MONTRÉAL – Il y a près d’un an, sous l’initiative de ses agents Pat Brisson et André Ruel, Alexandre Carrier s’envolait vers Spokane dans l’Ouest américain pour s’entraîner auprès de nul autre que Tyler Johnson afin de s’inspirer de la recette de cet étonnant joueur bâti dans le même moule que lui.

Parti dans l’état de Washington le 21 juin, au lendemain de son bal des finissants, Carrier a bûché pendant près de deux mois. Revigoré par cette expérience bénéfique, le polyvalent défenseur s’est immédiatement présenté à Gatineau le 9 août en vue du camp d’entraînement qui s’entamait le lendemain.

C’est alors que son entraîneur, Benoit Groulx, n’a pas hésité une seconde à … le renvoyer à la maison! Le geste se voulait bien sûr une récompense pour son dévouement sans équivoque.

« Je l’ai envoyé voir sa famille. Il n’y a pas seulement le hockey dans la vie et ça fait toujours du bien de retourner chez soi », a confié Groulx.

« Au lieu de prendre la semaine complète, comme je lui avais donné, il a réduit ça à quatre jours. On jouait une partie préparatoire contre l’Armada et il m’a dit qu’il voulait jouer. Il est comme ça! », a poursuivi l’entraîneur avec respect.

Carrier n’est pas seulement revenu de cette occasion exceptionnelle avec une motivation débordante d’entamer son année de repêchage, il présentait aussi une charpente musculaire bonifiée d’une dizaine de livres.

« Il s’est vraiment développé physiquement et ça paraît quand il est sur le bord de la piscine ! », a décrit avec le sourire son grand frère Samuel qui a été repêché en 6e ronde par les Capitals en 2010.

« Il a pris une grosse coche sur son patin, il a gagné en explosion. Il peut plus foncer dans le jeu et ça fait une grosse différence offensivement », a précisé son aîné de 4 ans.

Son entourage a également remarqué que le capitaine des Olympiques était devenu un athlète plus responsable par rapport à son corps. Étant donné que sa grandeur se limite à cinq pieds onze pouces pour le moment, Carrier avait tout intérêt à tout investir dans ce sens et il est reconnaissant envers ses conseillers.

« André avait parlé avec Tyler qui lui disait que l’entraînement à Spokane avait la différence pour qu’il fasse le saut dans la LNH. Son physique ressemble au mien donc c’était une belle occasion de pouvoir s’entraîner là-bas. À mon retour, j’avais pris 10 livres et j’avais amélioré mon explosion ainsi que ma vitesse », a-t-il noté en entrevue au RDS.ca.

À l’approche du repêchage, sa grandeur demeure le principal obstacle qui l’a freiné dans les classements de la Centrale de recrutement de la LNH où il a chuté du 60e au 89e rang cette saison. Alexandre Carrier

« S’il mesurait six pieds un pouce, il serait assurément un choix de première ronde », a osé répliquer son entraîneur en rappelant que le repêchage n’est qu’une étape dans la carrière d’un joueur de hockey.

Des exemples probants en Pageau, Giroux et Byron

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Groulx ne parle pas à travers son chapeau au sujet des joueurs de plus petits gabarits. Au fil de ses nombreuses années à la barre des Olympiques, le pilote d’expérience a fourni les compléments nécessaires à Claude Giroux, Paul Byron et Jean-Gabriel Pageau notamment pour qu’ils s’établissent dans la LNH.

« C’est en me fiant sur ces exemples que je sais que son physique ne sera plus un handicap plus tard. Ils ont assez de talent pour jouer et ils ont un point en commun : ils sont prêts à tout pour jouer dans la LNH, ce sont compétiteurs hors-pairs. Quand tu combines ça avec du talent, tu vas trouver ton chemin », a évoqué celui qui a mené le Canada à la médaille d’or au Championnat mondial junior.

« Je ne suis pas le plus gros, mais je pense que je possède d’autres atouts pour m’aider. Le niveau d’effort doit être au maximum quand tu es plus petit et c’est l’une de mes qualités », a répondu Carrier en appréciant le compliment.

Tout de même, l’athlète qui a grandi à Varennes n’a pas encore convaincu tous les observateurs.

« Je ne sais pas s’il a tout ce qu’il faut pour s’établir dans la LNH. C’est normal qu’il ne soit pas prêt présentement parce qu’il est encore jeune. Dans son cas, le plus important sera de devenir plus puissant pour compenser. Ce n’est pas tant la grandeur qui compte, mais la force que tu peux déployer », a révélé un entraîneur de la LHJMQ en utilisant l’exemple de Brendan Gallagher.

Mais dans l’ensemble, la perception de Carrier s’avère plus positive comme auprès de ces deux recruteurs.

« Ce qui le démarque par rapport à son groupe d’âge, c’est son sens du hockey qui est au-dessus de la moyenne. C’est évident qu’il n’a pas un gros gabarit, mais il joue dans toutes les situations. Il parvient à contenir les joueurs plus imposants avec subtilité. Bien sûr, il est désavantagé contre un attaquant de six pieds deux pouces et 200 livres, mais il l’attaquera avec plus de finesse », a observé une source d’une organisation de l’Est.

« Son gabarit peut lui faire mal parce qu’il se fait tasser plus facilement dans les confrontations individuelles présentement. Mais on ne peut pas avoir aucun doute sur son désir de compétition », a exprimé Denis Fugère, un dépisteur des Kings de Los Angeles.

La profondeur de la cuvée 2015 ne favorise guère les prévisions à propos de Carrier. Les équipes de la LNH pourront piger parmi une panoplie de défenseurs prometteurs incluant Noah Hanifin, Ivan Provorov, Zachary Werenski, Jakub Zboril, Thomas Chabot, Jérémy Roy et Gabriel Carlsson. Ceci dit, Carrier représente un projet à long terme comme l’a rappelé Groulx.

« Je projette une autre saison dans le junior majeur pour lui et il héritera sans doute d’une chance de jouer avec Équipe Canada Junior. Ensuite, il passera par la Ligue américaine pendant deux ou trois années et je le vois atteindre la LNH vers 22,23 ou 24 ans », a émis l’entraîneur comme hypothèse.

Concrétiser le projet amorcé par son père et son frère

Alexandre CarrierEn raison de son statut, Carrier n’a pas été invité aux évaluations de la LNH à Buffalo. Une fois la déception encaissée, le défenseur droitier s’est retroussé les manches et il a toutes les raisons d’avoir retrouvé le sourire puisqu’il aura finalement rencontré une vingtaine d’équipes du circuit Bettman.

L’intérêt n’est pas étonnant étant donné qu’il a terminé au troisième rang parmi les défenseurs de la LHJMQ avec une fiche de 12 buts et 43 aides et il se réjouissait d’avoir prouvé que la corde offensive faisait partie de son arsenal.

« Je suis content, c’était mon objectif après m’être concentré plus sur mon rendement en défense à mes deux premières saisons », a convenu Carrier quelques minutes après un entretien avec l’Avalanche du Colorado.

Le point culminant de ses efforts surviendra au repêchage à la fin juin alors qu’il devrait être sélectionné entre la troisième et la cinquième ronde. Il sera accompagné de toute sa famille en Floride incluant son frère et son père Bernard.

La carrière de ceux-ci s’est arrêtée au niveau junior et Alexandre pourrait franchir l’échelon manquant puisqu’il est considéré comme le plus talentueux du trio, mais le moins costaud.

« Chose certaine, c’est certain qu’il est plus talentueux que moi ! », a admis le paternel avec un rire de fierté.

« Je crois que ça fait du sens. Je le traînais partout quand j’étais plus jeune donc il a toujours été habitué de jouer contre des plus vieux et je pense que tout ça a pu l’aider », a ajouté Samuel.

Flatté - et un peu mal à l’aise - du compliment, Carrier peut davantage s’identifier à des modèles « actuels ».

« Ça fait quelques fois qu’on me compare à Stéphane Robidas, c’est un excellent joueur qui a joué très longtemps. J’aime aussi me comparer à Jared Spurgeon (du Wild du Minnesota) qui est plus de mon époque. Je voudrais suivre leurs traces », a reconnu Carrier. 

Benoit Groulx pouvait difficilement joindre ce jeu des comparaisons, mais il a conclu avec un compliment de taille.

« Cette saison, il a été le meilleur défenseur défensif de la LHJMQ. En séries, on lui a demandé jouer 30 minutes par match contre l’Armada et l’Océanic, deux puissances de la ligue », a louangé le grand patron des Olympiques.