Je ne sais combien de fois au cours des derniers jours on m’a rappelé ces chiffres de la saison régulière : aucune victoire et un seul point contre Tampa et 4 victoires en autant de matchs contre Détroit! Les partisans du Canadien exprimaient ainsi leur préférence quant à l’adversaire de deuxième tour du Canadien, avant le septième et dernier match de la série Lightning-Red Wings.

À cette affirmation souvent émise avec un ton interrogatoire, je répliquais toujours de la même façon : que veulent dire les chiffres de la saison régulière en éliminatoires? L’un des meilleurs marqueurs au monde, Steven Stamkos, n’a pas marqué une seule petite fois en 7 matchs contre Détroit, le co-détenteur du trophée Jennings, Corey Crawford, a laissé sa place à son adjoint Scott Darling pour la majorité de la série Chicago-Nashville, John Tavares, candidat au trophée Hart n’a marqué que deux buts en 7 matchs contre Washington et son équipe n’a marqué aucun but en supériorité numérique! Alors?

Par ailleurs, en saison régulière, les équipes s’affrontent de façon éparse, sans fréquence particulière, au gré du déploiement (parfois insensé) du calendrier. Il y eut un écart gigantesque de 36 matchs entre le premier et le deuxième match entre Montréal et Tampa la saison dernière, presque trois mois complets! En séries, elles s’affrontent en moyenne tous les deux jours, elles apprennent à se connaître en profondeur autant sur le plan collectif, qu’individuel. Alors?

Alors, je crois fermement qu’au moment où Ginette Reno va interpréter l’hymne national du Canada vendredi soir au Centre Bell, tous les compteurs seront remis à zéro. Et que le Canadien a une chance très légitime de battre le Lightning à l’usure, malgré l’allure de la saison régulière.

J’ai bien aimé la manchette de Guy Carbonneau sur le plateau de l’Antichambre lundi dernier. « Une grosse étape de franchie », disait-elle, en substance, à propos de la victoire du Canadien sur les Sénateurs d’Ottawa, en 6 matchs. Je considère, tout comme Guy, que cette série de premier tour contre un adversaire qui filait à toute vapeur depuis deux mois et qui n’avait aucune pression particulière sur les épaules, représentait le piège principal pour Michel Therrien et ses hommes. C’était le genre de confrontation où il était possible de perdre son identité d’équipe, compte tenu du caractère imprévisible de cet adversaire venu de nulle part. Ce fut le cas, du reste, surtout lors du 5e match.

Mais lors du match ultime, la principale ressource du Canadien, Carey Price, a lancé un message fort à ses coéquipiers et aux adversaires éventuels : je suis le meilleur et je vais revenir le prouver au bon moment. Ce qu’il fit avec éloquence!

Dans l’espoir de battre le Lightning, qui présente toujours une attaque dévastatrice malgré quelques ratés en séries, le Canadien devra appliquer sa recette magique de la saison régulière, celle d’éroder l’adversaire petit à petit, celle de pratiquer un jeu de patience systématique dénué d’indiscipline, celle de bloquer les tirs, celle de travailler hermétiquement en unité de cinq en zone défensive afin de neutraliser l’échec-avant du Lightning et favoriser les relances. Les défenseurs du Canadien auront absolument besoin d’aide dans leur zone! Il faudra aussi compter sur le brio de Price, bien sûr, au moins quatre fois en sept matchs!

Deux facettes du jeu des Red Wings contre Tampa pourront aussi servir de base de préparation pour Michel Therrien et ses adjoints. La première, positive, fut cette faculté de limiter les tirs au but du Lightning grâce au contrôle de la rondelle. Ce fut particulièrement éloquent samedi dernier alors que la puissante attaque de Jon Cooper n’a décoché aucun tir au filet sur un segment de plus de 20 minutes, l’équivalent de toute une période de jeu! L’autre, moins brillante, fut cette incapacité de défier Ben Bishop davantage. On le sait, la défense du Lightning est imposante physiquement et Bishop l’est tout autant. Les Smith-Pelly, Weise, Prust et Eller devront faire leur grande part à ce chapitre et tenter de créer des brèches pour les attaquants principaux du Canadien et pour favoriser les tirs de qualité de Subban, Markov et Petry.

Je conclus ce segment par ceci : Canadiens en 7!

Le Hart à Price

On peut tous interpréter à sa façon la définition du trophée Hart, remis au joueur le « plus utile » ou le « plus important » ou le « plus valable » pour son équipe. Les collègues de la presse écrite, membres de l’association en règle, ont déjà voté selon leurs propres critères et le résultat global menant aux trois finalistes a été dévoilé par la LNH au cours des derniers jours.

Personnellement, je considère que trois facteurs doivent absolument être mis de l’avant. Le premier est bien simple : la contribution individuelle du joueur en question doit s’accompagner d’un très haut niveau de succès pour son équipe, voire même d’un succès inespéré, imputable hors de tout doute en grande partie au joueur en question. Le deuxième, c’est le rendement global du joueur, avec chiffres à l’appui, par rapport à ses semblables, c’est-à-dire les autres joueurs évoluant à la même position dans le circuit. Le troisième, c’est la constance, qui part forcément d’un haut volume de jeu et dans lequel la performance fut majoritairement très au dessus de la moyenne.

Carey PriceDifficile de nier, donc, que les trois finalistes sont absolument dans le coup selon ces normes. Les Capitals de Washington et les Islanders de New York ont tous les deux récolté 101 points, ce qui représente un rendement global remarquable. Les 53 buts d’Alex Ovechkin, dont 25 en supériorité numérique et les 86 points de John Tavares, combinés à son efficacité générale au poste de centre ont été des facteurs déterminants dans les succès de la saison régulière. Ils apparaissent tous les deux dans les premiers échelons de leur catégorie de joueur et ils ont été constant tout au long de la saison récoltant des points dans au moins 60 % des matchs disputés.

Mais il y eut aussi le succès défensif inattendu des Capitals qui explique leur fiche, à commencer par le brio du gardien Braden Holtby (73 matchs, 41 victoires, 9 blanchissages, moyenne de 2,22). Chez les Islanders, Jaroslav Halak a aussi joué un rôle de premier plan aussi comme en font foi ses statistiques.

Et voilà où, selon moi, Carey Price se démarque. Le Canadien, avec 110 points et 50 victoires, a connu une saison complètement « hors norme », de l’aveu même de la haute direction, du personnel d’entraîneurs et de tous les observateurs et amateurs le moindrement branchés, et Price explique à lui seul une portion inégalée de cet exploit. Je vous fais grâce des statistiques de base, qui sont carrément exceptionnelles et que vous connaissez bien. Mais j’en ajoute quelques autres.

Le Canadien n’a marqué que 44 buts en première période sur un total de 82 matchs, forçant ainsi son gardien à viser rien de moins que la perfection au cours des 20 premières minutes d’un match! Or, dans la foulée du jeu de Price, la première période est aussi celle où le Canadien a concédé le moins de buts à l’adversaire, soit 55. Par ailleurs, 35 des 50 victoires sont survenues alors que le Tricolore n’avait pas les devants dans le match après une période. Cela dit tout. On en rajoute? Que dire du fait que le Canadien avait la plus faible attaque des 16 équipes qualifiées en séries (à égalité avec Pittsburgh), que seulement trois d’entre elles avaient un rendement inférieur en supériorité mais que Montréal affichait malgré tout le 6e meilleur différentiel collectif?

Je conclus ce segment par ceci : le Hart à Price!