Martin Brodeur : aucun signe de stress!
NEW YORK - Devant le filet des Devils qu'il a défendu 1464 fois au fil de sa carrière, devant la cage d'Équipe Canada, dans tous les vestiaires où je l'ai croisé et même aux portes du Temple de la renommée du hockey qu'il a franchies en 2018, Martin Brodeur a toujours affiché un calme désarmant.
Du moins, c'est l'impression qu'il a toujours dégagée.
À 51 ans et dans son rôle de vice-président et adjoint au directeur général des Devils du New Jersey, Tom Fitzgerald, Brodeur semble toujours aussi imperturbable.
Croisé, lundi matin, au Madison Square Garden, à quelques heures du quatrième match opposant son équipe aux Rangers, un match que les Devils devaient gagner pour éviter de faire face à l'élimination, un match qu'ils ont finalement gagné, Martin Brodeur n'a pas bronché lorsque je lui ai souligné qu'il serait dommage qu'une sortie rapide en première ronde ne vienne noircir la si belle saison de sa jeune équipe.
D'une phrase, il a repoussé mon affirmation avec la même facilité qu'il repoussait vers les coins de patinoire les rondelles filant vers lui à 100 milles à l'heure.
« On est quand même en avance d'un an sur notre plan », qu'il a lancé en me regardant droit dans les yeux et en esquissant un petit sourire de satisfaction.
Martin Brodeur veut que ses Devils gagnent. C'est évident. Il tient surtout à ce que son équipe batte les Rangers. Ses grands rivaux de New York. Mais il sera loin de paniquer si c'est le scénario inverse qui se produit.
Un œil sur la patinoire où ses joueurs défilaient, un autre en direction des gradins pour localiser son patron et les autres membres de l'état-major des Devils, Brodeur a parlé de son équipe avec fierté et satisfaction.
« On est encore jeune, mais regarde nos gars aller depuis le début de l'année. Ils sont déjà très bons. Ils sont déjà conscients de ce qu'ils doivent faire pour gagner. Ils sont déjà des leaders », que Brodeur a défilé alors que les Jack Hughes, Nico Hischier, Dawson Mercer passaient de l'autre côté de la baie vitrée.
Brodeur a même assuré que le plus jeune espoir de son équipe, Luke Hughes – le frère de Jack et de Quinn, le défenseur étoile des Canucks – pourrait déjà patrouiller la ligne bleue des Devils si ses services étaient requis.
Choix de première ronde (4e sélection) au repêchage de 2001, le défenseur âgé de 19 ans a disputé deux matchs de saison régulière cette année. C'est déjà bien. Mais de sauter dans la mêlée, en séries, contre les BlueShirts en plus, ça semble gros comme défi, non?
« Il est déjà très bon. Tu verras bien! »
Et il ne faudrait pas oublier que Simon Nemec, sélectionné par les Devils tout juste après Juraj Slafkovsky par le Canadien lors du repêchage qui s'est déroulé au Centre Bell l'été dernier, se développe à Utica avec le club-école.
Un gardien à son image
Élogieux à l'endroit des jeunes membres du noyau des Devils, Brodeur l'a été plus encore lorsqu'il a été question d'Akira Schmid.
Lindy Ruff et les Devils se sont tournés vers le gardien suisse après que Vitek Vanecek eut accordé neuf buts sur 52 tirs lors des deux premiers matchs.
Vanecek a été bon en saison. Ses 33 victoires (33-11-4) sa moyenne de 2,45 buts alloués par match et son efficacité de 91,1 témoignent du fait que sans être exceptionnel, il était en mesure de donner des chances réelles de victoire à son club.
Tout a basculé au début de la série alors que les Rangers ont pris d'assaut le devant de son filet et ont profité de sa plus petite stature.
Akira Schmid (6'5'') est plus grand et plus costaud que Vanecek. Malgré ses 22 ans et le fait qu'il n'avait jamais encore disputé de match en séries dans la LNH, il inspirait confiance au sein de l'état-major. Surtout du côté de Martin Brodeur qui s'y connaît un brin ou deux en matière de gardien.
« Il n'y a rien qui le dérange. Je n'en reviens pas. On dirait que la pression ne l'atteint pas. Il est grand, il est gros, il bouge bien et il affiche l'attitude qu'un gardien doit avoir pour connaître du succès », a plaidé Brodeur.
Après avoir repoussé 35 des 36 tirs des Rangers pour permettre aux Devils de gagner 2-1 en prolongation samedi et éviter de se retrouver avec un gouffre de 0-3 à combler, Schmid a limité les Rangers à un but dans un deuxième match de suite. Fort de 22 arrêts sur les 23 tirs des BlueShirts, il a permis aux Devils de niveler les chances dans la série.
Dans l'éventualité que les Devils éliminent les Rangers après avoir tiré de l'arrière 0-2 dans cette série, Schmid et son calme auront beaucoup à voir dans cet exploit.
Et l'entraîneur-chef Lindy Ruff est loin de faire de l'urticaire avec les rebonds généreux que Schmid a accordés lundi soir et le fait qu'il a perdu la rondelle de vue autour de lui à deux occasions lors du match numéro quatre. Chaque fois, ses défenseurs l'ont sauvé en dégageant la rondelle avant que les Rangers n'aient le temps de la pousser au fond du filet.
C'est d'ailleurs avec un tel dégagement que Jonas Siegenthaler a offert à Jack Hughes l'échappée qui lui a permis de marquer le premier but du match.
« Si Akira accorde des retours, ça veut dire qu'il a bloqué la rondelle au lieu de la laisser filer dans le but non? Alors je peux vivre avec les retours », a philosophé l'entraîneur-chef après la victoire de lundi.
Structure salariale déjà solide
En plus de compter sur de jeunes joueurs qui sont très bons, très rapides, très impliqués et qui veulent gagner, l'état-major des Devils s'est tourné vers une gestion proactive. En offrant des contrats alléchants avant que les jeunes et l'équipe n'atteignent leur apogée, les Devils pourraient élargir leur fenêtre d'opportunité puisque plusieurs sont liés au club pour plusieurs années. Ce qui devrait aider à composer avec les aléas du plafond salarial et ceux du marché des joueurs autonomes.
Jack Hughes touchera 8 millions $ en moyenne jusqu'en 2029-2030.
Dougie Hamilton touchera 9 millions $ jusqu'en 27-28. Il a signé ce très gros contrat alors qu'il profitait du marché des joueurs autonomes en 2021. C'est beaucoup d'argent, mais à bientôt 30 ans, Hamilton est la pierre d'assise à la ligne bleue des Devils.
Nico Hischier (7,25 millions $), Ondrej Palat (6 millions $), John Marino (4,4 millions $) – les Devils l'ont volé aux Penguins à qui ils ont refilé l'arrière Ty Smith. C'est un vol plus gros encore que celui réalisé par le Canadien dans le cadre de la transaction Mike Matheson – Jeff Petry – et Jonas Siegenthaler (3,4 millions $) sont tous sous contrats jusqu'en 26-27.
Il sera intéressant de voir comment les Devils composeront avec Timo Meier et Jesper Bratt qui seront joueurs autonomes avec compensations – et possibilité d'arbitrage – à la fin de la saison.
Parlant de Meier, il tarde à offrir aux Devils la production offensive espérée. Lindy Ruff l'a d'ailleurs remplacé par Tomas Tatar en fin de match lundi au sein du « premier » trio piloté par Jack Hughes.
« À ce que je sache, Timo est en santé et s'il ne l'était pas complètement, je ne crois pas qu'il en parlerait. Cela dit, c'est d'abord et avant tout parce que je voulais profiter de la complicité Tatar-Hughes qui ont joué ensemble toute l'année que j'ai fait ce changement. Timo vient d'arriver avec nous. Il n'est pas aussi à l'aise avec nos façons de nous défendre en fin de rencontre. Il n'y a rien d'autre à chercher comme explication. Timo peut marquer, on le sait. Mais il nous aide de bien d'autres façons depuis qu'il est avec nous et depuis le début des séries », a indiqué Ruff après le match de lundi.
Martin Brodeur gravite autour de son ancienne équipe dans un rôle qui lui va bien et d'une manière qui lui va mieux encore.
Il n'est pas impliqué dans les décisions quotidiennes de l'état-major. On sonde ses impressions sur tous les aspects de la gestion de l'équipe. On l'invite à évaluer et à offrir ses conclusions sur le développement de certains joueurs. À analyser des stratégies mises de l'avant pour améliorer l'équipe.
Mais Brodeur fait tout ça de St. Louis où il a élu domicile à la fin de sa carrière. Où il profite d'une semi-retraite. À St. Louis, là où son épouse a une vie bien à elle; là où son fils de 13 ans tient le couple très occupé en raison de son implication dans le hockey et le baseball; là où Brodeur s'offre les grandes joies de jouer au golf, l'une de ses passions après le hockey.
« Je rejoins le club à Jersey quelques jours par semaine au cours de la saison. En séries, tous les membres de l'état-major sont regroupés autour de l'équipe et j'espère rester avec le club le plus longtemps possible », que Brodeur a conclu.
Mais si les Devils sont évincés dès la première ronde, il faudra se rappeler que le plus grand gardien de l'histoire de la concession, l'un des plus grands de l'histoire du hockey, restera bien calme. Qu'il n'affichera aucun signe de stress. Car l'expérience acquise ce printemps rendra ses jeunes Devils meilleurs le printemps prochain et tous les autres qui suivront.
Il faudra aussi se rappeler que, foi de Martin Brodeur : les Devils sont déjà en avance d'un an sur leur échéancier en matière développement.
Ça promet pour les années à venir...