Barrasso, Lundqvist, Vernon : des géants à leur façon
TORONTO - À 18 ans, après avoir fait un saut jusque-là jamais réalisé qui l'a propulsé de son école secondaire au vestiaire des Sabres de Buffalo, Tom Barrasso a pris la LNH par surprise.
Fort de ses 26 victoires en 41 décisions (26-12-3), le gardien américain qui captait les rondelles de la droite a non seulement gagné le trophée Calder, mais a aussi reçu le trophée Vézina remis au gardien par excellence de la LNH.
Bien qu'il ait ajouté à ces deux honneurs individuels deux conquêtes consécutives de la coupe Stanley avec les Penguins de Pittsburgh (1991 et 1992), Barrasso attendait depuis toujours l'appel confirmant son entrée au Temple de la renommée.
« Mon agent et ma fille m'ont appelé pour me féliciter alors que la nouvelle de mon intronisation était sortie. Je leur disais que je ne le croirais pas tant que je n'entendrais pas la voix de Lanny McDonald qui m'a rejoint quelques minutes plus tard. Je ne croyais plus en mes chances d'être invité ici. J'avais mis ça de côté. Mais quand je suis entré dans cette pièce et que j'ai vu toutes les plaques des plus grands joueurs de l'histoire, j'ai réalisé l'ampleur de l'honneur qu'on me fait », a expliqué Tom Barrasso en parcourant des yeux le Grand Hall à l'intérieur duquel il venait de recevoir sa bague commémorative.
Premier et seul gardien à avoir donné aux Flames de Calgary une coupe Stanley – en 1989 aux dépens du Canadien de Montréal – un des rares gardiens – avec Patrick Roy, Glenn Hall et Jonathan Quick – à avoir soulevé la coupe Stanley avec deux équipes différentes, Mike Vernon, comme Barrasso, ne gardait plus son souffle en attente d'un appel de son grand ami Lanny McDonald.
« Sauf pour m'inviter à l'accompagner au golf », ricanait le petit gardien en racontant la façon dont il a appris son intronisation.
« Quand j'ai reçu l'appel du Temple, l'inscription « appel conférence » est apparue sur mon cellulaire. Je ne comprenais pas. Tellement que j'ai presque refusé de répondre. J'ai pris une chance et quand j'ai entendu la voix chaude de mon ancien capitaine, du meilleur leader que j'ai connu, de mon grand ami me dire : tu es rendu au Temple, j'ai été envahi de joie », se rappelle Vernon.
Monarch des Rangers
Si Barrasso et Vernon, en dépit leurs exploits et les deux conquêtes de la coupe Stanley qui les auréolent, ont dû longtemps patienter avant d'être invités à rejoindre les immortels du hockey, Henrik Lundqvist entre au Temple de la renommée non seulement dès sa première année d'éligibilité, mais sans avoir de coupe Stanley à son actif pour mousser sa candidature.
À l'image de Roberto Luongo intronisé l'an dernier, plusieurs exploits personnels permettent à Lundqvist de faire contrepoids à l'absence de coupe Stanley. Des exploits qui permettent à « King Henry » d'occuper confortablement le trône que lui ont offert les partisans des Rangers.
Premier gardien de l'histoire de la LNH à signer au moins 30 victoires à ses sept premières saisons en carrière, il est aussi le seul à revendiquer 13 saisons consécutives d'au moins 20 gains.
Lundqvist a aussi établi des records d'équipe avec les Rangers pour les victoires (459), les jeux blancs (64) et les victoires acquises en séries éliminatoires (61).
En 887 matchs de saison régulière, il a maintenu une moyenne de 2,43 buts alloués par match et une efficacité de 91,8 %.
Des statistiques qu'il a améliorées une fois en séries : 130 matchs éliminatoires (61 victoires, dont 10 par jeu blanc, 67 revers), moyenne de 2,3 buts alloués, efficacité de 92,1 %.
Pas mal pour un choix de septième ronde…
Une médaille d'or olympique – à Turin en 2006 – et une autre d'argent – à Sotchi en 2014 – et trois autres médailles – une d'or et deux d'argent – en championnat du monde font contrepoids à l'absence d'une coupe Stanley.
« Je n'ai jamais eu la chance de soulever la coupe Stanley et d'offrir un championnat aux partisans des Rangers, mais à mes yeux il n'y a pas de satisfaction comparable à celle de donner une médaille d'or olympique à ton pays, de se tenir côte à côte avec tes coéquipiers et de regarder ton drapeau être hissé au son de l'hymne national », a témoigné le fier Suédois.
Barrasso loquace et émotif
C'est un Tom Barrasso transformé qu'on a croisé à Toronto en fin de semaine. Le gardien très difficile d'approche, sec et froid d'hier a été remplacé par un homme loquace et émotif. Un homme prêt à partager les émotions reliées aux bons et moins bons moments de sa carrière.
« Je suis très fier de ma première saison. Les statistiques accumulées et les trophées que j'ai reçus parlent d'eux-mêmes. Plusieurs personnes ont oublié que dès le début de la saison suivante, je me suis retrouvé à Rochester dans la Ligue américaine. Je croyais ma carrière terminée. J'ai songé à tout lâcher. J'ai appelé mon père pour lui faire part de mes intentions. Il m'a encouragé à prendre mon temps. À cette époque, tu devais passer au moins une semaine dans la Ligue américaine avant d'être rappelé. Il m'a dit de traverser cette semaine et de revenir à la maison la semaine suivante si les Sabres me gardaient dans les mineures. La semaine suivante, j'étais rappelé », a raconté Barrasso qui a d'ailleurs offert sa première coupe Stanley à son père pour le remercier du conseil prodigué à cette occasion.
Tom Barrasso a aussi parlé avec émotion du retour improbable qu'il a effectué à l'automne 2001 avec les Huricannes de la Caroline.
« J'ai quitté le hockey pendant 14 mois après que les médecins eurent diagnostiqué un cancer dans le corps de ma petite fille. Mon père est aussi décédé à ce moment. Je n'ai pas chaussé les patins une seule fois pendant cette période. Le fait d'avoir pu reprendre l'entraînement à 36 ans et d'arriver à revenir dans la LNH – il a disputé 34 matchs en Caroline et quatre autres avec les Maple Leafs en 2001-2002 – est une grande source de fierté pour moi. »
Tout comme sa participation aux Jeux olympiques de Salt Lake City où il a gagné la médaille d'argent avec Team USA au terme d'une défaite en finale contre Équipe-Canada.
« Je n'ai disputé qu'un seul match – victoire de 8-1 aux dépens de la biélorussie – mais j'aurai toujours la grande fierté de pouvoir affirmer que je suis un olympien. Le plus beau côté de cette aventure est que mes enfants avaient vieilli juste assez pour non seulement assister au match, mais comprendre l'envergure de la partie, des Jeux olympiques et de pouvoir garder tout ça en mémoire. »
Une pensée pour Mario Lemieux
Ami depuis toujours « et pour toujours » avec Mario Lemieux qu'il est très heureux de rejoindre au Temple de la renommée, Tom Barrasso sourit quand on lui souligne que plusieurs entraînements avec les Penguins ont dû être plus ardus que bon nombre de matchs de saisons régulières.
« C'est pour cette raison que nous étions si puissants. On avait un talent fou à l'attaque, mais les gars se « challengeaient » lors des entraînements. Ça nous donnait une intensité incroyable. Dès son arrivée, « Badger » Bob Johnson a fait de nous une équipe championne en ajoutant de la structure au grand talent de nos joueurs. Tout était permis en saison régulière, mais une fois les séries arrivées, il fallait respecter un plan défensif. Mario (Lemieux) était magnifique à l'attaque, mais il pouvait aussi être formidable en défensive quand il décidait de stopper l'adversaire. C'était des années sensationnelles », a convenu Barrasso qui sera, lundi, le deuxième gardien américain à franchir les portes du Temple de la renommée après Frank Brimsek en 1966.
Henrik Lundqvist sera le tout premier suédois alors que Mike Vernon gonflera à 39 le nombre de gardiens et gardienne (Kim St-Pierre) canadiens intronisés au Temple de la renommée du hockey.