La majorité des joueurs russes de la Ligue nationale de hockey (LNH) sont demeurés muets jusqu'ici sur l'invasion de l'Ukraine par le régime du président Vladimir Poutine. Un silence explicable en grande partie par la peur de représailles contre leurs familles.

Parmi les 41 joueurs nés en Russie et jouant actuellement dans la LNH, seuls l'attaquant des Capitals de Washington Alexander Ovechkin et le défenseur des Flames de Calgary Nikita Zadorov se sont exprimés sur le déclenchement de la guerre. Cette courte liste ne devrait pas s'allonger de manière significative étant donné la menace réelle qui pèse sur les athlètes et leurs familles.

« C'est difficile pour tous les joueurs russes dans la ligue, a commenté le directeur général des Capitals, Brian MacLellan, qui compte trois autres Russes dans son alignement. Il y a énormément de pression sur eux pour qu'ils expriment une opinion politique dans un sens ou dans l'autre. Ils doivent soupeser d'un côté la manière dont ils veulent vivre leur vie et exprimer leurs opinions et de l'autre côté les conséquences que cela pourrait avoir chez eux. C'est une situation très difficile pour ces gars-là. »

Plusieurs agents qui représentent des hockeyeurs russes ont fait part à l'Associated Press des défis que le conflit armé pose pour leurs clients, mais ont refusé d'être cités par crainte des conséquences possibles.

Ils ont confié que des joueurs ont été avertis de ne pas s'exprimer sur l'Ukraine en raison du climat politique en Russie, où le gouvernement étudie la possibilité de criminaliser la propagation de ce qu'il considère être de fausses informations au sujet de son opération militaire en Ukraine.

L'agent Dan Milstein, qui représente plus d'une douzaine de joueurs russes et bélarusses ayant disputé au moins un match dans la LNH cette saison, dont les champions de la coupe Stanley avec le Lightning de Tampa Bay Nikita Kucherov et Andreï Vassilevski. Milstein dit avoir reçu des menaces par courriel et sur les réseaux sociaux depuis qu'il a déclaré à la chaîne ESPN que plusieurs de ses clients subissaient du harcèlement.

« Ce n'est que moi, l'agent ukrainien, qui reçoit tout ça», partage Milstein qui est né à Kiev et a quitté l'Ukraine en tant que réfugié politique au moment de l'effondrement de l'Union soviétique. «Ç'a été difficile pour certains (joueurs). Certains trouvent refuge dans le sport en sautant sur la glace pour jouer au hockey. Mais pourriez-vous imaginer sauter sur la glace et compétitionner en sachant que votre épouse et votre nouveau-né sont à la maison, sans protection? »

L'épouse, les enfants et les parents d'Ovechkin sont en Russie. Les parents de son rival de longue date chez les Penguins de Pittsburgh, Evgeni Malkin, habitent aussi encore en Russie.

Milstein dit avoir apprécié les efforts de la Ligue nationale de hockey, de l'Association des joueurs, des équipes et des services de police. Plus tôt cette semaine, la LNH a fait paraître un communiqué dans lequel elle partage ses « inquiétudes à propos du bien-être des joueurs russes qui évoluent dans la ligue et représentent leur organisation et non la Russie. Nous comprenons que leur famille et eux-mêmes sont placés dans une position extrêmement difficile ».

Un porte-parole de la LNH a ajouté que la ligue voulait s'en tenir à cette déclaration, sans élaborer davantage. Du côté de l'Association des joueurs, on souligne que des discussions ont eu lieu avec la ligue pour renforcer les mesures de sécurité.

Que ce soit pour la sortie d'Ovechkin, qui est ouvertement pro-Poutine, mais qui a plaidé pour la paix, ou pour la publication de Zadorov qui a réclamé sur Instagram «NON À LA GUERRE» et «ARRÊTEZ ÇA!!!», les réactions ont été très nombreuses dans les deux sens.

Ovechkin a été critiqué pour ne pas avoir condamné les actions de Poutine alors que Zadorov pourrait être banni de l'équipe nationale de Russie.

Le seul joueur russe de la LNH a avoir ouvertement exprimé son opposition au président Poutine, l'attaquant des Rangers de New York Artemi Panarin, a supprimé toute trace de ses critiques de son compte Instagram et l'a depuis configuré en mode privé.

D'après les agents interrogés par l'Associated Press, la majorité de menaces provient des réseaux sociaux et ils ne croient pas que les joueurs russes en Amérique du Nord soient plus en danger que la population en générale. Plusieurs insistent sur le fait que les menaces pèsent d'abord sur les proches des joueurs, qui eux se trouvent en Russie, dans le cas où ils s'exprimeraient contre la guerre.

La majorité des joueurs de la LNH ont reçu le conseil de ne pas parler publiquement de l'invasion de l'Ukraine. Ovechkin est évidemment un cas particulier étant donné son statut d'athlète parmi les plus populaires et influents à la fois en Russie et dans la capitale américaine.

En conférence de presse, il avait déclaré: « S'il vous plaît, cessez les guerres. Peu importe qui est impliqué dans la guerre, la Russie, l'Ukraine, d'autres pays. Je crois que l'on vit dans un monde, où il faut vivre en paix. »

MacLellan a clairement fait savoir qu'Ovechkin et ses compatriotes Ievgueni Kouznetsov, Dimitri Orlov et Ilia Samsonov peuvent compter sur le soutien des Capitals.