Le parcours extraordinaire qui a mené Shawn Allard à la LNH
MONTRÉAL – Il y a quelques années, lorsque Shawn Allard a invité Viktor Arvidsson, Roman Josi, James Neal, Pekka Rinne, Craig Smith et Ryan Johansen à souper à sa maison d'Ottawa, il n'aurait pas imaginé que son fils Tristan, avec la chemise bleue, jouerait sa première partie préparatoire contre les Predators et Josi, son idole.
Ce scénario magique s'est concrétisé, le 27 septembre, et Allard se remet encore des émotions d'avoir vu son garçon dans l'uniforme du Lightning.
« C'est mon travail de supporter les meilleurs joueurs du monde et de voir des exploits comme le 500e but de Steven Stamkos. Tout ça, c'est normal dans mon métier. Mais quand c'est ton fils, tu es plus nerveux! », a confié cet entraîneur d'habiletés qui a obtenu son premier emploi dans la LNH avec les Predators de Nashville.
Allard, un Franco-Ontarien, a toujours conservé une maison à Ottawa. Et donc, quand les Predators venaient jouer dans la capitale fédérale, il en profitait souvent pour inviter plusieurs joueurs à son domicile.
Il y a deux semaines, quand il a su que Tristan allait se mesurer aux Preds, il a retracé cette magnifique photo et s'est empressé de l'envoyer à Josi en lui racontant le grand moment qui attendait sa famille.
« C'était super sympa pour lui de jouer contre eux, c'était l'équipe qu'il aimait quand il était jeune. Les Rinne, Josi et (Shea) Weber... », a mentionné Allard.
Ce n'est pas tout, Tristan Allard patinait sur le même trio qu'Austin Watson. Ce dernier a commencé sa carrière LNH à Nashville dans les mêmes années qu'Allard.
« Austin me disait que tu commences à être vieux quand tu joues avec le fils d'un ancien entraîneur », a raconté Allard en riant.
En naviguant dans le hockey à partir d'Ottawa en passant par la Suisse, la Russie, la France, Nashville et Denver, Allard a naturellement transmis sa passion à ses quatre enfants.
Le plus vieux, Sutton, suit la voie de son paternel comme entraîneur d'habiletés. Tristan, après ce camp avec Tampa, entame son parcours dans la Ligue américaine après trois saisons dans la LHJMQ. Owen évolue au niveau junior ontarien avec Sault-Sainte-Marie tandis qu'Ashley vit sa première saison à l'Université du Connecticut.
Les rencontres déterminantes avec Fisher et Trotz
Allard a emprunté un chemin extraordinaire le propulsant vers la LNH. Devenu entraîneur à Épinal, en Ligue Magnus, il a fait la connaissance de Mike Fisher, durant la saison morte, et il est devenu son premier client.
« J'ai travaillé avec lui, il se sentait mieux sur la glace et il améliorait ses performances. Ensuite, ce fut Daniel Alfredsson, Zdeno Chara, Chris Phillips, Nick Foligno... », a expliqué Allard qui supervise aussi son entreprise, Perfect Skating.
Échangé à Nashville, Fisher a voulu continuer de travailler avec Allard et c'est là qu'un autre grand virage s'est produit.
« Barry Trotz était comme ‘Wow, que fais-tu! Je n'ai jamais vu ces choses, ce serait très intéressant que tu nous aides, on a besoin d'une personne comme toi dans notre personnel », s'est souvenu Allard avant d'enchaîner avec un chapitre savoureux.
De retour à Ottawa quelques jours plus tard, Allard avait raconté à sa femme, Andrea, que Trotz avait adoré son approche et qu'il pensait recevoir une première offre d'une équipe de la LNH. Mais l'appel a tardé et Allard se préparait à retourner à Épinal.
« Deux jours avant mon départ, Barry m'a appelé pour me dire ‘Je n'ai pas grand-chose pour toi, mais tu pourrais venir à notre camp et je vais te payer 2500$ par semaine. Après une semaine, le directeur général David Poile m'avait appelé dans son bureau ‘Hey, les gars aiment vraiment ce que tu fais avec eux, peux-tu rester une autre semaine pour un autre 2500$?'. Ça s'est reproduit pour deux autres semaines et ils m'ont finalement offert un contrat à temps plein pour être sur le staff de Barry », a-t-il décrit.
Allard était nerveux à l'idée de prouver sa valeur dans LNH, mais les joueurs avaient confiance en lui. Quelques années plus tard, lorsque Trotz a été viré à Nashville, Allard a vu son rôle être modifié à celui de consultant durant le règne de Peter Laviolette.
Ensuite, l'Avalanche lui a proposé un rôle à temps plein au sein du personnel de Jared Bednar. Le timing était parfait alors que l'équipe s'approchait de sa grande ascension avec les MacKinnon, Makar, Mikko Rantanen et compagnie.
En plus d'aider les joueurs au niveau de leurs performances, il était une ressource précieuse pour développer la confiance des athlètes et les encadrer au retour d'une blessure.
Shawn Allard« Je le dis avec beaucoup d'humilité parce que c'était mon travail, mais je pense que les gars diraient que j'ai été important pour eux », a accepté de mentionner Allard en répondant à notre question.
Pour imager sa contribution, il cite le but de Nazem Kadri, en prolongation, dans le quatrième match de la finale contre Lightning, procurant une avance de 3-1 à l'Avalanche dans la série.
« Nazem était blessé à une main, il était très amoché et il n'était pas supposé jouer. On a eu des discussions avant et on a travaillé pour augmenter sa confiance afin qu'il puisse avoir un impact dans la partie. Il a réussi le gros but, l'un des plus importants de l'année. »
« Ce sont les joueurs qui gagnent la coupe et notre nom y apparaît grâce à eux », a-t-il insisté.
Puisque les Québécois n'ont pas abondé chez l'Avalanche dans les dernières années, on a voulu savoir quel lien avait-il bâti avec Samuel Girard.
« Sam, c'est comme un frère! On voulait continuer de raffiner son jeu offensif car il était très offensif dans le junior. On a étudié l'élément de son lancer à partir de la ligne bleue. Sam a un bâton très petit, le plus petit que je n'ai jamais vu. On a joué un peu avec la longueur de son bâton. Mais il faut travailler avec ses forces, son habileté avec la rondelle, même si ça limite un peu ses options pour tirer. Sans nécessairement décocher des tirs de la ligne bleue, il est capable de créer des activations offensives. C'est un jeune incroyable, j'ai tellement aimé travailler avec lui », a témoigné Allard.
Petite parenthèse, l'entrevue a permis d'élucider un petit mystère, Allard est né à Ottawa et non à Tremblant comme on peut lire sur certains sites web. Cela dit, sa mère est Québécoise et elle a tenu à ce que ses 13 enfants étudient dans une école francophone si bien qu'il a conservé un très bon français.
L'énergie dégagée par Allard ne pouvait que nous faire penser à Adam Nicholas qui s'occupe d'aspects similaires chez le Canadien. De son côté, Allard a eu le privilège de faire partie du personnel d'entraîneurs à Nashville et à Denver. Il était donc présent, au quotidien, avec les joueurs du grand club. À l'avenir, il voit la profession d'entraîneurs des habiletés se multiplier dans ce sens.
Sa réputation bâtie, au fil des ans, lui a permis d'être bien accueilli quand il s'est arrêté chez le Lightning, « l'ennemi », pour observer son fils. Après tout, l'Avalanche a vaincu le Lightning lors de la finale de 2022. Mais le respect existe entre les meilleures organisations et il connaît bien Jon Cooper, ses adjoints et Julien BriseBois.
« Les gens du Lightning ont admis que c'était différent de nous affronter comparativement à leurs confrontations précédentes en finale contre Dallas et Montréal. Disons qu'on était un ‘animal' différent pour eux. On avait une très bonne équipe », a conclu Allard qui a pu soulever la coupe Stanley grâce au dossier de 16-4 de l'Avalanche en séries 2022.