif de Dollard-des-Ormeaux est retourné devant la cage des Huskies pour une raison bien précise : « jouer dans le Beanpot ».

Ce genre de réponse aide à saisir toute l'importance qu'a cette compétition disputée annuellement, les deux premiers lundis de février, entre quatre universités de la région de Boston.

« C'était réellement un de mes vœux les plus chers que de participer au Beanpot, a-t-il insisté lors d'une entrevue accordée à RDS, mercredi. Je n'avais pas pu y être les deux dernières années [en raison de la pandémie de COVID-19, puis de sa nomination au sein de l'équipe olympique canadienne]. »

La fierté de tout un programme

Vu de l'extérieur, cela peut paraître étonnant qu'un tournoi à quatre équipes soit le facteur décisif. Mais parole de Devon Levi, l'expérience du Beanpot ne ressemble à rien d'autre qu'il ait vécu.

« La ville de Boston en entier vibre au rythme du Beanpot. Les matchs sont joués à guichets fermés, et la foule est plus bruyante que n'importe quel match de la LNH auquel j'ai pu assister, a-t-il raconté avec le sourire. Il y a environ 20 000 étudiants [à Northeastern], et plusieurs prennent énormément de fierté à ce qu'on les représente contre des rivaux d'aussi longue date. Des étudiants en passant par les administrations des écoles, on sent l'engouement. Il y a une riche histoire et c'est énorme pour un programme de triompher. »

Et le principal intéressé n'a pas uniquement fait acte de présence au domicile des Bruins, le TD Garden. Loin de là.

Celui qui a eu 21 ans à la fin décembre s'est avéré la pièce maîtresse des succès signés contre les Terriers de Boston University (3 à 1) et le Crimson de l'Université Harvard (4 à 3 après séance de tirs de barrage), en route vers le trophée tant convoité par les quatre programmes participants.

Quelques instants après qu'il eut stoppé coup sur coup Sean Farrell, Matthew Coronato et Alex Laferrière durant le barrage décisif, Levi était sans grande surprise nommé joueur par excellence de cette 70e édition du Beanpot.

« D'être à ce tournoi – mettons de côté notre conquête –, juste ça, c'était assez pour justifier [mon choix de rester dans la NCAA]. (...) J'espère me tromper, mais je crois que je ne vivrai jamais un match avec une ambiance aussi folle. Une finale de la Coupe Stanley, ça doit être quelque chose de surréel, mais pour l'instant, c'est de loin le match le plus mémorable dans lequel j'ai joué », s'est-il émerveillé.

Rien n'aurait pu le persuader du contraire, mais Levi admet que ses réussites récentes – individuelles et collectives – tendent à donner du poids à son choix de renoncer, à court terme, à évoluer chez les pros.

« Je n'ai jamais entendu quelqu'un se faire critiquer pour être resté trop longtemps dans les rangs collégiaux, a-t-il sagement rappelé. Le développement est tellement une partie importante de la carrière d'un jeune gardien. Je joue beaucoup de minutes ici, et je considère que les leçons que j'ai apprises sont différentes de celles de l'an dernier. »

Le Frozen Four, prochaine case à cocher

À ce point-ci, seul le dossier somme toute modeste des Huskies (15-10-5) – le nombre de victoires acquises par un gardien ont souvent pesé lourd dans l'équation – constitue un obstacle à ce qu'on lui donne une réelle chance d'être élu joueur le plus utile de la NCAA.

Mais le brio Levi a été central à la remontée en puissance des Huskies, auteurs d'un dossier reluisant de 9-0-1 à leurs dix dernières sorties, de façon à se replacer dans la conversation des équipes à surveiller dans le Hockey East, la division Est de la NCAA.

Malgré l'expérience enivrante qu'a représenté le Beanpot, le portier montréalais s'efforce de ne pas perdre de vue son objectif ultime de la saison 2022-2023 : faire son chemin jusqu'au Frozen Four.

Si l'on se fie à sa performance du 18 février, pour le retour au calendrier « normal » des Huskies, la page a bel et bien été tournée. Face aux Catamounts de l'Université du Vermont, Levi a repoussé 42 rondelles dans un gain de 3 à 0, enregistrant du même coup un 5e jeu blanc cette saison.

C'était déjà la 21e fois, en 29 départs cette saison, que Levi était confronté à 30 lancers ou plus. Sa fiche lors de telles circonstances parle d'elle-même : 13-7-4.

« C'est la raison pour laquelle je suis ici, que nous sommes tous ici. Nous voulons tous gagner. Nous visons le Frozen Four pour aller nous mesurer aux meilleures équipes de la nation. Peu de hockeyeurs ont le privilège de vivre cette expérience, étant donné que seuls quatre clubs y accèdent, sur une soixante au total.

« Ce serait vraiment cool, a-t-il poursuivi. L'an dernier, nous nous sommes rendus au Sweet 16, et je crois qu'on en avait surpris plusieurs. C'était très bien, mais cette année, ce n'est pas suffisant. Nous voulons tout rafler, et c'est là ma motivation principale. Gagner le Beanpot, c'est une case qui a été cochée. Mais la plus grosse case à cocher s'en vient. Ça ne viendra pas facilement, mais si nous gardons en tête le processus pour y parvenir, il y a toutes les raisons d'y croire. »