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L'ascension fulgurante de Saoud Messaoudi

Saoud Messaoudi - Courtoisie
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MONTRÉAL – Saoud Messaoudi jouera gros dans une dizaine de jours, lors de la présentation du Défi sportif AlterGo.

Messaoudi, qui sera ambassadeur de la 40e édition de ce rendez-vous annuel regroupant une multitude sports adaptés, est l'un des ajouts les plus récents à l'alignement de l'équipe canadienne de parahockey masculin.

Il forme avec six autres para-athlètes originaires du Québec une délégation impressionnante de hockeyeurs ayant été recrutés au sein du programme dirigé depuis l'an dernier par Russ Herrington.

Étudiant en ingénierie logicielle à l'Université Concordia à 21 ans, Messaoudi vise maintenant à se faire remarquer en vue d'une nouvelle sélection, cette fois au sein de l'équipe qui portera la feuille d'érable à la fin mai, au Championnat du monde présenté en sol canadien, à Moose Jaw, en Saskatchewan.

Pour ce faire, une belle prestation lors des matchs disputés à l'Aréna Howie-Morenz du 22 au 30 avril, sous le regard attentif des recruteurs, serait d'une aide précieuse pour celui qui a fait ses débuts dans le parahockey quelque peu sur le tard par rapport à la moyenne.

La natation était la discipline reine au sein de la famille Messaoudi, qui a immigré sur la Rive-Sud de Montréal en provenance du Maroc lorsque Saoud avait 10 ans.

« Parce que c'est un sport tellement complet, qui sollicite tous les muscles », précise-t-il.

Saoud ironise toutefois qu'au début de l'adolescence, la perspective de sortir du lit tôt pour aller enchaîner les longueurs n'avait plus le même attrait. C'est là, en 2013, que le parahockey a fait son entrée dans sa vie.

D'abord invité à venir comprendre les rouages du sport dans un climat plus amical que sportif, Messaoudi, qui vit avec une amputation congénitale à la jambe gauche depuis son enfance, s'est aperçu après un temps qu'il pouvait aspirer à joindre les rangs d'un circuit plus compétitif.

Au fur et à mesure que son amour pour son nouveau sport grandissait et qu'il gravissait les échelons, l'idée de se procurer sa propre luge faite sur mesure a commencé à germer.

La luge, avec ses deux lames à éloignement variable fixées sous un banc, est bien entendu la principale pièce d'équipement d'un athlète de parahockey.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, Saoud Messaoudi peut miser sur l'un des meilleurs types de luges disponibles sur le marché en termes de qualité des lames et de légèreté.

C'est notamment grâce à une subvention qui lui a été offerte par L'Association des Amputés de guerre – « c'est très dispendieux et ça s'use vite » – qu'il foule désormais la glace sur la scène mondiale avec la technologie la plus évoluée.

« Puisque c'est sur mesure, il n'y a pratiquement aucune pièce qui ne soit pas essentielle. Ma luge a été construite selon la méthode balistique. Quand tu arrives à un niveau hautement compétitif, c'est un must car l'absence de poids sur ta luge est ce qui te permet de réaliser des virages secs », explique-t-il.

« Nous voulons que nos joueurs embarquent à 100 % dans la structure mise en place visant à resserrer l'écart avec les Américains. Dans le cas de Saoud, avec sa tendance à voir les choses de façon analytique, le message a été très bien reçu et compris dès le départ. En ingénierie logicielle, vous voulez vous assurer d'emprunter le chemin approprié vers le résultat désiré. C'est facile pour lui de transposer cette mentalité au hockey. »

Justement, le chemin à emprunter pour tenir tête à la super-puissance mondiale que représentent les États-Unis risque d'être cahoteux.

Façon pessimiste d'aborder la chose, direz-vous? Les principaux acteurs, eux, préfèrent voir l'ampleur du mandat avec réalisme.

« Ça fait un moment que je suis (le parahockey international) de près, et je ne les ai jamais vus ne pas être dominants, confie Messaoudi sur un ton admiratif. Ils sont rapides, ils sont imposants et ils travaillent fort. J'ai eu la chance de les affronter quelques fois, dont en Tchéquie en septembre 2022, et j'ai constaté par moi-même pourquoi ils forment la meilleure équipe au monde. »

Sans surprise, les Canadiens avaient dû se contenter à Ostrava de la deuxième marche du podium, battus en finale par Team USA, qui signaient alors un septième triomphe consécutif à la Coupe Parahockey.

Herrington, l'entraîneur-chef de Messaoudi, ne tarit pas d'éloges lui non plus envers les voisins du Sud, et amène d'ailleurs une perspective pour le moins rafraîchissante sur la question.

« Les Américains ont établi le standard d'excellence dans notre sport, il n'y aucun doute à ce sujet. Une des choses que nous souhaitions changer au cours de la dernière année, c'est la façon d'aborder notre rivalité avec eux. On veut que nos joueurs la voient comme un partenariat, plus qu'un adversaire à défier », image Herrington.

« (Les États-Unis) ont mis la barre très haute de ce à quoi le parahockey masculin peut ressembler, et on risque de s'essouffler, de vouloir les rejoindre au sommet de la hiérarchie en sautant des étapes. Je suis content que nos joueurs apprécient ce qu'ils peuvent retirer en s'inspirant de leurs succès et de leurs techniques d'entraînement, notamment. Ce n'est que par la suite que deviendra accessible pour le Canada la couleur de médaille pour laquelle les États-Unis partent toujours favoris. »

Équipe Québec, une pépinière

« Ce qui retient immédiatement votre attention avec Saoud, c'est son niveau de maturité, assure son instructeur.

Il a une sagesse qu'on voit peu à cet âge. Son intelligence, sa capacité à assimiler de l'information rapidement; ce sont là des traits qui ont permis d'accélérer sa progression »

Si Herrington parle d'une courbe d'apprentissage en mode accéléré, c'est que Messaoudi s'est révélé une surprise pour les dirigeants d'Équipe Canada de parahockey. 

« Bien honnêtement, avant 2022, il n'était pas réellement sur notre radar, du moins pas autant que certains de ses coéquipiers. Puis, il y a eu le Championnat canadien, qu'Équipe Québec a remporté. Il a été un membre important de cette réussite. Je dirais que c'est dans les 12 derniers mois que Saoud s'est révélé à nous »
 
« Il y a une délégation québécoise assez importante au sein de notre groupe. Ç'a pu faciliter son intégration à un club, évalue-t-il.

Mais à la base, c'est quelqu'un avec de l'entregent et une belle curiosité, que ce soit avec les joueurs ou les membres du personnel de l'équipe. »

« Je crois que sa vision du jeu est un des éléments centraux de ce qu'il apporte à notre club. Offensivement, il voit bien le jeu se développer devant lui. À cet égard, on doit remercier Maxime [Gagnon, qui est le président directeur général d'AlterGo et entraîneur-chef d'Équipe Québec]. Ces gars-là nous arrivent prêts à tirer leur épingle du jeu avec la sélection nationale. »

Le principal intéressé reconnaît aussi l'influence considérable qu'a eu Maxime Gagnon sur la montée en flèche qu'il a connue au sein du programme canadien de hockey sur luge.

« Maxime mise énormément sur la jeunesse. Il croit en l'importance d'être patient, ce qui est nécessaire afin de former la relève. Il est venu me chercher il y a environ cinq ans. Je lui dois beaucoup, et je ne suis pas le seul. Avec l'équipe provinciale, on a gagné beaucoup au cours de la dernière année, et il a un gros mot à dire dans le fait qu'on soit présentement sept Québécois [cinq attaquants, un défenseur et un gardien] avec Équipe Canada. »

Selon Messaoudi, le fameux sixième sens – celui qui permet à un hockeyeur d'anticiper où se dirigera la rondelle – est tout aussi indispensable au parahockey. 

Là où réside l'un des différences notoires, c'est la nécessité de manier la rondelle avec chacune des deux mains en situations de match. Les athlètes ne se propulsent pas seulement avec leurs deux bâtons : ils doivent aussi savoir effectuer des passes précises, protéger le disque et même décocher des lancers avec force des deux côtés.

« C'est un sport qui demande d'être ambidextre, c'est certain. Il y a des joueurs pour qui ça vient plus naturellement que d'autres. L'entraînement en gymnase peut aider spécifiquement avec ça. Dans mon cas, je me réserve souvent mes entraînements sur glace en solo pour améliorer cet aspect de mon jeu. »

« Son agilité avec sa main faible (sa gauche) est l'un des éléments que l'on souhaite travailler davantage avec lui sur la patinoire, confirme Coach Herrington. Hors glace, c'est de continuer de travailler sur son conditionnement physique, qui est un aspect crucial pour tenir tête aux meilleurs au monde. »

Au sein du programme national, Messaoudi est le deuxième plus jeune joueur de l'équipe derrière Mathieu Lelièvre qui a 17 ans. Les vertes recrues qu'ils sont tentent de s'abreuver des connaissances du leader incontesté du groupe, Tyler McGregor, capitaine du Canada depuis 2019. Ce dernier – « celui vers qui on se tourne en cas de doute ou pour demander des conseils » – a derrière la cravate une décennie d'expérience, ainsi que trois participations aux Jeux paralympiques.

Dernier droit avant les Mondiaux

Ajout tardif à la formation canadienne qui a récemment croisé le fer avec l'excellent programme américain à la mi-mars à Elmira, en Ontario, Messaoudi semble avoir gagné des points auprès de ses instructeurs en vue d'une possible sélection en vue des Mondiaux.

« Il a bien fait pour nous là-bas, a convenu Herrington. Mais sa plus grosse audition sera au Défi sportif AlterGo, à la fin du mois. Il affrontera là-bas une excellente opposition, étant donné la présence d'une formation américaine. C'est une grande opportunité pour lui de prouver qu'il mérite sa place parmi les 17 joueurs retenus [pour Moose Jaw]. »

Lucide, Messaoudi ne se fait pas d'accroires non plus : il sait fort bien que malgré la fierté qui l'habite d'avoir fait sa fiche avec Équipe Canada, une éventuelle participation aux Mondiaux et aux Jeux paralympiques – l'objectif ultime du jeune athlète, de son propre aveu – est loin d'être garantie. 

« Je m'efforce chaque jour à travailler fort et à m'améliorer dans mon sport. Le but, c'est d'être invité à représenter mon pays aux Jeux de 2026, à Milan et Cortina d'Ampezzo », se permet-il de rêver.