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Pour Scott Walford, tous les chemins mènent à Montréal

Scott Walford Scott Walford - Getty et Matt Garies, McGill Athletics
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MONTRÉAL – À 18 ans, Scott Walford rêvait d'une vie à Montréal. Un luxueux condo dans le Vieux, un accès aux plus chics établissements, les têtes qui se retournent sur son passage, tout ça serait bientôt sa réalité : il venait d'être repêché par le Canadien.

Six ans plus tard, Walford habite effectivement dans la métropole. Il partage un appartement avec un colocataire dans le Ghetto McGill, se déplace parfois en Bixi et attend probablement encore de signer son premier autographe. À quelques kilomètres du Centre Bell, il poursuit sa voie avec les Redbirds de l'Université McGill.

Mais attention, ceci n'est pas l'histoire d'un échec. C'est celle de l'un de ces innombrables jeunes joueurs qui passent chaque année dans les portes tournantes d'un club professionnel. Ils sont épiés, évalués, classés, encensés et dénigrés. La plupart ne feront que passer, éventuellement remplacés par la prochaine vague de choix flambants neufs et de joueurs invités. On finit par les oublier, mais eux doivent continuer à avancer. Certains réussissent à le faire plus facilement que d'autres.

En même temps que Ryan Poehling, Josh Brook, Cale Fleury et Cayden Primeau, Scott Walford a accédé à ce statut prestigieux d'« espoir » du Canadien. Cette étiquette l'a suivi pendant deux ans. Chaque conversation, chaque publication, chaque opinion le concernant l'identifiait ainsi. Cette association, inévitablement, a fini par définir, à ses yeux, la personne qu'il était.

« J'avais non seulement été repêché, mais j'avais été un choix assez élevé, raconte le 68e choix du repêchage de 2017 dans un coin tranquille de l'Aréna McConnell. J'en retirais beaucoup de fierté et oui, c'en est venu à définir mon identité. Les gens autour de moi aussi m'associaient beaucoup à ça. Soudainement, on voulait être mon ami, on m'invitait davantage à sortir. »

« C'était cool comme expérience. Mais après, quand ça se met à moins bien aller... »

Après deux saisons inégales avec les Royals de Victoria dans la Ligue junior de l'Ouest, Walford, un défenseur avec un penchant pour l'attaque, n'a pas reçu d'offre de contrat du Canadien.

Qu'arrive-t-il dans la tête d'un jeune homme de 20 ans lorsqu'il réalise que le présent ne correspond pas à l'avenir qui avait pris le monopole de ses pensées? Qu'il n'a pas été à la hauteur des attentes placées en lui? Qu'on ne le désigne plus, à nouveau, que par son prénom et son nom de famille?

Qu'arrive-t-il quand l'« espoir », du jour au lendemain, n'en est plus un?

« J'étais pas mal démoli quand je n'ai pas signé de contrat. Ça a été un coup dur pour mon égo, avoue candidement Walford. Pendant les années qui ont suivi, j'ai remis mon amour pour le hockey en question. J'avais toujours pris ça pour acquis, mais quand on se fait tasser sur le côté et dire qu'on n'est plus désiré, alors qu'on n'a jamais connu cette réalité de notre vie, toutes sortes de choses nous passent par la tête. »

Quand il est arrivé à McGill, après une année sur les blocs en raison de la Covid, et qu'il a peiné à s'adapter au calibre de jeu du réseau universitaire, Walford s'est posé la question qui tue : « est-ce que tout ce temps, j'ai surestimé mes habiletés et mon talent? »

Un nouveau chemin vers les pros

Walford sait aujourd'hui que Ken Morin avait raison. Que Montréal, l'endroit où son rêve s'était d'abord éteint, pouvait être celui où il allait renaître.

Morin, un ancien recruteur du Canadien, est l'un de ceux qui avaient poussé pour la sélection de Walford en 2017. Il est aussi un ancien joueur des Redbirds. Les deux hommes ont tissé des liens au fil des années et lorsque Walford contemplait les nombreuses offres de bourses qu'il avait reçues de la Colombie-Britannique aux Maritimes, Morin l'a aidé à se faire une tête.

« Je suis heureux d'avoir pris cette décision, mais elle a longtemps été difficile à assumer. Il n'y a bien sûr aucune honte à être un étudiant-athlète au niveau universitaire, mais il y a un monde de différence entre ça et être considéré comme un futur joueur de la Ligue nationale. J'ai dû me faire à l'idée que c'était ça, ma nouvelle identité. »

Walford se souvient de sa première année dans la famille du Canadien, quand chacun de ses matchs était l'occasion pour un expert Twitter de livrer un compte-rendu de sa performance. Rien de mal là-dedans, mais il faut un temps pour s'y habituer. Puis à la fin de sa carrière junior, à Saskatoon, « plus personne ne regardait à part quelques recruteurs », se souvient-il en riant de bon cœur.

« Et quand tu arrives à l'université, c'est comme si on t'avait complètement oublié. Mais voilà ce que j'ai dit à mon agent quand je suis arrivé ici : c'est correct de se faire oublier pendant une couple d'années. L'important, c'est de ressortir meilleur de l'autre côté. » 

Cet objectif est en voie d'être accompli. La saison dernière, Walford a remporté le titre de joueur le plus utile des Redbirds pour une deuxième année consécutive. Ses 26 points en 33 matchs lui ont valu la deuxième plus belle récolte pour un défenseur dans la conférence Ontario University Athletics (OUA), dans laquelle évoluent les équipes du Québec.

Cet été, il a été invité au camp de développement et au camp principal du Lightning de Tampa Bay. Une carrière de hockeyeur professionnel et, qui sait, l'accession à la LNH, ne semblent plus aussi irréalistes qu'il y a quelques années.

Les exemples desquels s'inspirer sont nombreux autour de lui. À Tampa, il a fait la connaissance de Mathieu Darche, qui a joué sa première saison complète dans le circuit Bettman à l'âge de 30 ans. Plus récemment, un autre ancien de McGill, Nikolas Brouillard, a signé son premier contrat de la LNH à 28 ans.

À chaque année, on répète cette mise en garde quand des dizaines de jeunes prometteurs convergent vers Brossard pour enfiler l'uniforme bleu-blanc-rouge : évitons de s'emballer, ils ne seront qu'une minorité à percer. De la perspective du club et de ses partisans, c'est vrai. Mais pour celui qui a l'impression d'avoir abouti dans un cul-de-sac, ça peut n'être qu'une occasion de ressortir la carte et de choisir un nouvel itinéraire.

Que le GPS de Scott Walford l'ait ramené à Montréal est une belle ironie.

« Certaines personnes auraient probablement décidé de s'éloigner le plus loin possible de cette ville, mais je ne l'ai jamais vu comme ça. Ça n'était pas mon but d'essayer de fuir mon ancienne vie, si on peut dire ça ainsi. Je cherchais l'endroit qui me permettrait de mieux m'enligner pour le reste de ma vie et je l'ai trouvé. »