MONTRÉAL – Il vient du Japon et il était en voie de devenir pilote d’avion. Mais il a interrompu ce projet pour accomplir son autre plus grand rêve, celui de jouer au football professionnel en Amérique du Nord. Voici l’histoire fascinante de Taku Lee qui, comme si ce n’était pas suffisant, parle quelques mots de français !

Impossible d’en vouloir à ceux qui étaient sceptiques par rapport à son talent. Pour être bien honnête, l’auteur de ces lignes et la plupart des journalistes avaient des doutes à son sujet à l’ouverture du camp d’entraînement. Après tout, il y a eu une multitude d’échecs avec les expériences des joueurs internationaux.

Vous doutez malgré tout, voici les mots d’André Bolduc, l’entraîneur des porteurs de ballon des Alouettes, qui aime la transparence. 

« Je pense qu’il peut être un partant à moyen terme. C'est certain que c'est à moi de le préparer pour ça. Est-ce qu'on va en arriver là ? Peut-être avec les blessures à un certain moment. Mais présentement, je te dirais que, d’ici deux à trois semaines, je n’hésiterais pas à lui donner des jeux dans une vraie situation de match », a statué Bolduc. 

Avant de plonger dans le volet football, le succès de Lee repose aussi sur son intégration dans une équipe remplie de Canadiens et d’Américains de divers horizons. De petits détails anecdotiques peuvent jouer un immense rôle à ce chapitre. 

« Je n’ai pas eu la chance de voir grand-chose de la ville jusqu’ici, je connais presque juste les chips aux cornichons », a lancé Lee qui a hâte d’avoir le temps pour découvrir plusieurs des bons restaurants de sushis de Montréal. 

Mais de quoi parle-t-il ? Les chips aux cornichons ?

« Christophe Normand (un centre-arrière) s'est fait un plaisir de lui faire découvrir les chips du Québec. Toutes les sortes que tu ne peux pas t'imaginer, il les a amenées. Taku ne pouvait pas croire qu’on avait des chips au ketchup, il a été très, très surpris. Mais ça donne une idée de comment les gars l'ont accueilli dans le groupe, vraiment à bras ouverts », a raconté Bolduc avec plaisir. 

Taku Lee« Durant le camp, ça devient long avec les réunions en soirée. Ce sont de longues heures puis je suis un fan d'amener des petites collations comme des bonbons et des chips », a expliqué Normand en riant. 

L’équipe a aussi pensé à une brillante manière de tisser des liens avec lui.  

« Pour l’instant, il est un peu gêné en groupe donc on travaille à le faire sortir de sa coquille. On prend les cinq premières minutes de chaque réunion des porteurs de ballon pour faire un petit cours de japonais. Il nous apprend des mots et des phrases simples à utiliser. On est rendus plus loin que de dire bonjour ou merci, on peut même dire en japonais à un joueur s’il arrive en retard », a témoigné Bolduc. 

Sans surprise, Lee s’amuse également à leur apprendre quelques mots qu’on ne peut pas retranscrire ici. Bolduc et les autres joueurs adorent les répéter au secondeur japonais, Akio Yamagishi, qui a également été repêché par les Alouettes, pour voir sa réaction. 

Il a convaincu ses coéquipiers qu'il mérite sa place  

Sur le terrain, Lee n’a pas besoin que ça se passe dans sa langue maternelle pour bien se débrouiller. Il a attiré l’attention positivement à quelques reprises depuis le lancement du camp. À un point tel qu'il a changé la perception de ses coéquipiers. 

« C'est sûr qu’on a peut-être des questionnements sur le football dans les autres pays. Mais, honnêtement, après l’avoir vu jouer, il a sa place ici, il est extrêmement rapide. Puis c'est fou, sa compréhension du jeu est extrêmement bonne. Il a appris tous les jeux par coeur même s’il ne baragouine que quelques mots en anglais », a avoué Normand qui avait été surpris par la sélection d’un porteur de ballon japonais au repêchage international. 

De son côté, Bolduc n’était pas tant étonné. Il avait eu le mandat d’étudier tous les porteurs de ballon et centre-arrières admissibles à ce repêchage pour aider les recruteurs des Alouettes. Il en était venu à la conclusion que Lee se classait parmi les meilleurs. 

Mais il ne se serait jamais douté qu’il hériterait d’un athlète si brillant. 

Taku Lee« Il veut être pilote, ça vous donne une idée du cerveau qui se cache là-dedans. C'est une éponge. Il est cartésien donc tout ce qu'on lui dit, il faut que ce soit clair, net et précis et que ce soit logique. S'il y a quelque chose qui marche pas dans le cahier de jeux, on va le savoir assez vite », a confié Bolduc. 

Anecdote savoureuse, l’entraîneur-chef Khari Jones aime parfois improviser à partir de certains jeux établis. 

« Ça fait que parfois, on n’a pas vu un jeu en réunion et Taku va me dire que ce jeu-là n’existe pas dans le cahier. C’est vraiment le fun de travailler avec lui, c’est une belle surprise pour nous », a vanté Bolduc qui le décrit comme un athlète incroyable grâce à son physique, sa vitesse, son explosion et ses mains agiles.  

Pas venu ici en tant que touriste 

Non, Lee ne rêvait pas d’aboutir à Montréal. Son premier choix était, évidemment, la NFL et il s’en est approchée. Il a été sélectionné au sein du programme international, mais il n’a pas été choisi par une équipe. Ceci lui a toutefois permis de se rabattre sur la LCF. 

« Mon premier contact avec la LCF, c’est quand Chad Ochocinco et Johnny Manziel sont venus jouer avec les Alouettes », a expliqué le sympathique athlète de 26 ans. 

Après avoir pratiqué le baseball, le soccer, le tennis et la natation, il a eu le coup de foudre pour le football à l’école secondaire quand un entraîneur lui a montré des images de la NFL. 

Sa famille supporte son choix atypique et il reçoit aussi l’appui de tous les amateurs japonais de football. Une carrière professionnelle aurait un impact considérable dans le pays qui accueille les Jeux olympiques. 

« Nous avons accès à des places internationales désormais et c’est une grande chance pour nous. Pour moi, ce n’est pas à propos du salaire ou de l’argent, je vis mon rêve présentement », a réagi Lee. 

Cette percée au football a beau être un rêve, il ne s’émeut pas tant des propos de Bolduc à propos de son potentiel de partant. 

« Je suis content d’entendre ça. Mais pour être honnête, je ne suis pas venu ici pour être un touriste. Je veux devenir un partant et je veux être un joueur important pour aider une équipe à remporter la coupe Grey », a insisté Lee. 

L’assurance de cette réponse détonnait avec son humilité de ne pas nous dire qu’il a suivi un cours de français à l’université. Il a fallu que le directeur des communications, Charles Rooke, l’invite à en parler pour que l’entrevue se termine ainsi.  

« Je m’appelle Taku, je suis Japonais. Je t’aime Montréal », a-t-il conclu avec une phrase qui le rend encore plus intrigant.Il avait d'ailleurs remercié les Alouettes, pour son embauche, avec ce merci spécial sur Instagram.