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La fin d'une grande époque pour la boxe québécoise

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Certains diront que cette époque était révolue depuis plus d'une décennie déjà – et ils n'ont pas totalement tort –, mais la dernière défaite de Jean Pascal contre Michał Cieślak et sa possible retraite clôt officiellement le dernier chapitre de l'âge d'or de la boxe québécoise.

Une période pendant laquelle Montréal et Québec sont devenus des plaques tournantes du pugilat mondial, le Centre Bell, le Colisée Pepsi et le Centre Vidéotron par la suite accueillant pratiquement tous les trois mois certaines des plus grandes vedettes du sport.

Un âge d'or rendu possible grâce à des pionniers comme Otis Grant, Éric Lucas et Joachim Alcine et qui a connu son apogée lorsque Lucian Bute et Pascal se sont affrontés le 18 janvier 2014 devant 20 479 spectateurs au Centre Bell. Les choses n'ont cependant plus jamais été les mêmes ensuite, même si la boxe québécoise a produit son lot de champions.

Alors qu'il était devenu évident que Pascal n'avait plus ce qu'il fallait pour s'imposer face aux membres de l'élite, sa présence dans le paysage sportif était à l'image de ces textes publiés chaque printemps et chaque automne qui nous rappelaient le nombre d'anciennes gloires des Expos de Montréal ou encore des Nordiques de Québec toujours en activité.

Le lien était peut-être ténu, mais la participation de Pascal à un gala parvenait à générer un semblant d'engouement auprès du grand public, qui se demande parfois s'il y a encore des combats d'envergure présentés au Québec. Cela dit, Pascal s'était considérablement assagi ces dernières années et ses coups d'éclat étaient devenus pratiquement inexistants.

Qui ne se souvient pas de la dent de requin qu'il avait exposé avant son premier duel contre Adrian « The Shark » Diaconu? Des pâtes italiennes à la sauce « sanglante » qu'il avait promis de cuisiner avant d'affronter Silvio Branco? Des « Are you willing to take the test? » lancés à Bernard Hopkins? Du ruban adhésif en forme de « X » sur sa bouche pour le dernier face-à-face avant de croiser le fer avec Bute? Des bananes qu'il a offertes à Sergey Kovalev en pleine conférence de presse avant leur second affrontement? Et j'en oublie sûrement...

Il faut dire qu'il y avait une grande soif pour ce type de contenu à cette époque et l'arrivée d'une deuxième chaîne sportive spécialisée au Québec au début des années 2010 a donné de l'oxygène à certains de ces débordements. Il était presque question quotidiennement du noble art dans les médias locaux et il fallait nourrir la bête d'une certaine manière... Et plus important encore, se distinguer d'un Bute qui jouissait d'un fabuleux capital de sympathie.

Ce côté (Monsieur) showbiz de Pascal a malheureusement trop souvent fait ombrage à ses exploits sur le ring, qui ont été nombreux. Plus d'une fois, il a remporté des combats après que son corps l'eut abandonné en chemin – contre Diaconu et Aleksy Kuziemsky entre autres –, mais il a surtout signé l'une des plus grandes victoires de son époque en battant Chad Dawson par décision technique en août 2010 au Centre Bell, alors que l'Américain était considéré comme l'un des meilleurs « livre pour livre » de la planète à ce moment-là.

Cette victoire a entraîné des répercussions extrêmement positives sur plusieurs intervenants de l'industrie locale, à commencer par son ancien entraîneur Marc Ramsay. Leur chemin s'est séparé depuis, mais Ramsay a continué à former des champions à un rythme impressionnant depuis une dizaine d'années : David Lemieux, Artur Beterbiev, Eleider Álvarez, Óscar Rivas et plus récemment Christian Mbilli. Et ce n'est pas terminé.

Tout cet écosystème a également permis à des officiels québécois de gagner leurs galons et d'œuvrer dans des combats d'importance avant de le faire maintenant régulièrement sur la scène internationale. Un arbitre comme Michael Griffin et des juges comme Benoît Roussel et Richard Blouin ont tous commencé ici et jouissent d'une notoriété fort enviable.

Et c'est probablement cela le grand héritage laissé par Pascal : celui d'avoir permis à la boxe québécoise de connaître son heure de gloire. En l'espace d'environ cinq ans, Dawson, Bernard Hopkins – deux fois plutôt qu'une! – et Kovalev – deux fois aussi – sont débarqués dans la Belle Province et ont permis de créer des souvenirs qui resteront gravés à jamais. Il est possible d'arguer qu'il aurait pu en produire plusieurs autres en acceptant d'affronter Adonis Stevenson et c'est effectivement l'une des grandes occasions ratées de sa carrière.

Certains aimeraient croire qu'il ne faut qu'une étincelle pour relancer l'engouement de la boxe au Québec, mais le contexte a trop changé pour que cela soit possible, le sport étant maintenant contrôlé par une poignée d'entités qui ont d'autres chats à fouetter. Mais est-ce fondamentalement bien grave? Ç'a été une grande époque et il faut simplement la célébrer.