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RÉSULTATS

« Je suis à ça de pleurer »

Gabrielle Carle - rds.ca
Publié
Mise à jour

Après sept victoires consécutives et seulement deux buts accordés au cours de cette séquence, le moral de l'équipe est à son paroxysme... sportivement, tout va très bien. C'est donc le coeur léger que je me dirige vers le gym en ce lundi matin de juin.

 

« Ursakta, ursakta! »

 

 C'est la manière suédoise de dire « excusez-moi, excusez-moi ». C'est de cette façon qu'une dame m'interpelle alors que je ferme la porte de ma voiture en arrivant au gym. En voyant son air sérieux, j'ai immédiatement l'impression que ce qu'elle s'apprête à me dire contribuera à me faire passer un très mauvais lundi matin. Elle pointe l'arrière de ma voiture. Lorsque mon regard se pose sur ma roue arrière droite complètement crevée, je ne peux m'empêcher de rire. Après quelques semaines sans incident notable, il est presque normal que quelque chose de la sorte se produise. Ce à quoi je ne m'attendais pas, par contre, c'est que la journée ait de mal en pis.Gabrielle Carle

 

Dès les premières secondes de mon trajet vers le gym, j'aurais dû me douter que quelque chose clochait avec la voiture. Un bruit faible, mais définitivement anormal, aurait dû me faire arrêter pour évaluer la situation. J'ai plutôt opté pour une solution qui me semblait plus appropriée pour un lundi matin : j'ai augmenté le volume de la radio.

 

Maintenant que je sais que la source du petit bruit nécessitera l'aide d'un mécanicien (ou d'un bon samaritain sachant changer un pneu), j'appelle la co-détentrice de la voiture, question de lui faire passer un tout aussi bon lundi matin. Evelyne est à l'intérieur du gym, à peine à 50 mètres de moi. Lorsque je lui apprends la nouvelle, elle commence elle aussi à rire, et je comprends assez rapidement que, tout comme moi, elle ne sait pas comment aborder la situation.

Nous prenons donc la décision d'impliquer une troisième personne dans notre petite crise de début de semaine, celle qui semble toujours nous sauver lorsque nous nous retrouvons dans ce genre de situation embêtante, Lovisa, notre directrice sportive. Evelyne lui envoie un message. Vingt minutes plus tard, nous avons le plan d'action suivant en place : nous allons utiliser la pompe qui, selon Lovisa, se trouve dans notre coffre de voiture pour regonfler notre pneu endommagé, puis Evelyne va aller porter la voiture au garage Bilcentrum. Elle va ensuite aller faire notre épicerie pour la semaine, et je vais aller la rejoindre avec son vélo après mon entraînement pour l'aider à transporter les sacs d'épicerie jusqu'à notre appartement.

 

Le regonflement du pneu se déroule sans embuches, et une vingtaine de minutes plus tard, Evelyne m'envoie un message pour me confirmer que la voiture est au garage. À ce moment, je me dis que notre efficacité en temps de crise a connu une forte amélioration depuis la fois où, après un match hors-concours au Danemark, nous avions égaré notre clé d'appartement.

 

Ironiquement, c'est cette pensée qui me fait soudainement réaliser que j'ai laissé cette même clé dans la voiture.

 

Pas du tout dramatique, j'envoie le message suivant à Evelyne :

 

« Panique »

« La clé est dans l'auto »

 

Je réalise que « la clé », ce n'est pas très spécifique, donc j'ajoute :

 

« De la maison »

 

Evelyne me demande si je peux aller au garage chercher la clé, puis elle écrit :

 

« Je suis à ça de pleurer. »

 

Puisque ce revirement de situation est 100 % ma faute et que je n'ai pas envie qu'Evelyne verse des larmes dans l'allée des fruits et légumes, je termine rapidement mon entraînement et je me dirige vers le Bilcentrum.

 

Je suis en mission, je pédale vite. En trois minutes, je me retrouve devant ce que je croyais être l'emplacement du Bilcentrum, mais qui est en fait l'emplacement d'une compagnie de téléphone. Après cinq mois passés dans une ville aussi grande que Victoriaville, il semble que j'aie encore de la difficulté à m'orienter.

 

Je prends deux grandes respirations. Je n'ai pas de données cellulaires et il n'y a pas de réseau WiFi à proximité. Je commence à en avoir assez. Heureusement, je n'ai pas besoin de tourner en rond trop longtemps, parce qu'en scannant mes environs, j'aperçois le Bilcentrum de l'autre côté du boulevard.

 

Vingt minutes plus tard, j'ai récupéré la clé et je suis devant notre complexe d'appartement. Evelyne et tous nos sacs d'épicerie m'attendent sur notre balcon. Nous nous regardons sans dire un mot, toutes deux encore choquées par la série d'événements des deux dernières heures. Ce n'est pas exactement le lundi matin tranquille auquel nous nous attendions en nous réveillant.

 

Je suis sûre que nous en rirons très bientôt, mais pour le moment, Ève et moi n'avons qu'une envie : passer le reste de la journée enfermées dans nos chambres respectives, loin des voitures et des clés.