On ne rit déjà plus du Kraken
MONTRÉAL - Le Kraken de Seattle a prolongé à six sa série de victoires consécutives avec un gain de 4-3 aux dépens des Sabres à Buffalo.
Au lendemain du blanchissage de 4-0 infligé au Canadien, au Centre Bell, le Kraken a disputé un match bien différent mardi à Buffalo : loin de balayer les Sabres comme ils l'avaient fait avec le Tricolore de bleu vêtu lundi soir, Yanni Gourde et ses coéquipiers du Kraken ont dû trimer pas mal plus dur face aux Sabres. Ils ont comblé des reculs d'un but en première et deuxième période avant de marquer deux fois au dernier tiers, dont un but dans un filet désert, pour se sauver avec la victoire.
Contrairement à Martin Jones qui a rarement été mis à l'épreuve lundi (21 arrêts) pour signer son deuxième jeu blanc cette saison, son 27e en carrière, Philipp Grubauer a dû réaliser 32 arrêts, dont plusieurs difficiles, pour signer sa quatrième victoire seulement cette saison.
«On ne laisse plus personne nous balayer du revers de la main comme c'est trop souvent arrivé l'an dernier», m'indiquait le défenseur Vince Dunn après la victoire aux dépens du Canadien lundi soir.
Après avoir marqué son septième but et récolté sa 22e passe de la saison lundi, le défenseur acquis dans le cadre du repêchage d'expansion s'est fait complice du 16e but de la saison de la recrue Matty Beniers mardi. Un but qui donnait les devants 3-2 au Kraken en tout début de troisième période.
Apprentissage difficile
«Notre première saison a été très difficile. On a perdu souvent. On s'est fait sortir des matchs bien trop souvent. Mais nous avons appris de toutes ces défaites. Nous avons grandi comme équipe. Nous avons développé de la fierté et du caractère. Nous avons aussi développé de la confiance et c'est évident dans la manière dont nous jouons», m'expliquait Dunn après le match de lundi.
Une fois en avant 3-0 devant le Canadien, les joueurs du Kraken ne sont pas partis à l'épouvante afin de mousser des statistiques personnelles. Ils ont joué du hockey discipliné, ils ont respecté l'adversaire, joué un bon match de route pour protéger leur avance et ménager leur niveau d'énergie en vue du match du lendemain à Buffalo. Le cinquième d'une série de sept consécutifs sur des patinoires ennemies.
Fort de cinq gains de suite depuis le début du voyage, le Kraken pourrait infliger aux Bruins un premier revers en temps réglementaire cette saison au TD Garden. S'il n'y arrive pas, il aura la chance de terminer son voyage sur une note positive avec une escale à Chicago contre les Blackhawks.
«On récolte cette année ce que nous avons semé l'an dernier. Les gars qui ont vécu la première saison sont arrivés avec la conviction de vouloir faire mieux. Ils ont bien transmis cet objectif aux joueurs que nous avons ajoutés au cours de l'été. Il a fallu un peu de temps en début de saison pour trouver notre cohésion. Nous avons eu des moments difficiles et en aurons encore sans doute d'ici la fin du calendrier. Mais nous jouons du bon hockey. Nous sommes impliqués. Nous travaillons tous dans le même sens. Nous avons trouvé notre identité et nous sommes en mesure de gagner des matchs de plusieurs façons», m'expliquait l'entraîneur-chef Dave Haksol après le match de lundi au Centre Bell.
Parmi les meilleurs
Après une première saison de 27 victoires et 60 points, une saison au cours de laquelle plusieurs amateurs ont remis en doute et se sont même moqués des stratégies de Ron Francis et des membres de son état-major en marge d'un repêchage d'expansion bien tranquille en juillet 2021, on ne rit déjà plus du Kraken.
À mi-chemin en saison, le Kraken (52 points) affiche déjà 24 victoires (24-12-4).
Il est non seulement bien installé dans la course aux séries, mais bataille aussi pour la première place dans la division Pacifique alors qu'il accuse des retards de seulement quatre et deux points derrière les Golden Knights de Las Vegas (56 points) et les Kings de Los Angeles (54 points) qui ont toutefois disputé deux et quatre matchs de plus que Seattle.
Il revendique déjà 14 victoires (14-4-2) sur la route. Un gain de moins que les meneurs à ce chapitre jusqu'ici cette saison : les Golden Knights et les Devils qui affichent tous deux 15 victoires; en 20 matchs pour Vegas et 18 pour le New Jersey.
Tout un contraste avec les 11 gains en 41 parties disputées à l'étranger l'an dernier.
Le Kraken marque aussi avec régularité et profite d'une attaque diversifiée.
Sa moyenne de 3,68 buts par match (147 en 40 parties) le place au troisième rang de la Ligue derrière les Sabres de Buffalo (3,87) et les Bruins de Boston (3,85).
Le Kraken a marqué quatre buts et plus 21 fois en 40 matchs. Il compte déjà 12 matchs de cinq buts et plus après s'être contenté de six rencontres du genre durant toute sa première saison.
Lundi à Montréal et encore mardi aux dépens des Sabres, quatre marqueurs différents ont déjoué les gardiens adverses moussant à 19 matchs le nombre de rencontres au cours desquelles le Kraken a pu compter sur une telle contribution.
À titre de comparaison, le Canadien affiche sept rencontres seulement au cours desquelles il a pu compter sur quatre marqueurs différents. De fait, le Canadien a disputé seulement 17 matchs jusqu'ici cette saison au cours desquels trois joueurs différents ont trouvé le fond du filet…
Repêchage d'expansion efficace
Après l'entrée en scène fracassante des Golden Knights de Las Vegas dans la LNH, les attentes étaient élevées pour le Kraken.
Elles étaient en fait démesurées.
Car contrairement à George McPhee qui a orchestré un repêchage d'expansion sensationnelle pour les Knights en recevant des tas de cadeaux pour éviter de sélectionner des joueurs auxquels les autres formations tenaient vraiment, Ron Francis a dû se contenter de peu.
Rappelez-vous : McPhee s'est fait offrir Marc-André Fleury par les Penguis; Reilly Smith et Jonathan Marchessault pour éviter d'aller piger ailleurs chez les Panthers. Les Ducks ont donné Shea Theodore pour protéger des jeunes à qui ils tenaient davantage. Les Blue Jackets ont donné William Karlsson, les Sabres : Williams Carrier. Sans oublier le Minnesota qui avait donné Alex Tuch en prime aux Knights pourvu qu'il repêchage Eric Haula. Tout un deux pour un!
À défaut de voler le spectacle, Ron Francis a dirigé un repêchage à l'image du très grand joueur qu'il était : un joueur sensationnel, mais bien plus efficace que spectaculaire. Un repêchage qui donne de solides résultats.
Six des sept défenseurs du Kraken – Jamie Oleksiak, Vince Dunn, Adam Larsson, Carson Soucy, William Borgen et Cale Fleury – sont le fruit du repêchage d'expansion.
On retrouve aussi six attaquants : Yanni Gourde, Jared McCann, Brandon Tanev, Jordan Eberle, Morgan Geekie et Joonas Donskoi – blessé pour le moment – et deux gardiens : Chris Driedger qui est blessé à long terme et Joey Daccord qui défend la cage du club-école.
La prudence de Ron Francis et quelques transactions – acquisition d'Oliver Bjorkstrand, de Daniel Sprong en retour de Marcus Johansson que le Kraken a renvoyé à Washington – ont permis au Kraken de s'offrir une généreuse marge de crédit sous le plafond. Une marge qui a permis d'effectuer des embauches de joueurs autonomes qui jouent des rôles de premier plan dans les succès de cette équipe ou ajoutent expérience et profondeur: Andre Burakovsky, Justin Schultz, Jaden Schwartz, Alex Wennberg, Daniel Sprong.
Ron Francis semble aussi avoir réalisé tout un coup en profitant de la présence au ballottage de Eeli Tolvanen – les Predators avaient perdu espoir en lui – pour diversifier un peu plus son attaque.
Devant le filet, Francis et le Kraken semblent avoir été bien trop généreux avec Philipp Grubauer – six ans 35,4 millions – mais les 19 victoires de Martin Jones – attiré à Seattle l'été dernier avec un contrat d'un an et de 2 millions $ – font contrepoids cette année.
Contrairement aux Golden Knights qui se sont rendus à la coupe Stanley dès leur première saison – Alex Ovechkin et les Capitals avaient soulevé leur première coupe au terme de cette grande finale – le Kraken n'a pas encore connu de succès en séries.
Mais avec les solides fondations coulées par Ron Francis, le Kraken est déjà un club à prendre au sérieux. Un club qui peut non seulement viser les séries cette année, mais y connaître aussi du succès.
Et avec les qualités indéniables qui devraient permettre à Matt Beniers de soulever le trophée Calder l'été prochain, une partie de l'avenir de cette équipe est déjà assurée.
Tout ça en deux ans!
C'est Ron Francis et le Kraken qui peuvent rire maintenant...