Le génie derrière le monstre à deux têtes
EDMONTON - Quand on pense aux Oilers d'Edmonton, c'est le visage de Connor McDavid et l'image du monstre à deux têtes que le capitaine complète avec Leon Draisaitl qui nous sautent aux yeux.
Bon!
Louvoyant entre nostalgie et vérité, les plus vieux répliqueront qu'ils pensent d'abord et avant tout à Wayne Gretzky, Mark Messier, Jari Kurri, Kevin Lowe qui, avec leurs coéquipiers de l'époque, ont contribué aux cinq coupes Stanley que les Oilers ont offertes à leurs partisans entre 1984 et 1990. Et c'est très bien ainsi.
Mais dans la réalité d'aujourd'hui, personne ne peut répliquer au fait que les Oilers gravitent autour de McDavid et Draisaitl.
Cela dit, aussi bons soient Connor et Leon, et ils le sont sans bon sens, et aussi terrifiant soit le monstre qu'ils représentent lorsqu'ils se retrouvent tous les deux sur la patinoire, McDavid et Draisaitl ne peuvent tout faire seuls.
Pour permettre à ce duo sensationnel de viser les grands honneurs et non seulement les honneurs individuels associés aux performances en saison régulière, il fallait l'entourer, l'appuyer, le renforcer.
C'est exactement ce que Ken Holland a fait.
Débarqué à Edmonton à l'aube de la saison 2019-2020, Ken Holland a hérité des jeunes McDavid et Draisaitl. Il a aussi hérité de Darnell Nurse, de Ryan Nugent-Hopkins et des autres jeunes espoirs qu'on croyait tous promis à de grandes carrières à Edmonton.
Mais après un règne de 25 ans à Detroit – 21 ans comme directeur général et près de quatre ans à titre d'adjoint au duo composé de Jim Devellano et Scotty Bowman – règne au cours duquel les Red Wings ont soulevé la coupe Stanley et 1996, 1997, 2002 et 2008, Ken Holland savait que les espoirs se transforment parfois en désespoir.
Et avec une seule participation en séries éliminatoires au cours des 13 saisons qui ont précédé son arrivée, le désespoir pesait plus lourd que l'espoir à Edmonton.
Après une analyse des structures de sa nouvelle équipe, Holland a amorcé une série de changements qui ont fait des Oilers l'une des bonnes formations dans la LNH. Des changements qui ont propulsé l'équipe jusqu'en grande finale et qui ont attisé les espoirs des amateurs de revivre la frénésie d'une conquête de la coupe Stanley.
Les Oilers auront grandement besoin d'une victoire, jeudi, dans le cadre du troisième match d'une finale que les Panthers venus de la Floride mènent 2-0 pour raviver cet espoir.
Mais l'espoir est toujours là!
« Il y avait beaucoup de talent au sein de l'équipe et de l'organisation quand je suis arrivé. Ça sautait aux yeux. Et même si on s'est rendu en séries lors de mes deux premières saisons, il était évident à mes yeux qu'on avait trop de joueurs qui misaient sur le talent et pas assez qui étaient prêts à faire ce qui doit être fait pour maximiser ce talent », a expliqué plus tôt cette semaine Ken Holland.
Derrière McDavid et Draisaitl
Au terme de la saison 2020-2021, une saison écourtée à 71 matchs en raison de la Covid, Connor McDavid et Leon Draisaitl étaient, sans grande surprise, les meilleurs marqueurs du club avec 105 points (33 buts) et 84 points (31 buts). La surprise, pas très agréable pour Ken Holland, c'est que les défenseurs Tyson Barrie et Darnell Nurse avaient terminé troisième et quatrième avec 48 et 36 points.
C'est là que le directeur général a misé sur Zach Hyman et Warren Foegele.
« Je voulais des gars qui allaient au filet pour marquer au lieu de rester en périphérie afin de donner une autre identité à notre équipe. Avec Connor et Leon, on avait la chance de compter sur des joueurs exceptionnels. Je voulais leur donner des appuis. »
Hyman et Foegele étaient disponibles au marché des joueurs autonomes. Holland les a attirés à Edmonton avec des contrats de sept ans et 38,5 millions pour Hyman – moyenne annuelle de 5,5 millions $ -- et de trois ans et 8,25 millions – moyenne annuelle de 2,75 millions $ -- pour Foegele.
Histoire de profiter des dernières semaines du site de nos amis de CapFriendly.com, je vous invite à vous rendre sur leur site pour effectuer des comparaisons autour de la LNH.
Vous verrez que chez le Canadien par exemple, Hyman ampute la masse salariale autant que… Josh Anderson. Foegele l'ampute moins que Christian Dvorak et Joel Armia!
Cela dit, Holland reconnaît sans gêne que Zach Hyman en donne bien plus aux Oilers que le directeur général espérait.
« Je m'attendais à obtenir un gars de caractère qui allait travailler très fort pour aider ses compagnons de trio et qui me donnerait... 25 buts par année », a convenu Holland avec un sourire.
Hyman en a marqué 27 (54 points) à sa première saison. Il a grimpé sa production à 36 buts (83 points) à sa deuxième année et vient de connaître une saison de 54 buts (77 points) à laquelle il a ajouté 14 buts depuis le début des séries. Un sommet dans la LNH.
Croisé dans le vestiaire des Oilers mercredi, Hyman a expliqué que sa décision – et celle de son épouse – de venir à Edmonton avait été facile à prendre.
« Mon agent (Todd Reynolds) s'est occupé d'analyser toutes les offres de contrat que nous avons reçues après l'ouverture du marché des joueurs autonomes. De mon côté, j'analysais les équipes et avec mon épouse, nous analysions les villes les plus intéressantes pour établir notre famille. Après avoir visité Edmonton, il était clair que c'était ici que nous allions déménager. Nous n'avons pas visité d'autres villes », a raconté Hyman.
De Keith à Ekholm...
Quand on fait le tour de l'alignement des Oilers, on se rend compte que Ken Holland et l'équipe qui l'entoure ont été très actifs pour donner plus de force encore au monstre à deux têtes qui demeure la pierre d'assise de l'équipe.
Ils ont multiplié les changements avant d'arriver à l'équipe qui tentera de freiner l'élan victorieux des Panthers.
« On voulait aussi ajouter de l'expérience à notre équipe pour parrainer les jeunes et les mieux préparer à la réalité des séries », a expliqué Holland.
C'est cette quête d'expérience qui a poussé le directeur général des Oilers à faire l'acquisition de Duncan Keith dont le rôle convenu était de contribuer au développement d'Evan Bouchard.
Miné par les blessures, Keith n'a jamais pu remplir ce rôle. Il a d'ailleurs annoncé sa retraite une année avant la fin de son contrat en 2022.
Ce que Keith n'a pu relever comme défi, Mattias Ekholm le relève avec brio. Ekholm était bien sûr dans la mire de Ken Holland. Mais la transaction conclue avec les Predators de Nashville a mieux tourné que prévu.
« J'avais besoin d'évacuer de l'argent pour pouvoir insérer le contrat d'Ekholm et respecter le plafond salarial. On a donc ajouté Tyson Barrie au choix de première ronde donné aux Preds. Je ne savais pas encore que le départ de Barrie allait donner à Bouchard le temps de jeu dont il avait besoin pour passer à un autre niveau. Cette transaction a donc doublement tourné à notre avantage, car en plus de remplir le rôle important qu'on lui confie, Mattias Ekholm a ouvert la porte à l'éclosion d'Evan Bouchard », que Holland analysait avec une satisfaction évidente.
Maintenant jumelé à Ekholm, Evan Bouchard assure que l'arrivée de son compagnon de jeu a grandement contribué à son éclosion.
« J'étais peut-être prêt à avoir plus de responsabilités après quelques années d'expérience, mais la complicité que j'ai développée avec " Ek " et surtout ses grandes qualités de joueur et de leader m'aident beaucoup », a insisté le défenseur.
Ajoutez à ça les acquisitions plus mineures, mais qui sont cruciales pour aider les équipes à viser les grands honneurs – Corey Perry est un exemple – et vous avez un bilan fort imposant du travail accompli par Ken Holland depuis son arrivée à Edmonton.
Un travail qui a conduit les Oilers à la finale de la coupe Stanley.
Holland s'offre en cible quand on analyse sa stratégie du côté des gardiens. Une position qu'il connaît très bien puisque c'est en bloquant des rondelles qu'il s'est rendu à la Ligue nationale.
Stuart Skinner n'a certainement pas la plus grande réputation autour de la LNH, mais Holland lui fait confiance. Il mise sur lui comme il a misé sur des « bons gardiens » qui étaient loin d'être de grandes vedettes – où qui ne l'étaient plus autant qu'à leur apogée – à qui il donnait le mandat de simplement éviter d'accorder de mauvais buts, pour donner une chance à la très solide équipe devant eux de gagner.
Si la présence des Oilers en grande finale devait être auréolée par le plus beau trophée du sport professionnel, cette conquête pourrait servir de tremplin vers une retraite plus facile à annoncer.
Car oui, plusieurs spéculations autour des Oilers laissent entendre que Holland pourrait décider de passer le flambeau après une carrière de directeur général au cours de laquelle il a supervisé 191 sélections au repêchage, conclu 68 transactions et offert un total de 356 contrats qui ont coûté plus de 1,638 milliard $ aux propriétaires des Red Wings et des Oilers selon un relevé de nos amis du site CapFriendly.com.
Et si les Oilers ne gagnent pas la coupe?
Le principal intéressé reste très discret sur son avenir. Mais à 68 ans, Ken Holland est encore assez jeune de cœur, de corps et d'esprit pour continuer.