Jeudi, Slava Voynov des Kings de Los Angeles a été formellement accusé d'avoir infligé des sévices corporels à sa conjointe Marta Varlamova, plus particulièrement lui causant des lésions au cou, à la joue et à un sourcil. Rappelons que Voynov avait été arrêté à son domicile le 19 octobre dernier suivant une dispute avec sa conjointe. Il avait été libéré en matinée en contrepartie d’une caution de 50 000 $. Subséquemment, la LNH l’avait suspendu avec solde pour une période indéterminée. La ligue avait justifiée cette suspension par l'article 18-1.5 de la convention collective, lequel lui accorde le droit de suspendre un joueur pendant une enquête criminelle lorsqu'il agit de manière préjudiciable ou à l'encontre de ses valeurs inhérentes. Ainsi, Voynov fait l'objet d'une enquête depuis le 19 octobre 2014, et ce, dans le but de recueillir les faits contre lui. C’est donc dans le cadre de cette enquête que la couronne devait décider si la preuve était suffisante pour que des poursuites judiciaires soient entamées et pour qu’une infraction lui soit reprochée.

En l’espèce, l’enquête a recensé suffisamment d’éléments pour que Voynov soit formellement accusé de voies de fait ayant causé des blessures graves. Plus précisément, Voynov est accusé d’avoir infligé intentionnellement des lésions corporelles et d’avoir causé chez sa conjointe un choc traumatique, le tout selon l'article 273.5 du Code pénal de Californie. 

Voynov devra comparaître le 1er décembre prochain devant un tribunal californien, la comparution constituant la première étape du processus judiciaire. C’est lors de sa comparution que Voynov annoncera au juge s’il choisit de plaider coupable ou non coupable. Il y a fort à parier que Voynov enregistrera un plaidoyer de non-culpabilité et par conséquent, sa cause sera reportée à une date ultérieure de manière à laisser à la défense le temps d’analyser la preuve contre lui et les moyens de défense disponibles. À l’inverse, si Voynov plaide coupable dès sa comparution, son dossier se terminera aussitôt et le tribunal ordonnera une sentence contre lui.

Spécifions que dans l’État de la Californie, une infraction de violence conjugale est soit un crime ou un délit dépendamment de la sévérité des lésions corporelles et les peines varieront selon la classification que nous en faisons. Un crime est jugé plus sévèrement qu’un délit et ici, Voynov est accusé d’un crime. Par conséquent, il est passible de quatre années d’emprisonnement et possiblement de cinq années supplémentaires si la poursuite démontre qu’il a causé un préjudice grave.

Au surplus, il est essentiel de préciser qu’aux États-Unis, la violence conjugale peut avoir d’importantes conséquences sur les accusés qui ne sont pas citoyens américains, comme c'est le cas de Voynov. De telle sorte que Voynov pourrait être déporté vers son pays d’origine s'il est reconnu coupable de violence conjugale, et ce, conformément à l’article 237 de la loi fédérale intitulée Immigration and Nationality Act. Pour être passible de déportation, un crime de violence conjugale doit cependant satisfaire certaines exigences. Il est notamment essentiel que ce crime soit commis contre une personne avec laquelle le défendeur a ou a eu une certaine relation conjugale, c’est-à-dire contre un conjoint actuel ou ancien ou contre une personne avec qui le défendeur a un enfant commun. Une condamnation pour un crime de violence conjugale exige donc une preuve suffisante de relation conjugale.

Or, quelles que soient les accusations portées contre lui, Voynov est innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie. La présomption d’innocence est un principe fondamental en droit criminel, lequel impose à la poursuite le fardeau d’établir la preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. Cette notion est essentielle dans la primauté du droit à un procès équitable. Il faut comprendre que les athlètes professionnels ont droit aux mêmes garanties constitutionnelles que le reste de la société. Il faut donc évaluer avec vigilance la preuve disponible contre Voynov, les moyens de défense qu’il peut faire valoir, mais surtout son implication dans le présent dossier. Ceci étant, les faits doivent être examinés de manière concomitante avec les accusations, et ce, conformément aux liens existants entre eux. Bien que les faits au dossier ne semblent pas très prometteurs pour Voynov, encore faut-il les prouver. 

Aujourd’hui, la LNH a déclaré que Voynov demeurera suspendu avec solde pour une période indéterminée, mais que les Kings n’en seront pas pénalisés sur la masse salariale. En effet, l’Association des joueurs et la ligue ont conclu une entente, laquelle permet aux Kings de libérer le salaire de Voynov sur la masse salariale pour cette saison. Autrement dit, les Kings pourront compenser cette perte à la ligne bleue via le marché des échanges ou des joueurs autonomes. Cette décision démontre clairement que la LNH non seulement ne tolèrera pas la violence conjugale, mais qu’au surplus, elle ne défavorisera pas l’équipe. La suspension reste un geste symbolique par laquelle la ligue condamne la violence conjugale, et ce, sans que les Kings soient désavantagés sur le plafond salarial. Néanmoins, en continuant de payer Voynov pendant sa suspension, la LNH démontre une valorisation de la présomption d’innocence, laquelle est l’une des pierres angulaires de notre système judiciaire. Ici, la NHL a pris une position beaucoup plus laxiste que la NFL, qui elle, a suspendu Adrian Peterson sans solde.

Cela dit, la violence conjugale dans l'État de la Californie est non seulement un crime contre la personne, mais aussi contre l'État. Cela signifie donc que la poursuite a le pouvoir de porter des accusations criminelles de violence conjugale même si la victime présumée ne veut pas coopérer. Comme la poursuite a le pouvoir d'assignation, elle peut forcer la victime à témoigner. Bien entendu, il est préférable d'avoir la coopération de la victime, mais ce n’est pas nécessaire pour mener une telle affaire. À ce titre, les médias ont dévoilé que Marta Varlamova aurait souhaité qu’aucune accusation ne soit portée contre Voynov. Cette déclaration est la plus grande difficulté dont fait généralement face la poursuite dans ce type de dossiers. En effet, les accusations pour violence conjugale mènent rarement à une condamnation puisqu’elles sont bien souvent abandonnées avant même le début du procès.