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Le retour aux sources rêvé de Jamie Knight-Lebel

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MONTRÉAL – C'est une scène qui joue en boucle dans la vie de Jamie Knight-Lebel, mais qui continue de lui soutirer un sourire à chaque fois.

L'histoire nous vient de Jonathan Sirois. Dans une conversation impromptue dans le lobby de l'hôtel où loge l'équipe nationale canadienne, le gardien du CF Montréal raconte que des coéquipiers et lui partageaient un repas plus tôt cette semaine quand Knight-Lebel, la nouvelle recrue de la sélection, s'est interposé sans que personne ne l'ait vu venir dans la langue de Thierry Henry. À la table, la consternation a été totale.

« Tout le monde est pareil, rigole le jeune homme de 19 ans quand on lui partage l'anecdote. Parce que mon accent anglais est très fort, ça surprend beaucoup de gens. Je ne rentre pas dans une salle en annonçant que je parle français. C'est toujours après une journée ou deux, je dis quelque chose et les gens font le saut. »

Écoutez une entrevue du garçon dans son environnement naturel et vous n'y verrez effectivement que du feu. Jamie Knight-Lebel a l'air aussi anglais que la Reine. Il a grandi à Bristol, est passé par l'académie de Southampton et habite présentement à Crewe, au sud de Manchester.

Mais son nom de famille trahit ses origines. Son père, Isaak Pageot-Lebel, est né à La Pocatière et a passé sa jeunesse à Rimouski. Quand son parcours de volleyeur s'est arrêté dans un cul-de-sac, il a quitté l'université pour voyager autour du monde. En Angleterre, il a rencontré celle qui allait devenir sa femme, Sarah. Le couple est revenu au Québec, mais pas avant qu'Isaak ait fait une promesse à sa douce, celle de retraverser un jour l'Atlantique avec elle.

Jamie et sa sœur Emma sont nés à Montréal. Ils ont grandi dans une maison de l'avenue du Parc. Jamie a encore des souvenirs de la maison de ses grands-parents et de sa garderie. Il avait 5 ans quand son père a tenu parole et que la famille a déménagé en Europe. Mais Isaak s'est toujours assuré que ses enfants sachent d'où ils venaient. Il a continué de leur parler dans sa langue maternelle et les a inscrits à temps partiel dans une école francophone.

« J'ai toujours été fier de venir d'ici, nous dit l'aîné de la famille. En Angleterre tout le monde est Anglais. C'était comme cool d'être Canadien, d'être capable de parler français. Je ne veux jamais perdre mon français. [...] C'est juste la fierté. Mon père m'a beaucoup aidé, mais en même temps j'ai travaillé fort pour garder mon français et ma moitié canadienne, québécoise. »

Comme dans FIFA

En s'imprégnant de la culture soccer de son pays d'adoption, Knight-Lebel est devenu un fervent supporter de Tottenham. Dans sa carrière en club, un passage chez les Spurs demeure pour lui l'ultime fantasme.  Mais en équipe nationale, il s'est toujours visualisé avec la feuille d'érable sur la poitrine.

« Dans les journaux, ils parlent beaucoup de l'intérêt du Pays de Galles [le pays de naissance de sa mère, NDLR] pour Jamie et c'est vrai, assure son père. Ils sont à côté de Bristol. Jamie, ça fait des années qu'il joue contre Cardiff. Mais son association, elle n'est pas là. Lui, ça a toujours été clair. Il voulait jouer pour le Canada. »

Jamie Knight-LebelLe rêve s'est réalisé en 2022 quand Knight-Lebel a été appelé à un premier camp avec l'équipe nationale U20 dirigée par Mauro Biello. Il est ensuite revenu avec les Rouges pour le Championnat des moins de 20 ans de la CONCACAF. Pas de blague, ses yeux s'illuminent lorsqu'on aborde le sujet.

« Je jouais à FIFA quand j'étais jeune et je faisais toujours semblant de jouer pour l'équipe nationale du Canada. Les emails que je recevais dans le jeu pour me dire que j'étais sélectionné, c'était pareil dans la vraie vie. En grandissant à Bristol, je savais que c'était possible, mais c'était loin. »

Deux ans plus tard, son nom s'est retrouvé dans la longue liste du nouveau sélectionneur Jesse Marsch, qui s'est donné comme mission depuis son entrée en poste d'élargir le bassin de joueurs à sa disposition dans sa préparation pour la Coupe du monde de 2026.

En famille, on savait Marsch intéressé par la candidature du grand défenseur central, mais on ne s'attendait pas à un appel avant 2025. « Ça a toujours été dans les plans. En fait, j'utilise le mot "plans", mais c'est les rêves, hein! », se corrige le fier paternel.

« Si je continue de bien jouer en Angleterre et de m'améliorer, je pense que j'aurai une bonne chance de rester [dans le projet], se projette Knight Lebel. Maintenant, j'ai dix jours pour essayer d'impressionner le manager. Je vais faire du mieux que je peux parce que jouer à une Coupe du monde, c'est le but ultime, le plus gros but. Pour moi juste d'être impliqué ça serait un rêve, un autre rêve que j'aimerais atteindre. »

Une décision qui rapporte

L'an dernier, Knight-Lebel a touché au plus haut niveau de sa carrière professionnelle. À 18 ans, il a passé la saison à Bristol City en Championship, le deuxième palier du football anglais. Sa feuille de route s'est toutefois principalement écrite à partir du banc. Il est entré dans deux matchs du championnat et dans un match de FA Cup contre Nottingham Forrest. De belles expériences, mais en quantité insuffisante.

Cette année, la décision a été prise de partir en prêt. Son choix s'est arrêté sur Crewe Alexandra, un club de quatrième division. Le maillot est moins prestigieux, mais il a l'occasion de le salir à chaque semaine. C'est exactement ce qu'il recherchait.

Il a joué les 90 minutes dans les sept derniers matchs de son équipe. Celle-ci a réussi à conserver le blanchissage dans cinq d'entre eux.

« En Angleterre, la League 2 est très respectée comme niveau. Je savais que ça ne serait pas facile même si c'est deux ligues plus bas. Ce n'est pas un acquis que je vais jouer. Je dois montrer qu'on peut me faire confiance. »

À Bristol, Knight-Lebel jouait principalement avec les jeunes de la réserve. Pour s'imposer comme titulaire à Crewe, il a dû apprendre à faire sa place contre des hommes. « Chaque équipe de la League 2 a un grand attaquant qu'elle fait entrer en fin de match pour brasser un peu », nous avait confié Isaak Pageot-Lebel. Son fils approuve en nous parlant d'une récente confrontation contre un attaquant de 6 pieds 9 pouces qui joue à Newport County. « Le plus grand dans les quatre principales ligues d'Angleterre! », précise-t-il.

« Je dois faire environ 20 têtes par match, il me semble. C'est un nouveau challenge pour moi, mais c'est ce que j'ai besoin, de me faire brasser un peu et de vivre la pression des matchs de 0-0 ou 1-0, la pression de pas laisser de but. C'est vraiment de ça que j'ai besoin. »

Il sait que Jesse Marsch regarde ses matchs, qu'il l'a à l'œil. C'était le premier objectif. À lui maintenant de faire en sorte que l'entraîneur ne puisse plus le quitter du regard.