MONTRÉAL – Il y a presque trois ans déjà, Valérie Létourneau respirait l’air raréfié du point culminant de l’UFC. Avec trois victoires consécutives dans ses valises, elle s’envolait pour l’Australie afin d’affronter l’invincible Joanna Jedrzejczyk. 

 

Létourneau avait poussé la championne – et ses propres forces – à la limite. Jamais elle n’avait été si près du but pourchassé par tous les athlètes de son calibre. Mais malgré ses plus vaillants efforts, elle avait été renvoyée au pied de la montagne.

 

Ce genre d’opportunité se présente rarement plus d’une fois dans une carrière, mais à 35 ans, un nouveau sommet est maintenant à sa portée.

 

Aujourd’hui active sous la bannière de l’organisation Bellator, la pionnière québécoise se retrouve de nouveau dans le siège de l’aspirante numéro un. Sa plus récente victoire, obtenue le 29 juin dernier, a fait tomber les derniers dominos qui la séparaient de la championne Ilima-Lei MacFarlane.

 

Au micro, avant de quitter la cage, elle a imploré ses patrons de lui laisser sa chance. Les larmes qu’elle tentait tant bien que mal de retenir n’avaient alors rien à voir avec une quelconque appréhension face à la réponse qu’elle allait obtenir. Elle avait le goût de pleurer parce qu’elle était soulagée.

 

Soulagée de savoir qu’elle pouvait continuer d’avancer.

 

« Au point où j’en suis en ce moment, je peux être à un combat de la retraite comme à un combat d’un combat de championnat, expose celle qui se bat professionnellement depuis 2007. C’est vraiment bizarre comme feeling. Je veux tout donner quand je vais là parce que ça se peut que ça soit mon dernier combat. Je ne veux pas que ça soit mon dernier, mais en même temps je n’ai plus d’espace pour reculer et remonter les échelons. C’est comme mon dernier souffle. »

 

Ce n’est pas d’hier que Létourneau pense à la retraite. En 2016, avant d’affronter la Brésilienne Viviane Pereira à l’UFC, elle avait soulevé la possibilité de tirer sa révérence en cas de défaite. « Je suis consciente que si je perds, je vais probablement devoir passer à autre chose », avait-elle laissé tomber lors d’une entrevue avec RDS.

 

Quelques jours plus tard, Létourneau s’était inclinée pour la troisième fois de suite. Le recul semblait insurmontable à l’époque, mais l’arrivée de Bellator dans le portrait lui a procuré une page blanche sur laquelle elle avait soudainement la chance d’esquisser la conclusion dont elle rêvait.

 

Depuis, Létourneau s’efforce de rester en équilibre sur la mince ligne qui sépare la gloire de la résignation. Chaque camp d’entraînement s’amorce par la signature d’un pacte avec elle-même, un contrat mental sur lequel les enjeux sont bien définis. Une victoire, c’est un pas de plus vers la matérialisation de cet objectif qu’elle vise depuis 11 ans. Une défaite et c’est la fin, la vraie.

 

« Jusqu’à maintenant, c’est une grosse motivation parce que je me dis : ‘C’est pas vrai que cette personne-là va m’arrêter, je ne suis pas prête’. Si je sens que mon corps ne répond pas bien, je m’entraîne encore plus fort et je pousse, je prends tous les outils que j’ai pour arriver au point où je veux arriver et être confiante. C’est sûr qu’il y a des bouts où je suis émotive, où je fais juste m’imaginer que c’est peut-être mon dernier camp d’entraînement. C’est plus ça des fois que je trouve lourd. Mais je ne suis pas prête à accepter ça encore. Ça va venir, mais je ne suis pas rendue là. »

 

À chaque combattant sa sortie. Certains quittent à contrecœur, trahis par un corps qui a trop encaissé. D’autres planifient stratégiquement les derniers détours de leur parcours. Létourneau se trouve quelque part entre les deux.

 

« Je vais continuer tant que je vais gagner! Je pensais que je serais vieille à 35 ans, mais je suis encore capable. Mon but, c’est d’aller chercher la ceinture. Si je la gagne, je vais la défendre. Mais je ne vais pas me battre juste pour me battre. Si je perds la ceinture, ou si je ne réussis pas à la gagner, je n’ai pas assez de temps pour reprendre un autre défi. Je n’ai plus ce jeu-là. »

 

En vacances à Montréal pour une partie de l’été, Létourneau retournera dans quelques semaines à Coconut Creek, en Floride, où elle s’entraîne depuis cinq ans avec l’American Top Team. Ses patrons lui ont dit de se tenir prête pour le mois de novembre, peut-être décembre. Si tout se déroule comme prévu, elle s’envolera alors à Hawaii pour défier la championne sur ses terres.

 

Dans ses rêves les plus fous, elle se voit rentrer sur le continent avec une ceinture à la taille et planifier sa première défense au Québec.

 

« Oh my God, ça serait le meilleur des mondes. Pour défendre ma ceinture, je ne pourrais demander meilleur scénario. C’est sûr que je vais pousser fort là-dessus », entrevoit-elle.