Le 9 avril 2019, la LNH a suspendu Slava Voynov pour la saison 2019-2020 après avoir conclu qu’il avait adopté « un comportement inacceptable en dehors de la glace » en commettant des actes de violence conjugale en 2014. Cette suspension fait suite à une enquête menée par la ligue et à une audience tenue en mars 2019. Néanmoins, la LNH a signalé que Voynov pourrait faire une demande de réintégration à partir du 1er juillet 2020.

Disparité au niveau des sanctions infligées en matière de violence domestique

Le 10 avril 2019, l'Association des joueurs de la LNH (AJLNH) a porté cette décision en appel devant un arbitre indépendant, alléguant l’incohérence de la LNH dans sa façon de gérer ce type de situation.

À ce jour, la LNH est la seule des quatre ligues majeures à ne pas avoir de politique concrète en matière de violence domestique. La LNH doit alors juger chaque incident de façon individuelle, signifiant qu’il n’y a pas de directives à suivre lorsque l’un de ses joueurs est accusé de violence domestique. Il y a donc eu un manque d’uniformité dans l’application des mesures disciplinaires au cours des dernières années. Par exemple, la LNH a ordonné en septembre 2018 une suspension de 27 matchs sans solde à l’endroit de Austin Watson des Predators de Nashville après qu’il ait été accusé de violence conjugale. Subséquemment, l’AJLNH a porté la décision en appel et la suspension a été réduite à 18 matchs en octobre 2018. Il y a certes une dichotomie entre la sanction infligée à Watson et la suspension indéfinie prononcée contre Voynov en 2014, suivie de celle du 9 avril 2019 pour la saison 2019-2020.

Rappelons que Voynov avait été arrêté à son domicile le 19 octobre 2014 suivant une dispute avec sa conjointe. Par la suite, il avait été accusé de voies de fait ayant causé des lésions corporelles à son épouse. Face à ces évènements, la LNH avait suspendu Voynov avec solde pour une période indéterminée sur la base de l'article 18-1.5 de la convention collective, lequel lui accorde le droit de suspendre un joueur pendant une enquête criminelle lorsqu'il agit de manière préjudiciable à la ligue.

Cette réaction rapide de la part de la LNH contrastait de celle qu’elle avait eue un an plus tôt lorsque le gardien Semyon Varlamov de l'Avalanche du Colorado avait fait l’objet d’accusations liées à une affaire de violence conjugale, notamment pour enlèvement au deuxième degré et voie de fait au troisième degré. En octobre 2013, la LNH avait d’ailleurs indiqué qu'elle n'allait pas intervenir avant d'avoir une compréhension complète de toutes les circonstances entourant les poursuites judiciaires. Varlamov a continué à jouer et les accusations ont plus tard été abandonnées.

Mais pourquoi la LNH a réagi aussi rapidement dans le dossier de Voynov? Il n’y a pas de réponse claire à cette question, mais force est de constater que le paysage sportif a changé en 2014. Le dossier de Voynov survenait peu de temps après que la NFL ait été l'objet de nombreux reproches pour avoir tardé à agir dans certains dossiers, surtout pour ceux de Ray Rice et Adrian Peterson. Roger Goodell avait été vigoureusement critiqué en juillet 2014, pour avoir sanctionné Rice seulement deux matchs. C’est notamment pour cette raison que Goodell avait revu les termes de la politique en matière de violence domestique en août 2014. Dans la foulée de ces évènements et face à la consternation de la population devant ces actes de violence commis hors terrain (principalement suivant la publication de la vidéo troublante de Ray Rice), la LNH se devait d’agir rapidement pour que les actions de ses joueurs n’ébranlent pas la confiance du public envers le hockey professionnel.

Cette réalité souligne la pertinence pour la LNH et l’AJLNH de négocier collectivement une politique spécifique à la violence domestique afin de trouver des solutions pour éliminer les disparités des peines infligées chez les joueurs visés. Spécifions que la convention collective actuelle expirera en 2022, mais la ligue et l’AJLNH pourraient se prévaloir en septembre 2019 d'une clause pour rouvrir les négociations collectives et pour que l’accord prenne fin le 15 septembre 2020.

Demande de réintégration au sein de la LNH eu égard au droit de l’immigration

Après que la LNH l’ait suspendu, Voynov a plaidé coupable en juillet 2015 d’une accusation moindre pour les actes commis contre son épouse, laquelle n'avait pas voulu porter plainte contre lui. Voynov n’a pas subi de procès, mais il a écopé de 90 jours de prison et de 3 ans de probation. En septembre 2015, il a été libéré de prison, mais les autorités américaines d’immigration l’ont placé en détention dans l’attente d'une audience devant un juge de l'immigration, car il risquait la déportation vers son pays d’origine. En effet, la violence conjugale aux États-Unis peut avoir d’importantes conséquences sur les accusés qui ne sont pas citoyens américains, tel est le cas de Voynov qui est d’origine russe. Conformément à l’article 237 de la loi Immigration and Nationality Act, un crime de violence conjugale est passible de déportation, sous réserve de certaines exigences. Le 16 septembre 2015, Voynov a accepté de ne pas contester les procédures de déportation entreprises par les autorités américaines d’immigration, lequel est retourné volontairement en Russie. En octobre 2015, il a signé un contrat dans la KHL.

Après avoir passé trois années dans la KHL, Voynov a présenté en 2018 une requête pour faire effacer son dossier criminel aux États-Unis, qui a été accepté en juillet 2018. Ce faisant, la réintégration de Voynov au sein de la ligue est depuis devenue une possibilité qui dépend cependant de facteurs extérieurs à la décision de la LNH.  D’abord et avant tout, Voynov doit obtenir l’autorisation d’entrée aux États-Unis et se voir délivrer un visa pour y travailler. Partant du principe que les condamnations pour violence conjugale puissent être passibles de déportation, la levée d’interdiction d’entrée aux États-Unis pourrait a contrario s’avérer un processus fastidieux.