Le rendement de Carey Price depuis le début de la saison est difficile à expliquer. Je n'ai aucune raison valable à apporter puisque je n'ai jamais été dans la tête d'un gardien, mais il n'est visiblement pas le Carey Price que nous avons connu ces dernières années.

Je suis persuadé toutefois que ça n'a pas rapport avec le contrat qu'il a signé durant la saison morte ou le fait qu'il vieillisse. Il y a assurément quelque chose qui le tracasse, mais quoi? Un changement de système? Les défenseurs devant lui sont moins compétents? Je ne sais pas et je n’arrive pas à comprendre comment il peut être si croche cette saison.

Price a parfois joué de malchance sur des buts déviés et l'on ne peut pas attribuer tous les insuccès de l'équipe à lui seul. Je pense que le groupe de défenseurs doit prendre une partie du blâme pour ce début de saison atroce.  Il y a toutefois des situations où Price a vraiment mal paru. Lors du voyage dans l'Ouest, on l'a vu faire face à son filet pour arrêter la rondelle. C'est tellement hors du commun pour lui. On a souvent répété pendant des années qu'il était techniquement le meilleur de sa profession.

Ses ennuis sont soit entre ses deux oreilles, soit personnelles ou dans sa préparation. Je ne pense pas que ce soit physique son problème.

La nouvelle défense du Canadien n'est pas aussi mobile que l'an dernier et elle a du mal à sortir de son territoire. En plus, la défensive est très molle. D'ailleurs, aucun adversaire ne paie le prix dans le territoire de l'équipe le long des rampes ou devant le filet. L'accès à la zone montréalaise est relativement facile pour l'ennemi contrairement aux années précédentes. J'enlève Shea Weber de l'équation parce qu'il est solide et Victor Mete parce qu'il est encore très jeune. Il n'a que 19 ans et il faut lui donner le temps nécessaire. Il a récemment connu plus de difficulté, mais il est un jeune prometteur.

Quant à Jeff Petry, ses dix premiers matchs ont été de très loin en déca de ce qu'il peut donner. Il a l'air lent et pas très habile avec la rondelle. De façon générale, le groupe de défenseurs est très suspect.

L'entraîneur Claude Julien est loin de miser sur une brigade défensive aussi physique qu'il avait sous la main au cours de ses années avec les Bruins de Boston. Il n'y a pas de Zdeno Chara, de Dennis Seidenberg, de Johnny Boychuk ou d'Adam McQuaid par exemple. Quand un entraîneur mise sur quatre ou cinq défenseurs de la sorte, il n'y a pas de passe gratuite dans votre territoire. Les gars que je viens d'énumérer sont des tailles différentes, mais ils ont le coeur à l'ouvrage. C'est très difficile de jouer contre ces joueurs-là.

Le directeur général Marc Bergevin a pris des paris durant la saison morte et ça ne fonctionne pas. Le Canadien est pris avec des joueurs de remplacement qui n'ont pas su relever le défi. Il y avait des places à gagner au camp pour les gars qui étaient là. Des gars comme Joe Morrow, Brandon Davidson ou Mark Streit n'ont pas saisi cette opportunité pour s'établir. Ils avaient la chance de faire leur place et à mes yeux, c'est une grosse déception.

Mais à qui revient la faute? Aux joueurs? À Bergevin qui a sous-évalué la perte des joueurs qui ont quitté? Difficile à dire. Il faut faire avec ce qu'il y a sous la main. Mais de toute évidence, ça ne fait pas le travail jusqu'ici.

L'attaque ne va guère mieux

Travailler n'est pas suffisant dans la LNH pour avoir du succès et marquer des buts. Il faut un certain talent.  À mes yeux, il n'y a pas de vraie ligne de centre chez le Canadien et pas beaucoup de talent à cette position.  Je ne veux rien enlever au talent ou à l'éthique de travail des attaquants comme Paul Byron, Brendan Gallagher, Phillip Danault ou Andrew Shaw, mais en frais de talent pur, il n'y en a pas une tonne à Montréal. Dans cette catégorie, on peut parler de Jonathan Drouin, Max Pacioretty et  Alex Galchenyuk. On peut même peut-être ajouter le nom d'Artturi Lehkonen, mais je ne sais pas tout à fait encore dans quelle catégorie le classer.

Il y a beaucoup de joueurs qui travaillent, mais les résultats n'y sont pas. Il faudra peut-être compenser avec un système impeccable pour travailler la zone offensive. Il faudrait plus de circulation devant le gardien adverse, qui n'a pas la vie dure contre le Canadien. Il faut obstruer la vue au gardien quand les défenseurs du Canadien tirent au but pour permettre aux attaquants d'avoir une deuxième chance sur les retours de lancer. Quand tu as une petite équipe comme le Canadien, il vaut mieux être vite et talentueux. Les lacunes sont évidentes à mes yeux au niveau du talent en attaque.

Dans la tête des joueurs

La situation doit être très difficile pour les joueurs actuellement. La saison est très jeune et l'équipe se retrouve loin au classement. Je me souviens qu'à mes six premières années à Calgary, mon équipe n'avait pas fait les séries.  J'ai grandi dans une culture où faire les séries était un luxe. Comme joueur, on savait que l'équipe était en reconstruction, que ce serait long et pénible.

ContentId(3.1251317):LNH: Carey Price fige sur le tir parfait d'Anze Kopitar (Hockey)
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Ç’a été dur, je ne peux pas le cacher. Dans le vestiaire, c'était facile d'importer un climat négatif quand les défaites s'accumulaient. J'ai vécu des années vraiment difficiles, mais j'imagine que ça doit être plus difficile quand le club mise sur des vétérans de talent comme Carey Price ou Shea Weber par exemple. À mes yeux, ce sont des gagnants. Ce sont des joueurs que mon équipe n'avait pas le privilège d'avoir avec les Flames. Price et Weber jouent au sein d'un club qui devrait normalement faire les séries ou encore se battre pour une place. Nous à Calgary, les attentes étaient peu élevées les années où j'y étais. La première fois qu'on a participé aux séries en 2004, ç'a été une surprise pour tout le monde.

C'est difficile de passer au travers surtout quand en octobre ou en novembre, tu sais déjà que la pente à remonter est ardue et où chaque défaite ajoute un clou de plus dans le cercueil. Puis arrive un moment donné où le joueur se rend compte que la distance est trop grande et qu'il y a trop d'équipes entre nous et la dernière place donnant accès aux séries.

Vivre la saison actuelle dans l'uniforme du Canadien de Montréal doit être atroce pour les joueurs. Ce que j'ai vécu à Calgary était différent parce que les attentes étaient moindres, mais nous étions quand même dans une ville canadienne où la médiatisation était forte, mais moins quand même moins qu'à Montréal. Toronto l'a vécu et le climat était extrêmement difficile. J'imagine que les joueurs du Canadien doivent avoir la tête un peu moins haute quand il marche en ville et je suis sûr qu'ils ont moins le goût de sortir.  Le joueur essaie de laisser son travail à l'aréna quand il rentre à la maison, mais ce n'est pas vrai qu'il peut le faire durant toute une saison en sachant que le trou dans lequel se trouve son club est très creux. Il n'est pas vrai que le joueur, même à la maison, a la même joie de vivre au quotidien. C'est difficile de passer au travers, car la situation est dure à accepter comme compétiteur.

Je persiste à croire que le Canadien a suffisamment de talent pour participer aux séries même de justesse, mais la déception est grande. C'est comme recevoir un coup de masse en plein visage. Je ne pense pas que la direction s'attendait à un début de saison aussi laborieux mauvais malgré les points d'interrogation.

La position de la direction

Je ne sais pas comment réagira Marc Bergevin pour remédier à la situation. Si j'avais la solution, ce serait moi le directeur général! Il y a bien quelques pistes de solutions, mais bon ...

Victor Mete et Artturi Lehkonen aux antipodes

Bergevin pourrait changer tout le personnel et dire qu'on reconstruit, mais je ne pense pas que ce soit dans les plans du DG.  Il est déjà trop avancé dans son plan et je ne pense pas qu'il ait le goût d'avouer à ses patrons qu'il s'est trompé. Soyez certain que si le Canadien décidait de rebâtir, ce serait un autre directeur général qui hériterait de cette mission.

Si Marc reste en place, il faut espérer que les gars dans le vestiaire, comme il le disait plutôt cette semaine,  changent l'allure des évènements en recommençant à gagner et à reprendre confiance. Le DG doit quand même sauter sur la première solution intelligente d'améliorer l'équipe qui se présentera à lui.

Il reste encore environ neuf millions sur la masse salariale. Cette somme peut se traduire par un nombre de points que le Canadien  n'a pas au classement. Ça pourrait se traduire par un ou deux bons joueurs en attaque qui ferait une différence. Pour le moment, le club est pris dans un tourbillon et comme le disait Bergevin, ce sont les joueurs à virer ça de bord, ou il assume que le club ne fera pas les séries pour repartir à zéro. Il n'y a pas mille façons de tout changer.

*propos recueillis par Robert Latendresse