Je dois m’avouer agréablement surpris de la rapidité avec laquelle Jean Pascal s’est attelé à la tâche en gymnase dans les semaines suivant son revers face à Sergey Kovalev en mars dernier, à Montréal. Il donne l’impression de s’être remis sur pied et d’avoir retrouvé une confiance entière en ses moyens. Ce processus avait pris plus de temps lorsqu’il avait subi la défaite face au vétéran Bernard Hopkins, plus tôt dans sa carrière.

Pascal a repris le collier et n’a pas eu besoin qu’on lui tienne la main, et c’est ce qui me fournit l’indication qu’il est conscient des enjeux relatifs à son combat de samedi, le premier de sa carrière disputé à Las Vegas, face au Cubain Yunieski Gonzalez.

Bien franchement, Jean a beaucoup à perdre dans cette confrontation. La réaction du public advenant une victoire serait qu’il s’agit là d’un résultat normal, puisqu’il fait partie de l’élite des poids mi-lourds depuis un bon moment. Une défaite, cependant, serait tout à fait néfaste pour la suite de sa carrière de boxeur. Ce serait là un recul extrêmement important par rapport aux autres boxeurs de premier plan de la division.

On ne peut pas prétendre que la bourse est un incitatif de premier ordre pour Pascal. La rémunération qu’on lui destine pour faire la demi-finale de cette soirée – dont le combat principal sera celui entre Kovalev et le Français Nadjib Mohammedi – est somme toute très modeste. Il s’y rend pour démontrer qu’il est un combattant actif et, dans une certaine mesure, pour conserver le respect de ses pairs.

Parce que disons-le, Jean n’avait aucune obligation stipulant qu’un affrontement avec un boxeur comme Gonzalez (16-0-0, 12 K.O.), un adversaire qui est loin du statut de faire-valoir, était un prérequis à un combat revanche face à Krusher. Ce dossier-là est sensiblement réglé avec HBO, puisque le réseau entend diffuser à court ou moyen terme un deuxième chapitre de la bataille Pascal-Kovalev. Mais au fond de lui-même, Pascal souhaitait ardemment faire la preuve hors de toute doute que cette revanche est méritée, et qu’il n’y a aucune raison pour le camp Kovalev de le faire uniquement par « charité » à son endroit.

 Il n’a pas emprunté la voie facile, et pour cela, il mérite notre soutien et notre respect. C’est pour cela que je surveillerai avec beaucoup d’intérêt le dénouement du gala de samedi.

Pas le premier venu

Nombreux sont ceux qui n’en connaissent que très peu sur Yunieski Gonzalez, un produit cubain qui a boxé régulièrement en sol américain au cours des dernières années, mais qui n’a jamais été représenté par une grosse association. Son clan avait communiqué avec nous pour que nous évaluions la possibilité de faire des affaires, mais ça ne s’était pas concrétisé. Certains le perçoivent encore comme un prospect de la division, mais à 30 ans, il a seulement deux ans de moins au compteur que Pascal.

Il possède une base de boxe extrêmement bien enracinée, mais n’a pas encore fait ses preuves pour ainsi dire. Je considère qu’il lui manque un attribut particulier afin qu’on le catégorise comme un réel prétendant à une couronne. On dit de Pascal que son explosion le rend spécial. Chez Adonis Stevenson, c’est la puissance qui saute aux yeux, au même titre que la grande force physique d’Artur Beterbiev et la superbe technique d’Eleider Alvarez sont évidentes à l’œil averti d’un observateur. À défaut de posséder cet ingrédient spécial pour le définir, Gonzalez est un boxeur assez complet qui ne commet pas beaucoup d’erreurs. Certains diront de lui qu’il est lent, mais il compense par une préparation efficace et un bon dosage de ses énergies. Le combat est prévu pour 10 rounds, et j’ai l’impression qu’il pourra demeurer intense tout du long.

Bref, en termes d’habiletés et d’expérience sur le ring, Pascal est supérieur à son adversaire. S’il n’en tenait qu’à cela, il ne ferait à peu près aucun doute que Jean en sortira vainqueur. On sait toutefois que la boxe renferme son lot d’impondérables. Il arrive que la préparation, physique ou mentale, ne soit pas adéquate, par exemple. Je suis persuadé que Gonzalez n’a aucunement le sentiment d’être négligé dans ce combat, et qu’il va monter dans l’arène avec la ferme intention de prouver que nous avons tort de ne pas le considérer comme un aspirant de haut calibre.

Je garde un vif souvenir de la confiance inébranlable qui habitait Jean Pascal lors de la défense de son titre face à Chad Dawson, en août 2010. Qu’on le veuille ou non, on est loin du même boxeur débordant de confiance à l’approche de ce combat. Y aura-t-il certaines inquiétudes et appréhensions, tant de lui-même que de son entourage? C’est fort possible. Mais il possède assez de guts, assez de détermination, pour réussir son retour après les moments plus difficiles vécus ces derniers mois.

Quant au combat Kovalev-Mohammedi, la victoire n’est qu’une formalité pour le Russe. Cet affrontement lui permet tout simplement de demeurer actif. Les preneurs au livre à Vegas l’ont établi favori à une cote oscillant autour de 40 contre 1… C’est tout dire. J’ai rarement vu ça, surtout qu’on fait bien attention depuis que Buster Douglas a battu Mike Tyson, en 1990, alors qu’il était négligé à 48 pour 1. Personne ne concède la moindre chance de victoire à Mohammedi. Le réseau HBO est chanceux de pouvoir compter sur Pascal en demi-finale, puisque son combat sera beaucoup plus significatif.

Même dans ses commentaires d’avant-combat, Kovalev se permet de regarder vers l’avant et de discuter d’Adonis Stevenson, Andre Ward et Pascal. Ce qu’on retient, c’est qu’il témoigne de la même volonté que Wladimir Klitschko de conserver ses titres. Pour lui, les ceintures ont une valeur incommensurable, et il est prêt à affronter qui voudra bien se dresser sur son chemin pour les garder en sa possession.  

Et la suite?

Supposons que Pascal l’emporte en fin de semaine, quelle sera la stratégie de Kathy Duva et de Main Event Promotions par la suite? À mon humble avis, le combat revanche ne sera pas prioritaire parmi leurs dossiers. Pour vous donner une image, je vois cela comme une carte que le clan Kovalev a dans son tiroir, et qu’il peut ressortir au moment qui lui conviendra. Est-ce que ce sera à l’automne ou après les Fêtes? Avant de se rabattre sur cette option, Duva cherchera fort à faire un coup d’éclat. Ward est un nom à garder en tête.

Si on ne parvient pas à s’entendre avec un boxeur de renommée, un combat présenté en Russie et diffusé en Amérique du Nord par HBO n’est pas à rayer de la carte pour Kovalev. Ce sera à surveiller attentivement!

* Propos recueillis par Maxime Desroches