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RÉSULTATS

Artur Beterbiev chez les lourds contre Oleksandr Uysk : est-ce réaliste?

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COLLABORATION SPÉCIALE

Il y a quelques jours, le champion unifié des 4 ceintures majeures (WBC, WBA, IBF et WBO) Artur Beterbiev (21-0, 20 K.-O.) a rencontré des représentants des médias en Russie qui étaient nombreux pour lui parler du combat revanche contre Dmitry Bivol (23-1, 12 K.-O), qui aura lieu à Riyad le 22 février prochain.

La conversation a éventuellement bifurqué sur un potentiel combat chez les lourds contre l'actuel champion unifié de trois des quatre titres majeurs (WBC, WBA et WBO) Oleksandr Usyk (22-0, 14 K.-O.), advenant qu'ils soient tous les deux victorieux à leur prochaine sortie.

Usyk affronte Tyson Fury (34-1-1, 24 K.-O.), dans son combat revanche, lui aussi à Riyad la semaine prochaine le 21 décembre. On se souvient que le premier choc s'est terminé par un verdict partagé des juges, toujours en Arabie Saoudite, le 18 mai dernier.

On sait que Beterbiev et Usyk ont été de grands rivaux chez les amateurs. En quart de finale des Jeux olympiques de Londres, en 2012, Usyk a pris la mesure de son rival par le pointage de 17-13. Il devait obtenir deux autres victoires dans le tournoi pour être couronné champion olympique. Dans ce duel, Beterbiev avait tout de même provoqué une chute de l'Ukrainien sur un coup au corps.

Ce combat a eu lieu dans la division des lourds (moins de 200 livres), division dans laquelle le représentant de l'équipe nationale russe a évolué durant ses deux dernières années du côté amateur.

Beterbiev a évolué toute sa carrière professionnelle chez les moins de 175 livres, et Usyk, après avoir dominé les lourds légers (moins de 200 livres) chez les pros, a évolué chez les lourds depuis 2019 lors de ses six dernières présences sur le ring pour devenir champion incontesté de la division. Son poids moyen oscille autour de 220 livres.

Chez les amateurs, il y a eu d'autres engagements entre Beterbiev et Usyk. En quart de finale des championnats du monde en 2011 (Usyk 17-13). En 2007, dans un duel Russie contre Ukraine, c'est Beterbiev qui a le meilleur (12-10) chez les mi-lourds (moins de 178 livres).

Ainsi, en trois combats amateurs, c'est 2-1 en faveur du monarque actuel des lourds.

Beterbiev, bien qu'il comprenne que c'est peut-être de la fantaisie que d'anticiper un combat contre un adversaire provenant d'un pays qui est en guerre contre le sien, ne dirait pas non si l'occasion se présentait. Pas pour l'argent, dit-il, mais pour le défi et parce que ces deux-là ont un historique.

Ce n'est peut-être pas utopique d'imaginer cette possibilité. Usyk va avoir 38 ans le 17 janvier et s'il défait à nouveau Fury, il aura éliminé toute l'élite de la division : Anthony Joshua deux fois, le champion IBF actuel Daniel Dubois et Tyson Fury deux fois.

Il est tout à fait indépendant de fortune. Son dernier combat contre Fury uniquement lui rapportera 115 millions $ US. Pour remonter sur le ring, il aura besoin d'un défi spécial.

Pour Beterbiev, il est également indépendant de fortune, mais ses deux bourses contre Bivol, bien que considérables, n'ont rien à voir à celles des cinq derniers combats de sa contrepartie des lourds.

Artur aura 40 ans le 21 janvier prochain. Avec une autre victoire contre Bivol, il aura lui aussi totalement dominé toute l'élite mondiale des mi-lourds. Une incursion chez les lourds impliquant une bourse de calibre de la division reine serait certainement très attrayante.

Les champions mi-lourds qui ont échoué

Si on regarde dans l'histoire, ils sont nombreux à avoir tenté l'exploit dont plusieurs parmi la crème des champions. Seulement quelques-uns ont réussis.

Voici trois grands champions qui ont essayé, mais n'ont pas réussi à se hisser à la hauteur du défi.

Archie Moore (186-23-10, 132 K.-O.) a été un très grand champion mi-lourd pendant 10 ans, mais a échoué dans ses deux tentatives contre Rocky Marciano en 1955 (K.-O. au 9e) et Floyd Paterson en 1956. (K.-O. au 5e)

Bob Foster (56-8-1, 46 K.-O.) a été champion incontesté des mi-lourds de 1960 à 1970, mais a aussi manqué son coup contre Joe Frazier en 1970 (K.-O. au 2e).

Billy Conn (63-11-1, 15 K.-O.) a également été un important champion mi-lourd, mais ses deux tentatives contre Joe Louis en 1941 et 1946 ont échoué (K.-O. au 13e et au 8e).

Toutes ces défaites ont été subies par K.-O. même si à plusieurs égards et pour plusieurs rounds les aspirants ont quand même connu du succès. Au bout du compte, leur agilité et leur vitesse n'ont pas été en mesure de faire le poids contre la puissance et la pression exercée par les plus gros hommes.

Les champions mi-lourds qui ont réussi

Il n'y en a que quatre boxeurs dans toute l'histoire qui ont réussi l'exploit.

Bob Fitzsimmons (60-8-4, 56 K.-O.) a fait le chemin à l'envers. Il est d'abord devenu champion des lourds en 1897 en battant James J. Corbett (K.-O. au 14e) et est devenu par la suite champion du monde des mi-lourds dans le combat inaugural de la division en 1903 en remportant une décision en 20 rounds sur George Gardner.

C'était une autre époque et les limites des poids étaient très peu définies. On peut difficilement en tirer une conclusion outre celle que Fitzsimmons était un vrai dur!

Michael Spinks (31-1, 21 K.-O.) était le champion du monde invaincu des mi-lourds depuis 1981 quand il a défié Larry Holmes en 1985 pour lui ravir son titre IBF des lourds par décision unanime en 15 rounds. Le médaillé d'or olympique de Montréal en 1976 cédera son trône à Mike Tyson (K.-O. au 1er round) en 1988 à sa dernière sortie en carrière.

Spinks était un maître technicien du ring qui excellait en défensive et en contre-attaque. Il avait 29 ans, au somment de sa forme, au moment de combattre Holmes, près de 36 ans, était sur son déclin.

Michael Moorer (52-4-1, 40 K.-O.) sera le seul gaucher à réussir l'exploit. Champion du monde WBO des mi-lourds en 1989, il remporte le titre vacant des lourds contre Bert Cooper en 1992. (K.-O. technique au 5e). Il subira sa première défaite chez les professionnels en 1994 alors qu'il est détrôné par l'incroyable George Foreman (K.-O. au 10e), qui devient à 45 ans le boxeur le plus âgé de l'histoire à avoir remporté le titre des lourds. 

Moorer était un gaucher habile et un cogneur redoutable. Il a su emporter ces atouts chez les lourds et si sa victoire contre Cooper ne fut pas un grand fait d'armes, celle sur Evander Holyfield deux ans plus tard pour les titres IBF et WBA confirmait sa valeur.

Roy Jones Jr (66-1, 47 K.-O.) a été pendant une dizaine d'années considéré le numéro 1 livre pour livre de sa génération. Un boxeur créatif, non conventionnel qui déroutait ses adversaires. Il avait tout : l'intelligence du ring, la vitesse, les habiletés, la force de frappe et les qualités défensives.

Champion du monde des mi-lourds depuis 1993 quand il s'est attaqué au champion du monde des lourds selon la WBA John Ruiz (44-9-1, 30 K.-O.) en 2003. Le combat ne fut pas serré, Jones remportant la majorité des rounds.

Ruiz n'était pas un géant à 6 pieds 2 pouces, n'était pas excellent dans rien, mais avait énormément de détermination. Contre Jones, il était au-dessus de sa tête.

Qui l'emporte, Beterbiev ou Usyk?

Alors, quand on analyse les forces en présence, il faut admettre que Beterbiev serait le négligé, mais comme il a déjà boxé à 200 livres, il devrait être en mesure de solidifier sa charpente pour ne pas trop concéder de poids à Usyk qui lui-même n'est pas un gros poids lourd.

Malgré les apparences, la plus grande force de Beterbiev sur le ring est sa subtilité à se positionner, à créer des ouvertures et les exploiter. On peut aussi facilement imaginer qu'il serait en mesure de transporter sa force de frappe.

Contre Usyk, il aurait devant lui un génie du ring qui lui aussi est une force de la nature et un technicien hors pair.

Tous les deux ont un désir de vaincre intraitable.

En conclusion, je ne sais pas si on verra ça un jour. Mais en analysant bien le tout, ce serait un duel intriguant et excitant à regarder. Il s'agit juste de voir si son excellence Turki Alalshikh, d'Arabie Saoudite, en aurait de l'intérêt car, au bout du compte, il serait le seul capable de le financer.

Adonis Stevenson contre Deontay Wilder

En boxe, on dit qu'il faut faire attention à ce qu'on désire parce que ça pourrait bien arriver. Mais on dit aussi que souvent une occasion manquée ouvre la voie pour une meilleure.

Voici un combat que n'est pas arrivé, mais qui a bien failli s'organiser en 2017. « Superman » vient de défendre son titre WBC des mi-lourds pour la 8e fois au Centre Bell, le 3 juin, contre Andrzej Fonfara (K.-O. technique au 2e). En compagnie de son gérant Al Haymon, on cherche un combat qui pourrait marquer la carrière du Québécois et faire l'histoire.

Il y a eu de nombreuses tentatives pour unifier contre Sergey Kovalev, mais à ce moment il vient de perdre deux combats contre Andre Ward (32-0, 16 K.-O.) dont le dernier le 17 juin, quelques jours après la récente victoire d'Adonis.

Nous effectuons des démarches pour une unification contre Andre Ward. Nous connaissons très bien son gérant, qui est un ami, James Prince. Il était également le gérant de Chad Dawson quand il a été terrassé en 76 secondes contre Stevenson. Il a de l'intérêt et les négociations vont bon train.

Ultimement, on apprend que Ward, médaillé d'or olympique d'Athènes en 2004, ainsi que champion unifié des super moyens et des mi-lourds, décide d'accrocher ses gants pour de bon.

À cette époque, Deontay Wilder (43-4-1, 42 K.-O.) est le champion WBC des lourds et vient juste de battre Gerald Washington, sa 5e défense et son 37e K.-O. en 38 sorties. Wilder, même s'il mesure 6 pieds 7 pouces, peut facilement descendre à 210 livres selon son gérant, qui est aussi celui de Stevenson, Al Haymon.

Pour confirmer les dires de Haymon, l'année suivante, en 2018, l'Américain boxera à 214 livres contre Luis Ortiz, et à 212 contre Tyson Fury.

C'est certain que Stevenson ne serait pas le favori, mais il est gaucher et sa main arrière est l'une des plus puissante de toute l'histoire des mi-lourds. Son entraineur, l'excellent Sugar Hill Stewart, aime bien le défi. Wilder et l'un des plus puissants cogneurs de l'histoire des poids lourds, mais c'est également le moins bon technicien et avec une stratégie appropriée rien n'était impossible. L'occasion était fascinante.

Stewart sera par ailleurs l'architecte derrière la stratégie de Tyson Fury, qui a passé le K.-O. à Wilder à deux reprises quelques années plus tard.

Finalement c'est Adonis Stevenson lui-même, après analyse, qui décide que ce n'est pas une bonne idée. À son meilleur, il aurait pu boxer à 168 chez les super-moyens et il ne croyait pas être en mesure de prendre assez de poids pour combler le déficit de la taille de Wilder.

Je me souviens d'avoir été déçu de sa décision; j'entrevoyais une belle opportunité qu'Adonis fasse l'histoire peu importe le résultat. Je me disais qu'il ne pouvait pas faire pire que tous ceux qui avaient manqué leur coup avant lui, mais au bout du compte, on respectait sa décision.

L'année suivante, Adonis a failli perdre la vie à la suite de sa défaite pas K.-O. au 11e round contre Oleksandr Gvozdyk au Centre Vidéotron. Après des semaines dans le coma et des mois de réhabilitation, il va bien et profite bien de la vie.

À la lumière de ce grave incident, à ce jour, je remercie encore le ciel que ce combat contre Wilder n'ait jamais été organisé!