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RÉSULTATS

Wardley s'inscrit dans la liste des gagnants in extremis

Fabio Wardley - Getty
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COLLABORATION SPÉCIALE 

Samedi dernier le poids lourd anglais Fabio Wardley (19-0-1, 18 K.-O.) a remporté le titre vacant Intérimaire de la WBA chez les poids lourds par K.-O. au dixième round contre l'Australien Justis Huni (12-1-0, 7 K.-O.), devant 20 000 spectateurs frénétiques au Portman Road Football Ground à Ipswich. (vous pouvez voi le K.-O. ici)

Après 9 rounds complétés, le favori de la foule recevait une leçon de boxe comme en font foi les pointages de 2 x 89-82 et 88-83 pour l'Ozzie.

L'adage qu'en boxe tout peut changer d'un seul coup de poing s'est vérifié dans ce samedi soir pluvieux de la Grande-Bretagne au grand dam du promoteur Eddie Hearn qui voit ainsi sa série d'insuccès se poursuivre contre son adversaire Frank Warren.

Cette main droite assénée sans avertissement au moment où Huni attaquait a fait bondir les supporteurs du favori local qui n'avaient jamais perdu espoir malgré le froid et la pluie dans cette enceinte à ciel ouvert.

Par ce seul coup d'assommoir, le destin de ces deux jeunes boxeurs de 30 (Wardley) et 26 (Huni) ans est complètement bouleversé.

Pour le Britannique, il va se sentir invulnérable et sera vénéré plus que jamais par son public encore plus nombreux. Cependant pour ceux qui dirigent sa carrière, on va être extrêmement prudents, dans le futur, sur les habiletés des prochains adversaires en attendant de toucher le gros lot contre un Usyk, Joshua ou Fury.

Pour le perdant c'est un recul très important. Même s'il le réclame, il n'aura pas de combat revanche, trop risqué pour son tombeur. Il aura besoin de plusieurs combats pour se refaire une confiance et convaincre l'industrie de lui donner sa chance à nouveau.

Dans les instants suivant ce combat, j'ai immédiatement pensé à deux boxeurs de chez nous qui ont vécu cette situation.

Arturo Gatti contre Wilson Rodriguez

Le premier est Arturo Gatti au MSG de New York en 1995 alors qu'il défendait pour la première fois son titre IBF des super plumes qu'il venait d'arracher à Tracy Harris Paterson trois mois plus tôt, contre le Dominicain Wilson Rodriguez.

La défense devait être une formalité pour le Québécois, mais il est allé au tapis au deuxième, a perdu un point pour coup bas au cinquième. Après le cinquième, il a l'œil droit presque totalement obturé qui exige une visite du médecin dans son coin. 

Ça va mal, je suis dans le studio de RDS à analyser le combat pendant que Jean Paul décrit l'action d'une voix misérable. Après 5 rounds, les pointages sont sans équivoque pour deux juges 45-48 pour l'aspirant tandis que l'autre juge a Gatti en avance 47-46. Ce dernier manque un bon combat comme JP disait.

Au sixième, Gatti désespéré lance des bombes jusqu'à ce qu'un crochet de gauche, son coup signature, explose sur la tempe de Rodriguez qui s'écrase inerte au tapis. D'un bon, JP et moi on se lève sans réaliser qu'au même moment nos micros et écouteurs se décrochent momentanément.

Rodriguez reste au sol durant plus d'une minute, ça nous refroidit un brin, mais quand il se lève on ne peut s'empêcher de jubiler et d'admirer celui qui vient de nous faire vivre ces émotions fortes.

Stéphane Ouellet contre Dave Hilton fils

Le second souvenir qui me revient est le premier affrontement entre Stéphane Ouellet et Davey Hilton fils au Centre Molson, le 27 novembre 1998. Je suis dans le coin de notre Jonquièrois comme assistant à Stéphan Larouche. 

C'est ce soir-là qu'une polémique est survenue alors que le criminel Maurice « Mom » Boucher, tout juste libéré de prison, s'installe dans la section du parterre réservée par le propriétaire du club de boxe champion George Cherry. 

Au moment où il prend place, la foule s'anime, crie et applaudit chaleureusement. L'histoire rapportera que Boucher avait été reçu, par le public sur place, comme une espèce de Rock Star, une célébrité, mais c'est tout faux.

La vérité est que peu de gens avaient remarqué son arrivée, mais au même moment, sur les écrans géants du Jumbotron de l'amphithéâtre on y présente Stéphane Ouellet dans le vestiaire qui se prépare pour son épique duel, de là les cris et les applaudissements et la méprise de nombreux médias.

Pour revenir au combat, je relisais les reportages de Robert Duguay, Michel Blanchard, Ronald King et Teddy Atlas pour bien me remettre dans le bain.

Stéphane Ouellet et Dave Hilton ont livré un combat endiablé pendant 12 rounds. Hilton, par ses explosions vives, avait cassé le nez du favori de la foule, mais ce dernier plus actif imposait un rythme d'enfer que Hilton peinait à suivre.

Selon les statistiques d'ESPN, qui télédiffusait l'événement, Ouellet avait lancé 697 coups après 11 rounds contre 326 pour Hilton.

Toujours après 11 rounds, le juge de télé, Teddy Atlas a Ouellet en avance 108-101. Les trois juges attitrés au combat ont aussi Ouellet gagnant à 107-102, et 2 x 106-103. En fait toute la salle voit Stéphane en avance et sur le point de l'emporter. Hilton lui-même confiera à Ronald King qu'il se savait en arrière avant le dernier round. 

Comme Michel Blanchard le rapporte, le 12e round est tout à l'avantage de Ouellet jusqu'à un crochet à la Hilton, à 16 secondes de la fin du combat et le reste est de l'histoire!

Un coup de poing, à la boxe, un seul et des destins sont changés.

Vasyl Lomachenko à la retraite

Cette annonce a été publiée à RDS et je ne m'attarderai pas sur ses statistiques, mais je veux souligner un peu plus sa signature dans le monde de la boxe.

La première fois j'ai porté attention à lui, c'était au printemps 2013. Bernard barré avait pris l'habitude, après chaque cycle olympique, de me présenter une liste des dix meilleurs espoirs disponibles. Je la consultais un peu distraitement de temps en temps quand nous étions sollicités par un boxeur ou son agent.

Un jour, Adam Harris m'appelle pour me demander si j'étais intéressé à accueillir Artur Beterbiev.

Je consulte alors la liste de Bernard pour voir le nom de Beterbiev au deuxième rang, immédiatement sous le nom de Lomachenko.

Bernard avait vraiment vu juste à en juger par les carrières exceptionnelles de ces deux surdoués. 

Lomachenko avait un objectif très précis en passant chez les pros, il voulait, à son deuxième combat seulement, combattre en championnat du monde. Il était prêt à signer avec le promoteur qui pouvait lui garantir. 

Il en a rencontré plusieurs, en Europe et aux États-Unis, et c'est Bob Arum qui s'en est engagé. 

C'est ainsi qu'à sa deuxième sortie, il combattait en championnat WBO vacant des plumes contre le vétéran de 55 combats Orlando Salido. L'Ukrainien a subi une défaite par décision partagée. Salido ne devient pas champion puisqu'il est trop lourd de 2 livres.

Arum n'a pas perdu de temps et dès le combat suivant, à son troisième combat, Loma combat à nouveau pour le championnat du monde WBO, resté vacant, contre l'Américain Gary Allen Russell Jr. Cette fois-ci c'est la victoire.

Il devient donc champion du monde avec une fiche de 2-1-0, 1 K.-O.

Mais au-delà des statistiques celui qu'on a surnommé Hi-Tech ou Matrix a apporté un style unique et inédit. Il n'était pas le plus grand cogneur, mais par son intelligence supérieure, son jeu de pied exceptionnel, sa vision et sa créativité incomparables de même que ses réflexes et son anticipation ont fait de lui l'un des boxeurs les plus complets de l'histoire de la boxe professionnelle. 

En 23 combats de boxe professionnelle, il a livré 19 combats de championnat du monde chez les plumes, les super plumes et les légers.

À 5'7'' le gaucher n'était pas très grand, il aurait facilement pu combattre toute sa carrière chez les plumes et il aurait été intouchable. Il a dû monter de division et concéder taille, force et portée à ses adversaires, mais c'était la seule façon de relever des défis. 

Durant ses règnes chez les plumes et super plumes, alors qu'il était au sommet de ses habiletés, il ne l'emportait pas en assommant ses adversaires, mais en les décourageant totalement tellement ces derniers n'étaient pas capables de comprendre ce qui leur arrivait.

De plus, il n'a jamais été arrogant et ne souffrait pas d'égo démesuré. Il était facile d'approche, charmant et toujours souriant. 

On a eu l'occasion de le côtoyer durant une semaine complète à Québec à l'hôtel Bonne Entente où on logeait tous pour le combat Adonis Stevenson contre Oleksandr Gvozdyk. La tempête de neige l'avait obligé à passer quelques jours supplémentaires dans la belle ville de Québec et il ne s'en est jamais plaint. 

On sentait également qu'il compatissait authentiquement avec nous pour Adonis dans le coma.

J'ai réellement adoré et je me considère privilégié d'avoir décrit les combats de Loma. Chaque fois j'avais hâte et j'étais excité de le voir en action, peu importe l'adversaire parce que je savais que je serais émerveillé par son savoir-faire et je n'ai jamais été déçu. 

La guerre en Ukraine a beaucoup joué sur son moral les dernières années. Il avait perdu le plaisir de s'entraîner ainsi que ce sentiment de bonheur et la sensation des valeurs de performer sur un ring.

À la semaine prochaine!
 
Bonne boxe!