MONTRÉAL – Le Stade Saputo est devenu l’endroit où les meilleurs attaquants de la MLS viennent s’échouer. L’Impact y a gagné ses sept derniers matchs, séquence au cours de laquelle il a cumulé trois blanchissages tout en accordant un maigre total de six buts.

À la fin du mois d’octobre, le dangereux Sebastian Giovinco, qui est vu comme le grand favori pour décrocher le titre de joueur par excellence du circuit, s’est évaporé deux fois en l’espace de cinq jours dans le « triangle des Bermudes » du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Plus récemment, c’est Kei Kamara, auteur de 22 buts en saison régulière, qui y a été complètement invisible.

Lorsque vous faites le tour du vestiaire de l’Impact en quête d’explications, un nom revient de plus en plus souvent dans la conversation. Celui de Victor Cabrera. Après une victoire de 3-0 pour éliminer le Toronto FC en match de barrage la semaine dernière, c’est à lui que Patrice Bernier avait réservé ses compliments les plus flatteurs.

« Il a été l’ombre de Giovinco pendant un bon bout de temps, avait fait remarquer le capitaine. Il couvre de l’espace, il joue avec hargne. Il est jeune, mais on voit qu’il a grandement progressé. Je le félicite, parce qu’il est impeccable. On voit qu’il apporte de l’assurance avec Laurent [Ciman] et tous les autres gars de la défense. »

Arrivé du club argentin River Plate sous forme de prêt en janvier, Cabrera s’avère sans l’ombre d’un doute l’une des plus agréables surprises de l’édition 2015 de l’Impact. Dès son arrivée, l’arrière de 22 ans a mis sa polyvalence à contribution en dépannant comme latéral droit en Ligue des Champions. Ralenti par une blessure à une jambe au printemps, il a retrouvé une place régulière à sa position naturelle en charnière centrale avec l’arrivée de l’été et s’impose depuis comme l’une des pièces maîtresses d’un corps défensif qui a atteint un niveau d’imperméabilité exemplaire.

« En début de saison, avec mon état de santé, je ne sentais pas que je jouais à la hauteur de mon talent. Mais présentement, je suis de retour au niveau que je peux offrir », estimait Cabrera après un entraînement sous la pluie, vendredi.

« Dès le camp d’entraînement, il nous a amené une agressivité à l’arrière, se souvient l’entraîneur Mauro Biello. On l’avait mis sur le côté droit parce qu’on avait des blessures et il a bien fait. Ensuite il a continué de grandir dans l’axe et a eu de grosses performances pour nous. C’est un jeune qui a encore beaucoup de potentiel. »

Depuis le début des séries, Cabrera est, avec Bernier, le joueur de l’Impact qui a mérité la meilleure note cumulative au bulletin rendu après chaque match par le collègue Patrick Leduc.

Que devra faire l'Impact pour gagner?

« Il a cette capacité à anticiper le jeu et lorsqu’il y ajoute son agressivité, c’est très difficile de le battre, constate Biello. Il est très fort à un contre un, il saute bien, il est à l’aise avec ses pieds. Il amène beaucoup de choses à la défense. Il est toujours contre les meilleurs attaquants adverses et il fait du bon travail. On est très content de son rendement. »

Les joueurs latins et européens prétextent souvent une difficulté à s’adapter au jeu plus physique qui est propre à la MLS pour expliquer une lente transition vers le style nord-américain. Johan Venegas, qui peine à se démarquer depuis qu’il est arrivé du Costa Rica, a soulevé cette réalité en début de semaine.

Cabrera, même s’il est généreusement répertorié à 6 pieds et 160 livres, s’est fondu à son nouvel environnement sans complexe apparent.

« En Argentine, j’étais l’un des plus grands joueurs de mon équipe. Ici, je suis le plus petit! C’est difficile de s’imposer contre un attaquant comme Altidore de Toronto », rigolait, en exagérant un brin, le sympathique barbu.

« Johan m’a parlé de ses difficultés. Moi aussi, j’ai dû m’adapter, mais j’étais déjà un joueur au style plus agressif et j’essaie aussi d’être plus intelligent. Je ne recherche pas les collisions et je tente plutôt d’anticiper le jeu. »

La paire idéale

Frank Klopas n’a pas laissé que du négatif derrière lui en quittant Montréal. Un mois avant son congédiement, après une victoire par jeu blanc contre les Sounders de Seattle, l’entraîneur déchu s’était réjoui d’avoir trouvé la formule gagnante qu’il recherchait en défense centrale après avoir jumelé Cabrera à Laurent Ciman.

« Je trouve que Victor apporte un bel équilibre, avait commenté Klopas. C’est ce qu’on recherchait et on l’a trouvé avec ces deux gars-là à l’arrière. »

Klopas est parti, mais sa paire idéale a été gardée intacte. Cabrera et Ciman ont travaillé ensemble dans sept des dix derniers matchs de l’équipe.

« Je l’ai déjà dit, c’est en jouant ensemble et en créant des automatismes qu’on va être les meilleurs, soulignant Ciman après la plus récente victoire face au Crew de Columbus. Pour l’instant, avec Victor, ça se passe bien. On a joué plusieurs matchs d’affilée ensemble, je commence à le connaître et lui me connaît aussi. C’est sûr que c’est plus facile, même si la langue nous fait encore défaut. »

« Ils sont de bons partenaires, a remarqué le gardien Evan Bush. Laurent aime s’immiscer dans le milieu de terrain avec le ballon tandis que Victor préfère garder le jeu devant lui et faire sa petite affaire en arrière. Il vient de neutraliser coup sur coup des géants comme Altidore et Kamara, des joueurs qui, physiquement, sont bâtis dans le même moule, mais qui ont des styles très différents. Des expériences comme celles-là valent tous les conseils du monde. Son niveau de confiance ne peut être qu’en hausse présentement. »

Cabrera ignore ce que l’avenir lui réserve, mais se dit déjà ouvert à la possibilité de revenir avec l’Impact l’an prochain. Le scénario n’est pas impossible. Son compatriote Andrés Romero a joué ses deux premières saisons à Montréal en tant que joueur « prêté » avant que son transfert permanent ne soit officialisé en janvier dernier.

« J’aimerais ça, dit Cabrera. C’est une bonne ligue ici. Il y a beaucoup de voyages, c’est ce que j’aime moins! Tout dépendra des intentions de River, mais si on me veut ici, j’aimerais revenir. »

« C’est un joueur important pour nous, on est très content de ce qu’il a amené cette année. C’est sûr qu’après la saison, on va regarder ça », conclut Biello.