MONTRÉAL – La place venait tout juste d’être réchauffée par Steve Bossé. À défaut de pouvoir lui offrir un combat, l’UFC avait au moins réservé une tribune à son nouvel espoir québécois, question qu’il puisse raconter dans le détail la semaine de fou qu’il était en train de vivre.

Puis celui que tout le monde attendait est arrivé. Son sourire s’est fait désirer, un peu comme le soleil qui se cachait derrière les nuages qui survolaient au même moment le Vieux-Port, mais son franc-parler et son sens de l’humour naïf avaient fait le voyage. Il a pris place et, comme partout où il passe, l’attention collective s’est dirigée vers lui.

On pouvait arrêter de spéculer. « Rampage » était en ville.

L’arrivée de Quinton Jackson à Montréal a mis fin à une saga qui aura duré deux semaines au cours desquelles sa place sur la carte de l’UFC 186 aura été remise en doute, puis annulée avant de finalement être reconfirmée. Et encore! Quand il est finalement apparu devant les médias, jeudi, la menace d’un recours juridique de dernière minute intenté par son ancien employeur, l’organisation concurrente Bellator, planait toujours.

« Il ne répondra pas à cette question », a brusquement interrompu une porte-parole de l’UFC lorsqu’on a fait savoir à Jackson que Bossé, son remplaçant potentiel, avait reçu l’ordre de poursuivre sa préparation jusqu’à la soirée du combat, juste au cas. Mais environ une heure plus tard, une information obtenue par le journaliste Ariel Helwani rendait futile cette absurde tentative de contrôle de l’information. Les avocats du vieux loup avaient eu gain de cause et son combat prévu contre Fabio Maldonado aurait finalement lieu.

« De mémoire, je n’ai jamais rien vu de tel », a répondu l’ancien champion des mi-lourds lorsqu’on lui a demandé s’il avait déjà vécu une situation aussi étrange en préparation pour un combat. « J’ai l’impression d’avoir dû me battre simplement pour être ici. Et ça a été un combat très difficile, mais le fait de savoir qu’on m’a donné raison me donne un regain d’énergie. Je suis ici, enfin! »

Jadis l’un des visages les plus populaires de l’UFC, Jackson a disputé ses trois derniers combats pour le compte de Bellator, qui l’avait mis sous contrat à l’été 2013. Mais l’hiver dernier, mécontent de sa situation contractuelle, il a décidé de revenir sur ses pas. Scott Coker, le grand patron de Bellator, l’a accusé de partir avant d’avoir rempli ses obligations et a tenté de l’empêcher de combattre à Montréal. Le litige s’est prolongé jusqu’à la onzième heure.

« Ma préparation a été stressante, ardue », admet celui qui a perdu les trois derniers combats de son séjour précédent à l’UFC. « C’était parfois difficile de garder ma concentration quand je devais passer mon temps au téléphone avec mes avocats. Mais je n’ai jamais arrêté de m’entraîner comme si j’allais me battre. Mes entraîneurs ne m’auraient jamais laissé lever le pied. »

L’incertitude a toutefois enlevé le goût à Jackson de surveiller sa ligne. Son combat contre Maldonado aura lieu, c’est vrai, mais avec un petit changement au programme. Les deux rivaux se sont entendus pour ne pas avoir à respecter la limite de 205 livres imposée aux compétiteurs inscrits dans la division des mi-lourds. Un compromis a plutôt été établi à 215 livres.

« Je suis convaincu que ça l’a dérangé quand il a entendu dire que je ne pourrais peut-être pas ici. Moi, en tout cas, je sais que ça m’a dérangé. Alors je crois que cette entente est juste pour chacun de nous », justifiait « Rampage ».

Maldonado avait fait ses devoirs

À l’autre bout de la pièce, Maldonado ne faisait qu’acte de présence, ou presque. Beaucoup moins sollicité que son adversaire, le Brésilien était de belle humeur. Toute l’ambiguïté entourant son prochain combat n’avait pas affecté son moral.

« Ça m’a dérangé un peu quand j’ai été mis au courant du changement, c’est normal. Mais les vrais gladiateurs ne choisissent pas leurs adversaires », a philosophé le vétéran de 35 ans par l’entremise d’un interprète.

La fin de la saga

Maldonado n’avait évidemment jamais entendu parler de Steve Bossé avant que le nom du dur à cuire québécois n’apparaisse sur l’écran de son cellulaire pour lui signifier le changement au programme. Mais en 2015, l’anonymat n’existe plus.

« Je me suis rapidement mis à la recherche de tout ce qu’on pouvait trouver à son sujet. J’ai d’abord regardé son combat contre Houston Alexander, mais je ne me suis pas arrêté là. J’ai même étudié ses batailles au hockey! », s’est-il exclamé, visiblement fier de sa trouvaille.

Et les exploits pugilistiques du « Boss » n’étaient pas le premier contact de Maldonado avec notre sport national! À travers un flot incompréhensible de portugais, il prononce soudainement le nom de Patrick Côté. « En 2009, il avait regardé plusieurs de ses combats », traduit un peu vaguement son complice sans réaliser qu’il y avait erreur sur la personne.

« C’est un sport complètement fou et vous avez l’air d’en raffoler! », a pu constater le studieux Brésilien.

Maldonado, qui a gagné quatre de ses cinq derniers combats, peut maintenant se concentrer exclusivement sur son adversaire initial.

« Je ne veux pas manquer de respect à Bossé. Il a une bonne fiche, beaucoup de K.-O. et connaîtra probablement une belle carrière dans l’UFC. Mais c’est évident que ‘Rampage’ est un plus gros nom et un adversaire plus attrayant pour moi », approuve le détenteur d’une fiche de 22-7.