Après avoir perdu une partie de ses fans au cours des deux dernières décennies, particulièrement ceux qui sont moins passionnés par la discipline, la Formule 1 semble en voie de ramener au bercail bon nombre d'entre eux.

 

Au coeur de l'un des Championnats les plus passionnants au cours du dernier quart de siècle, de nombreux signaux positifs sont perceptibles sur le radar. Chose certaine, depuis l'arrivée de Liberty Media comme promoteur de la discipline, la F1 s'est mise au goût du jour et étape par étape, elle retrouve non seulement son lustre, mais elle peut rêver à un nouvel essor qui semblait illusoire il y a quelques années à peine.

 

Ils étaient nombreux à ne pas croire que la société américaine de médias de masse pouvait faire aussi bien pour la Formule 1, en aussi peu de temps, surtout, à l'origine, avec un Américain à sa direction. Chase Carey aura pourtant gagné son grand pari : celui de rehausser la valeur commerciale de la discipline reine du sport automobile en lui redonnant ses lettres de noblesse! Avec patience, créativité et ouverture d'esprit, avec le respect de l'histoire et des racines européennes profondes de la F1 mais aussi avec la fermeté et la conviction d'imposer ses idées modernes, Carey aura réussi le grand tour de force de rallier tous les intervenants importants vers son objectif principal.
 

Ce n'était pas qu'une mince affaire! Bernie Ecclestone avait appliqué pendant plusieurs années le principe de « diviser pour mieux régner » et le fait d'avoir signé des ententes individuelles avec chacune des écuries a fini par créer non pas un, mais une multitude de gouffres entre elles. Bernie avait aussi fortement négligé les promoteurs de Grands Prix, se contentant de vouloir leur soutirer toujours plus d'argent sans pour autant les assister dans leurs efforts d'organisation et de promotion. Plusieurs se sont senti trahis, laissés à eux-mêmes, complètement ignorés par la Formula One Management de l'époque.

 

Ecclestone avait aussi le « syndrome de la société secrète »! Pour lui, plus les rouages et les intervenants de la F1 étaient à l'abri des regards, mieux c'était. Comment pouvait-il justifier une telle philosophie, en cette ère des médias sociaux et des multiples plateformes de diffusion? Bernie Ecclestone avait aussi une grande qualité mais qui peut aussi s'avérer un très grand défaut: il n'acceptait que très rarement de nouvelles personnes dans son entourage immédiat. Or, quand la vétusté des idées s'installe, quand la créativité fait place à la routine, c'est à ce moment qu'il faut être assez fort comme leader pour ouvrir les portes à d'autres ressources.

 

Bref, pour Liberty Media, il aura fallu beaucoup démolir... tout en construisant, ce qui fut fait de façon remarquable! En pleine pandémie mondiale et avec tous ses bouleversements, qui ont eu un effet sur deux saisons complètes, la F1 a su se donner un nouvel accord entre les écuries, fit accepter le principe du plafond budgétaire, réussit à créer une nouvelle monoplace révolutionnaire pour 2022, renoua des liens serrés avec ses promoteurs et a surtout ravivé l'intérêt mondial pour le Championnat grâce au choix d'outils modernes de diffusion et de promotion.

 

Ce n'est quand même pas rien!

 

L'avenir est prometteur...

 

Le dévoilement du calendrier 2022, vendredi, n'est qu'un élément parmi plusieurs autres qui permettent de reconnaitre le dynamisme renouvelé de la Formule 1. Au départ, s'il y a 23 Grands Prix au calendrier, c'est qu'il y a une demande de base pour 23 GP! Or, on le sait, il y a beaucoup d'autres options sur la table qui n'apparaissent pas au tableau de l'an prochain.

 

Il suffit de nommer le Qatar, qui reviendra pour 10 ans à compter de 2023, la Turquie, qui s'est avérée un merveilleux « dépanneur » durant la pandémie, la Chine, qui voudra assurément être de retour en 2023, le Portugal, qui s'est révélé comme un hôte parfait sur le très beau circuit de Portimao, l'Allemagne qui voudra assurément revenir un jour et pourquoi pas un 3e événement aux États-Unis, possiblement (enfin!) dans la grande région de New York. Bref, si on s'en tient à 23 courses, il faudra éventuellement favoriser l'alternance entre certains pays hôte si la tendance se maintient!

 

Mais l'engouement pour l'avenir de la Formule 1 se ressent aussi sur beaucoup d'autres terrains. Lorsque le prototype de la monoplace de 2022 fut dévoilé, à Silverstone, plus tôt cet été, la plupart des intervenants ont salué avec enthousiasme le grand virage technique que l'on connaîtra dès l'an prochain.

 

Les lignes modernes, épurées, voire même simplifiées, des nouvelles monoplaces, ont séduit une grande quantité d'amateurs et même s'il est difficile de prédire si les objectifs seront tous atteints, il y a au moins de véritables espoirs de voir plus d'action en piste. Les voitures moins complexes sur le plan aérodynamique, plus dociles l'une derrière l'autre, collant mieux à la piste, avec des pneus de conception différente, voilà autant de facteurs qui nous mettent drôlement en appétit pour la saison prochaine.

 

Mais n'oublions surtout pas un élément de la plus haute importance en jetant un regard vers l'avenir : la qualité du plateau! Rarement a-t-on vu une aussi bonne cuvée de jeunes pilotes hyper-talentueux en Formule 1. Derrière un Max Verstappen d'à peine 24 ans, les Lando Norris, George Russell et Charles Leclerc ont déjà atteint un niveau d'excellence inouï malgré leur jeune âge. Et la perspective de retrouver Russell aux côtés de Lewis Hamilton à compter de 2022 se veut, à elle seule, un élément d'intérêt immense.

 

... mais les défis sont immenses!

 

Bien sûr, tout cela s'accompagne aussi de grands défis sur les plans humain, financier, écologique et même...politique!

 

Pour passer à travers un calendrier de 23 épreuves, éparpillées aux quatre coins du monde, le personnel de terrain des différentes écuries sera sollicité comme jamais et il faudra s'assurer de gérer parfaitement l'organisation du travail de ces femmes et de ces hommes qui ne sont à domicile que très rarement entre mars et décembre. Les risques d'épuisement seront élevés comme jamais, autant physiquement que mentalement.

 

Il serait sage également de revoir à la baisse les droits d'entrée exorbitants exigés pour une nouvelle écurie. À 200 millions de dollars américains, c'est complètement ridicule et tout simplement décourageant pour tout nouveau projet! Or, 10 équipes, ce n'est pas suffisant pour un Championnat crédible, selon moi. Le nombre idéal serait de 12, ce qui ouvrirait des volants pour les jeunes pilotes plein de potentiel qui attendent leur tour. Cela permettrait aussi de mieux répartir les allégeances avec les motoristes et peut-être en attirer d'autres, comme le groupe Volkswagen.

 

Évidemment, la F1 devra respecter ses engagements de neutralité totale en matière de carbone dès 2030 et devra contribuer grandement au développement des énergies propres et renouvelables d'ici la fin de la décennie. Déjà, en 2022, 10% du carburant devra être « bio » (Éthanol) mais le véritable défi, avec les nouveaux moteurs de 2025, sera de développer un carburant à la fois propre à 100 % et performant. Vers quoi va-t-on se tourner? Chose certaine, avec la perspective d'avoir 1,8 milliard de véhicules sur la terre d'ici 2030, il faudra trouver une autre avenue à l'électricité. Cela est fort complexe, mais pourrait générer beaucoup de créativité pour les ingénieurs.

 

Sur le plan politique, la F1 devra user de prudence et de discernement. Si on peut saluer son ouverture sur les notions d'égalité et d'intégration, il faudra composer avec des mouvements d'opposition liés à certains pays apparaissant au calendrier. Le royaume de Bahreïn, l'Arabie Saoudite. le Qatar, entre autres états, génèrent des griefs non-négligeables sur le plan des droits de la personne et peut-être qu'un jour, l'argument de la « neutralité sportive » ne sera plus suffisant pour expliquer la tenue de Grands Prix sur de tels terrains controversés.

 

Quoi qu'il en soit, tant sur ses défis que sur ses assises actuelles, la F1 est en pleine accélération. Il faudra éviter les dérapages, les sorties de piste, les accidents, mais, dans une vision plus large, la reste de la décennie sera emballant!