Trophée Norris : Erik Karlsson, vraiment?
Victor Hedman, Roman Josi et Cale Makar sont à mes yeux, et pas nécessairement dans cet ordre, les trois meilleurs défenseurs de la LNH.
Malgré ce statut que je leur confère avec conviction, un statut que vous avez pleinement le droit de contester cela dit, je crois que Makar est le seul membre de ce formidable trio à participer activement à la course au titre de défenseur de l'année dans la LNH. Pas simplement du meilleur défenseur, mais du meilleur défenseur de la saison 2022-2023.
La nuance est importante.
Parce qu'il revendique 69 points après 52 matchs, Erik Karlsson est considéré par plusieurs comme le grand favori pour mettre la main sur le trophée Norris. Un trophée sur lequel il a déjà reçu, deux fois plutôt qu'une, au terme des saisons 2011-2012 et 2014-2015 alors qu'il défendait les couleurs des Sénateurs d'Ottawa.
Karlsson connaît une saison sensationnelle. Prétendre le contraire serait absurde. Le but qu'il a marqué et les deux passes qu'il a ajoutées, dont la passe qui a mené à la victoire des Sharks de San Jose – en prolongation – aux dépens du Lightning à Tampa Bay mercredi soir ont confirmé le flair offensif qui fait le lui le joueur étoile qu'il est.
Mais le trophée Norris récompense un défenseur. Et le travail premier d'un défenseur est de défendre. Ce que Karlson ne fait pas. Ou pas assez. Ou pas assez bien.
Bon! Les partisans de Karlsson, et ils sont nombreux, assureront que la meilleure défense est l'attaque. Ils ajouteront que pendant que Karlsson orchestre des attaques en zone ennemie ses gardiens sont bien tranquilles. D'ailleurs, les adeptes de statistiques avancées montreront du doigt le fait que les Sharks ont une meilleure fiche à cinq contre cinq lorsque Karlsson est sur la patinoire que lorsqu'il est au banc.
« Je note »... comme disait la dame robot dans les publicités d'assurance auto!
Mais ça ne m'incite pas à suivre le courant populaire qui semble déjà donner un troisième Norris au défenseur suédois.
Vers une saison de 100 points
Cela dit, j'accorderais volontiers – et je le ferai si les collègues de San Jose désignent Karlsson comme candidat – mon vote de première place à Karlsson dans la course au trophée Bill Masterton en raison du retour sensationnel qu'il effectue cette saison.
Mais bon!
Après avoir piqué du nez au fil des dernières saisons en matière de matchs disputés, de points récoltés et de différentiel, Karlsson revient de très loin cette année. Il pourrait fracasser la barre des 80 matchs disputés pour la première fois en sept ans.
Il pourrait aussi atteindre le plateau des 100 points récoltés dans une saison. Et ça, c'est rare. Très rare même alors que cinq défenseurs seulement ont atteint et dépassé ce plateau dans l'histoire de la LNH,
Bobby Orr qui détient le record (37 buts, 139 points en 78 matchs) depuis sa saison historique de 1970-1971 l'a fait six fois.
Paul Coffey qui s'est approché à un point du record de Bobby Orr en 1985-1986 (48 buts, 138 points) l'a fait cinq fois.
Al MacInnis – 103 points en 1990-1991 avec les Flames de Calgary – et Denis Potvin – 101 points en 1978-1979 avec les Islanders de New York – l'ont fait une fois chacun.
Tout comme Brian Leetch – 102 points – qui est le dernier à avoir réussi cet exploit en 1991-1992 avec les Rangers de New York.
Orr a terminé sa saison historique avec un différentiel de plus-124. Il a maintenu un différentiel de plus-480 au fil de ses six saisons de plus de 100 points.
Coffey est le seul des cinq prolifiques arrières à avoir connu des saisons (deux) avec des différentiels négatifs : en 1988-1989 et 1989-1990 alors qu'il jouait à Pittsburgh. Il affiche toutefois un différentiel global de plus-135.
Les trois autres?
Ils ont tous terminé dans le positif : plus-71 pour Potvin, plus-42 pour MacInnis, plus-25 pour Leetch.
Karlsson a un différentiel neutre (0) après 52 matchs. Il était dans le positif (plus-16 et plus-7) quand il a gagné ses deux trophées Norris.
Je suis convaincu que plusieurs des collègues répartis aux quatre coins de la planète hockey accorderont plus d'importance aux points que Karlsson a récoltés – surtout s'il atteint le plateau des 100 points – qu'à ses carences défensives lorsqu'ils rempliront leur bulletin de vote.
Qu'il obtiendra beaucoup de votes dans le top-3 et sans doute plusieurs de première place.
Mais pour l'instant, il n'a pas le mien.
Makar, Dhalin, Lindholm?
Vers qui se tourner alors?
Bien honnêtement, la course est loin d'être terminée à mes yeux.
Makar – qui a « volé » à Josi le titre l'an dernier – doit certainement être considéré encore cette année. Sa saison est moins flamboyante que celle de l'an dernier. Il faut dire qu'il avait placé la barre très haute.
En plus, les blessures qui minent les succès collectifs de l'Avalanche du Colorado portent peut-être un peu ombrage à ses performances personnelles. Le jeune défenseur qui a ajouté le trophée Conn Smythe à sa conquête de la coupe Stanley l'an dernier, affiche malgré tout une production d'un point par partie et il domine tous les arrières de la LNH avec une utilisation moyenne de 27 min 8 s par match. Un différentiel de plus-5 – il était de plus-48 l'an dernier – pourrait refroidir les ardeurs de certains.
On verra!
Mais avec les retours des blessés et le fait que je considère que l'Avalanche devrait amorcer une remontée qui les conduira en séries, Makar connaître peut-être une fin de saison susceptible de faire tourner le vote en sa faveur.
Ce qui pourrait aussi arriver à Hedman.
À 32 ans, Hedman a connu un très lent début de saison. Il joue maintenant à la hauteur de son talent. Et s'il devait hausser son rendement au cours des prochaines semaines, sa réputation pourrait lui valoir des votes. Peut-être même le mien.
Est-ce que ce sera suffisant pour lui donner un deuxième – il l'a gagné en 2017-2018 – trophée Norris? Est-ce que ce sera pour lui donner une place au sein du top trois pour une septième saison consécutive?
À lui de jouer!
Parce que les Bruins de Boston (2,12), les Stars de Dallas (2,53), les Rangers de New York (2,63), les Hurricanes de la Caroline (2,63), les Islanders de New York (2,63) et les Jets de Winnipeg (2,64) sont les meilleurs de la Ligue en matière de buts accordés par match, il semble logique que leurs défenseurs soient considérés dans la course au Norris.
Et je suis bien d'accord.
C'est pour cette raison que j'accorde, pour le moment, une place dans mon top-3 à Hampus Lindholm des Bruins. Lindholm est tout sauf flamboyant. Mais il est d'une grande efficacité face aux meilleurs attaquants que les Bruins affrontent. Il domine tous les arrières de la LNH avec un différentiel de plus 33 et joue en moyenne 23 min 35 s par match.
Adam Fox, chez les Rangers, Josh Morrissey qui connaît sa meilleure saison en carrière avec les Jets, Miro Heiskanen à Dallas auront des votes. J'en suis convaincu.
Chez les Islanders, les succès défensifs sont l'affaire du gardien Ilya Sorokin. Ses résultats dans la course au trophée Vézina le confirmeront.
Chez le Kraken de Seattle et en Caroline, des défenseurs connaissent de grosses saisons pour aider les « Canes » à flirter avec le premier rang du classement général et le Kraken à prolonger la surprise qu'il offre à la LNH cette année. Mais comme dans le cas du trophée Hart, ces deux clubs comptent sur un succès collectif qui rend difficile la distribution de récompense individuelle chez leurs défenseurs. À moins que ce soit moi qui sois trop dur dans mon analyse des arrières de ces deux équipes.
De tous les défenseurs que j'ai vu jouer cette saison, Rasmus Dahlin est celui qui m'impressionne le plus. Il faut dire que les jeunes Sabres de Buffalo sont impressionnants.
Tout premier choix de la cuvée 2018 – Jesperi Kotkaniemi avait été repêché au troisième rang par le Canadien de Montréal – Dahlin donne à son équipe, à ses coéquipiers et à ses partisans le hockey qu'on attendait de lui depuis longtemps.
Un grand pan des succès des Sabres, aux deux bouts de la patinoire, passe par lui. Il domine la Ligue pour les points récoltés en avantage numérique (5 buts, 24 points), il occupe le troisième rang avec une utilisation moyenne de 26 min 7 s, il est 15e avec un différentiel de plus 15. Il est l'âme de son équipe. Du moins c'est ma perception.
Est-ce que ce sera suffisant pour lui permettre de mettre la main sur le trophée Norris?
Il devra hausser son rendement d'ici la fin de la saison pour maximiser ses chances d'y arriver.
Je trouverais intéressant – et mérité – que des défenseurs comme Dahlin et Lindholm donnent un portrait nouveau à la course au trophée Norris cette année.
J'espère même que cela va arriver.
Mais je crains que les exploits offensifs de Karlsson ne viennent gâcher un tel changement de la garde.
On verra!