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RÉSULTATS

Mois de la Diversité : où en est-on dans la LNH?

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« S'il y avait un coming out, je suis convaincu que la personne serait surprise du support qu'elle aurait, non seulement des joueurs, mais aussi de l'organisation. »

Ces mots sont ceux de Rafaël Harvey-Pinard. L'attaquant des Canadiens de Montréal assure que la LNH est ouverte à la diversité sexuelle et il n'est pas le seul.

Pourtant, il y a un an à peine, en juin 2023, le circuit Bettman s'attirait une pluie de critiques en interdisant le port des chandails thématiques durant les périodes d'échauffement. Cette directive survient à la suite du refus de quelques joueurs de porter le chandail de la Fierté.

« Personne ne s'est dit : "Débarrassons-nous des soirées en hommage aux militaires." La réflexion a plus été "On doit cesser les  soirées pour les militaires, si on veut se débarrasser des soirées de la Fierté." C'était un concept biaisé », commente Brian Burke, ex-dirigeant dans la LNH, maintenant directeur exécutif de l'association des joueuses de la LPHF et militant de longue date pour la communauté LGBTQ+.

La Fondation You Can Play, qui milite pour la diversité dans le hockey, a été mise sur pied à la mémoire de son fils Brendan décédé en 2010, un an après après avoir annoncé publiquement son homosexualité.

La ligue s'attire une fois de plus les foudres en octobre 2023. Dans un mémo interne, les joueurs apprennent qu'ils ne peuvent plus modifier leur équipement pour démontrer leur support à une cause, ce qui inclut le ruban multicolore. Deux semaines plus tard, le défenseur des Coyotes de l'Arizona, Travis Dermott, saute sur la patinoire avec du ruban arc-en-ciel sur son bâton. Aux quatre coins de la ligue, des joueurs font entendre leur mécontentement. La LNH recule avant le début du mois de novembre. Le ruban est de nouveau autorisé et utilisé par la grande majorité des joueurs, dans le cadre des soirées de la Fierté organisées par les 32 équipes.

Déçu par la décision initiale de la ligue, l'attaquant des Sénateurs d'Ottawa Mathieu Joseph supporte ouvertement la cause.

« Si on veut faire grandir notre sport le plus qu'on peut, il faut vraiment que ce soit diversifié. Ça n'a peut-être pas freiné cette diversité-là, mais c'est certain que ça ne l'a pas amélioré. »

Est-ce qu'il y a encore des homophobes dans la LNH?

« Oui, mais on ne pourra jamais convaincre tout le monde. Il y a de l'homophobie dans le hockey comme il y en a dans la société » expose Brian Burke.

Hockey masculin et féminin : deux univers distincts

Selon différents sondages, la communauté LGBTQ+ représenterait de 4% à 10% de la population canadienne. Les véritables statistiques sont probablement plus élevées, selon Guylaine Demers, professeure titulaire au département d'éducation physique de l'Université Laval, qui signe des recherches sur la diversité dans le sport depuis une vingtaine d'années. Selon elle, le sujet a grandement évolué dans le milieu sportif en général.

« Il y a 20 ans, on parlait d'homosexualité. On était plus dans l'orientation sexuelle. Maintenant, on parle aussi d'identité de genre, donc est-ce que je me reconnais comme une femme, un homme, ni un ni l'autre pour les personnes non binaires. Ça, dans les cinq dernières années, ça a complètement changé. »

Son constat est bien différent lorsqu'elle aborde notre sport national.

« Le hockey est vraiment en retard en terme d'ouverture. Je ne dis pas que les gens sont fermés à la diversité, mais comme culture du sport je pense qu'on est encore très silencieux par rapport à la diversité sexuelle. On va parler d'homosexualité, mais plus du côté féminin. »

Effectivement, il est facile d'énumérer des noms de hockeyeuses connues qui affichent ouvertement leur appartenance à la communauté LGBTQ+. Caroline Ouellette, Julie Chu, Marie-Philip Poulin, Laura Stacey, Charline Labonté et Erin Ambrose ne sont que quelques exemples. Guylaine Demers qualifie le phénomène de cercle vertueux.

« À partir du moment où on a ce milieu accueillant, c'est sûr que ça va attirer d'autres lesbiennes. On va se dire : "Viens ici, on s'en fout, ça ne nous dérange pas. Tu es une bonne joueuse. Oui, tu vas pouvoir parler de ta blonde et la prendre par la main après la game."»

La triple médaillée olympique Mélodie Daoust abonde dans le même sens. Elle explique s'être cherchée pendant plusieurs années, avant de finalement assumer publiquement son homosexualité au début de la vingtaine.

« Quand il y en a beaucoup qui font leur coming out, c'est là que tu t'identifies. Tu prends confiance à en parler, tu ne te sens pas seule dans ça. Ça m'a vraiment beaucoup aidé. »

Du côté des professionnels masculins, Luke Prokop demeure le seul joueur possédant un contrat de la LNH à être ouvertement gai. Depuis sa sortie en juillet 2021, l'espoir des Predators de Nashville a expliqué dans différentes entrevues que sa démarche a été positive pour lui et bien accueillie sur la planète hockey.

L'ancien hockeyeur Simon Gagné, maintenant directeur général des Remparts de Québec, a été à même de le constater durant le tournoi de la Coupe Memorial en 2023. Son équipe a affronté les Thunderbirds de Seattle dont faisait partie Prokop. La situation a poussé les joueurs à aborder le sujet entre eux, en plus de briser certains préjugés.

En fin de compte, on se bataillait pour le même trophée et ça s'est fait dans le respect », explique celui qui a disputé près de 1000 matchs dans la LNH.

La LNH évolue

Gagné n'hésite pas à avancer que l'ouverture d'esprit des hockeyeurs a grandement évolué depuis ses premiers pas chez les professionnels au début des années 2000. Les insultes à caractère homophobe ou raciale, alors omniprésentes, sont maintenant proscrites.

« Tu avais le jeu sur la glace et le jeu vocal. Des fois, ça dépassait la limite. Aujourd'hui, tu ne vois plus ça. Dans la LHJMQ, les arbitres et les juges de ligne sont à l'affût. Les joueurs, s'ils entendent quelque chose, vont même le rapporter. Tu peux être mis à l'amende et être suspendu. »

Rafaël Harvey-Pinard est du même avis.

« Je me rappelle, il y a huit ans dans LHJMQ, il y a des joueurs qui disaient des mots sur la patinoire qu'on n'entend plus aujourd'hui en 2024, à quelques exceptions près. Même quand ça arrive, tu le vois sur la face du joueur  "Oh je n'ai pas le droit de dire ça, ça ne se fait plus aujourd'hui." Ce n'est pas juste sur la patinoire, dans la chambre aussi. »

Cette évolution des mentalités laisse présager qu'un coming out dans la LNH sera bien accueilli.

« Moi honnêtement, peu importe ton orientation sexuelle, tant que tu es assez bon pour jouer au hockey avec nous, ça m'importe peu », lance Mathieu Joseph.

Simon Gagné estime que l'athlète en sortirait aussi gagnant à tout point de vue.

« Il se sentirait mieux et atteindrait peut-être encore un autre niveau de performance. C'est un secret que tu gardes en dedans. J'imagine que ça doit être une situation très délicate et difficile. »

Ses propos trouvent écho auprès de Mélodie Daoust qui affirme que sa sortie du placard lui a enlevé un poids sur les épaules.

 « Je ne l'ai pas dit pendant longtemps. Tu parles presque comme si tu étais une autre personne. Pour moi, c'était quelque chose d'important de finalement pouvoir être qui je suis et vivre avec ça chaque jour. Je vis une très belle vie depuis ce temps-là. »

« Ce serait aussi un exemple, un modèle pour d'autres personnes qui suivraient et il y en aurait plus qu'un à la suite du premier. D'un autre côté, si on n'en a pas encore vu dans un vestiaire de la LNH, c'est qu'il y a encore du progrès à faire », consent Harvey-Pinard.

La clé : continuer d'en parler

Justement, qu'est-ce qui peut être fait pour que la diversité sexuelle ne soit plus un enjeu dans la LNH? La solution passe par une prise de position claire de la part des décideurs, selon Guylaine Demers.

« On se dit, oui les athlètes ont une responsabilité. En même temps, c'est donc bien plate que tu sentes que "mon sport a besoin de moi pour avancer ". C'est pour ça que ça doit partir du haut de la pyramide. »

Malgré les récentes décisions controversées, Brian Burke estime que la LNH demeure une alliée solide envers le mouvement. Il préfère se concentrer sur le chemin parcouru, mais admet sans détour qu'il reste du travail à faire.

« Certains joueurs sont encore inconfortables. Il faut comprendre qu'on doit défaire des préjugés qui datent de centaines d'années. Ce ne sont pas des portes que l'on peut défoncer, mais plutôt des murs de boue qui vont se dissoudre avec le temps. On ne peut pas tout arranger en une nuit. »

Plusieurs acteurs du hockey professionnel ont d'ailleurs refusé de participer à ce reportage. Simon Gagné a bien failli en faire partie.

« C'est un sujet qui est tabou, mais tranquillement pas vite on s'en va dans la bonne direction. Ça m'a pris quelques jours avant d'accepter ton invitation, mais je suis content de l'avoir fait. Si ça peut aider un peu à avancer dans la bonne direction, c'est pour ça que j'ai décidé d'accepter. »

Il dresse également un parallèle entre l'ouverture à la diversité sexuelle et celle face aux problèmes de santé mentale. La progression en ce domaine a été fulgurante dans les dernières années parce que de grands noms comme Carey Price ont raconté leurs histoires.

De son côté, Mathieu Joseph cite ses racines familiales pour expliquer son désir de prendre position.

« En ayant un papa haïtien et une maman québécoise, j'ai grandi en faisant partie de la minorité, surtout dans le hockey. Il y a des gens qui m'ont supporté quand j'ai eu des moments plus difficiles par rapport à ça. Si je suis capable d'avoir un peu d'impact sur les personnes qui veulent rester dans notre sport sans avoir de pression, entre autres, par rapport à leur orientation sexuelle, ce sera positif. »