Audace et ingéniosité pour attirer des joueurs avec des équipes de la LHJMQ
MONTRÉAL – Parfois, et de manière insoupçonnée par la plupart des partisans, les équipes de la LHJMQ doivent faire preuve d'un mélange d'audace, d'ingéniosité et de créativité pour s'approprier les services d'un joueur prometteur. Des opérations dignes du film La grande séduction.
Même si le Cap-Breton possède de merveilleux paysages, dont aux abords du Golfe du Saint-Laurent, il ne s'agit pas d'une destination prisée par les joueurs qui rêvent d'accéder à la LNH.
Marc-André Dumont, l'ancien directeur général et entraîneur-chef des Screaming Eagles l'avait bien compris et il a usé de suffisamment d'originalité pour convaincre le défenseur allemand Leon Gawanke. Voici le récit de cette amusante opération de charme dans le cadre du repêchage européen de la Ligue canadienne de hockey.
« Nos contacts en Allemagne nous le recommandaient fortement donc on a épié quelques vidéos de lui et ça ne faisait aucun doute qu'il ferait un bon joueur de hockey junior pour nous », s'est rappelé Dumont qui a occupé ces fonctions de 2012-2013 à 2018-2019.
Dumont déclenche alors une collecte d'informations pour évaluer ses chances de le convaincre de venir jouer au Cap-Breton s'il le repêche à la séance de sélection européenne de 2016.
Une discussion avec un partenaire de l'agent de Gawanke s'avère fructueuse. Celui-ci se dit convaincu que Gawanke acceptera ce projet.
« Mais, la veille du repêchage, lors de ma conversation téléphonique avec Leon, il me dit qu'il a déjà dit non à des équipes dans la Ligue de l'Ontario et qu'il veut terminer son école », a exposé Dumont.
Immédiatement, Dumont s'empresse de préciser que c'est également une priorité pour lui et son organisation. Il promet à Gawanke de lui trouver une manière de compléter son parcours à l'école secondaire allemande à partir de la Nouvelle-Écosse.
« Il me répond donc que je peux le repêcher, mais qu'il n'est pas certain d'accepter de se joindre à nous. Bref, on l'a choisi en se fiant un peu sur notre instinct », a indiqué Dumont qui devait désormais réfléchir à la meilleure façon de le convaincre.
Ne manquant pas d'audace, Dumont lui propose de l'inviter, aux frais de l'équipe, en compagnie de sa mère ou son père, pour venir passer un week-end dans la région en juillet.
Il restait à élaborer le plus important : un plan concret pour le charmer. Pour l'héberger, Dumont s'est tourné vers une extraordinaire famille de pension qui saura le rassurer. Il planifie ensuite une visite du site historique de la Forteresse-de-Louisbourg, une promenade sur la sublime route panoramique Cabot Trail et une visite au centre de villégiature Cabot Shores situé en bordure de l'océan Atlantique.
Dumont s'était organisé avec le propriétaire de l'endroit, un Américain. Il croyait que sa femme était aussi Américaine, mais tel un merveilleux hasard, elle est plutôt originaire de la partie allemande de la Suisse.
« Tout d'un coup, je vois qu'elle entame une conversation en Allemand avec la mère de Leon, ça m'a surpris et je n'avais pas prévu ça dans la visite! », raconte Dumont avec le sourire.
Dumont pousse la séduction plus loin, il demande à l'un des propriétaires des Screaming Eagles de recevoir, à son domaine du Lac Bras d'Or, ses invités et un joueur actuel de l'équipe pour un souper aux homards de la région.
« La météo était superbe et on a monté une belle grande table. Léon et sa mère n'avaient jamais mangé de homard », a raconté Dumont.
Ce week-end, qui a frôlé la perfection, devait avoir fait son œuvre. Mais attendez de lire la mésaventure devenue amusante.
« Évidemment, je lui ai fait visiter l'aréna, mais disons que ce n'était pas le scénario idéal parce qu'il y avait eu un spectacle hippique ! Donc il y avait de la terre et de la bouette partout puis ça sentait la ferme et vraiment pas le champ de roses », s'est remémoré Dumont en riant.
« Dans le vestiaire, on avait installé son nom à un casier avec un chandail portant son nom et son numéro en Allemagne. Il a aussi rencontré les gens de bureaux de l'organisation et vu le gymnase », a-t-il ajouté.
Leon GawankeDe plus, Dumont a rempli sa promesse en trouvant un professeur d'université d'origine allemande qui superviserait son cheminement académique.
« Bref, ils ont aimé leur week-end et le homard a, visiblement, laissé une bonne impression. Une semaine plus tard, Leon m'a appelé pour me dire qu'il s'engageait à venir jouer pour nous », s'est réjoui Dumont.
Le plus beau dans cette histoire, c'est que Gawake s'est avéré un meneur et un excellent quart-arrière au fil de ses trois saisons au Cap-Breton. L'Allemand a été récompensé en étant repêché par les Jets de Winnipeg (en 5e ronde en 2017) et il vient de compléter sa troisième saison professionnelle avec le Moose du Manitoba.
« Alors, on peut dire que c'est mission accomplie. »
Des options même pour la religion
Dans un contexte totalement différent, Dumont a dû être habile sur ses patins pour satisfaire les besoins d'un hockeyeur américain.
« D'après mes discussions avec la famille et le jeune, on a pu identifier très rapidement que la religion occupait une grande place dans leur vie », a relaté Dumont.
Pour l'attirer avec les Foreurs, où il travaillait à ce moment, ça devenait donc essentiel de convaincre ses parents que l'organisation pourrait fournir des services d'ordre religieux à leur fils.
« On a sollicité tous nos contacts et on a obtenu l'aide de Bruce Smith de Hockey Ministries qui orchestre des services optionnels de ce type pour des équipes. On a été en mesure de répondre au besoin du joueur et il s'est joint à nous », a noté Dumont.
Cette demande, qui est inhabituelle, ne fait que démontrer que les équipes doivent s'ajuster de toutes les façons.
« Ce sont des opérations de séduction, en quelque sorte, et il y a définitivement de la compétition dans le recrutement au hockey. Des joueurs ont l'occasion d'être convoités par plusieurs équipes et différentes ligues. Il y a tellement d'options pour les joueurs que c'est important d'individualiser le recrutement », a conclu Dumont en exposant à quel point le métier ne se limite pas à diriger une équipe de hockey.