Pour certains, New York est une ville étourdissante et suffocante, un amas de béton enseveli sous une marée humaine où seuls les plus forts survivent.

Preuve que tout est relatif, d’autres perçoivent plutôt la métropole des États-Unis comme un oasis de tranquillité. Ou presque.

C’est le cas d’Alain Vigneault. Après avoir pratiqué son métier sous la pression des marchés canadiens pendant onze années, l’entraîneur des Rangers atteste que les conditions qu’il a retrouvées dans la Grosse Pomme sont avantageusement comparables à ce qu’il a vécu plus tôt dans sa carrière à Montréal et Vancouver.

« Quand je dirigeais les Canucks, je disais souvent que si les Yankees étaient capables de gagner la Série mondiale avec toute la pression qu’ils doivent gérer à New York, les équipes canadiennes de hockey n’avaient pas d’excuse. Mais maintenant que je me retrouve là-bas, je peux vous dire qu’il n’y a aucune comparaison possible. Les Yankees attirent l’attention, mais en guise de comparaison, le Canadien de Montréal, c’est une coche en haut. C’est incroyable. »

Vigneault s’est confié à RDS lors de son passage dans les studios de l’Antichambre, vendredi, à la veille de l’affrontement entre les BlueShirts et le Tricolore au Centre Bell.  

« Je regarde la situation des Giants, des Yankees, des Knicks... Aux États-Unis, il y a tellement de sports et chaque sport a son cercle de partisans et de médias. Mais au Canada, il n’y a que le hockey. Ce que les entraîneurs et les joueurs doivent vivre au niveau de l’attention médiatique et des partisans, c’est 50 fois plus intense », a développé celui qui visera sa 472e victoire comme entraîneur-chef dans la LNH samedi soir.

Diriger à New York

Vigneault, qui dirigera bientôt son 900e match dans la LNH, a fait ses débuts chez les pros en 1992-1993, la saison de la dernière coupe Stanley remportée par le Canadien. Il avait alors quitté la barre des Olympiques de Hull pour se lancer dans l’aventure des Sénateurs d’Ottawa, une équipe d’expansion dirigée par Rick Bowness, dont il a été l’adjoint pendant trois saisons et demie.

« Quand on avait été embauchés, les gens qui étaient en place nous avaient dit : ‘Regardez autour de vous. Quand on va gagner la coupe Stanley, d’ici sept à douze ans, les mêmes personnes vont être là’ ». J’étais naïf un peu dans le temps, j’avais 31 ans et je pensais que c’était vrai. Ça ne m’a pas pris beaucoup de temps pour réaliser que ça n’arriverait pas! »

Au cours de leurs quatre premières années d’existence, dont une qui fut écourtée de moitié par un lockout, les Sénateurs ont gagné un total de 51 matchs. Faites le calcul si vous voulez. Vigneault, lui, n’en a pas besoin pour témoigner de la lourdeur de cette période dans son parcours professionnel.

« Je ne le regrette pas, mais avec l’expérience que j’ai aujourd’hui, je ne pense pas que j’irais me mettre les pieds dans une équipe d’expansion, avoue Vigneault. On a gagné notre premier match cette année-là  et ensuite, on n’a pas gagné un autre match jusqu’au mois de novembre. C’était dur sur les joueurs, c’était dur sur les entraîneurs... c’était dur sur tout le monde. »

« Dans la vie, tu peux seulement demander aux gens autour de toi de donner le meilleur d’eux-mêmes et c’est ce que tout le monde faisait! La seule chance qu’on avait de gagner, c’était si l’autre équipe n’avait pas vraiment le goût de jouer ou si, dans un match, on avait quatre ou cinq bonds très chanceux. »

« Au point de vue personnel, c’est une expérience qui a fait de moi une meilleure personne, mais je ne suis pas certain que ça m’ait permis de devenir un meilleur entraîneur. Ça a été difficile. »

Deux chances

Congédié par les Sénateurs en 1996, Vigneault est brièvement retourné dans la LHJMQ pour diriger les Harfangs de Beauport. Puis, avant le début de la saison 1997-1998, il est désigné par Réjean Houle comme le successeur de Mario Tremblay aux commandes du Canadien de Montréal.

Qui gagne demain?

« J’ai rencontré Réjean à trois occasions. Après la deuxième entrevue, je m’en souviens, j’étais arrivé à la maison et j’avais dit à mon épouse : ‘Si je n’ai pas ce job-là, je ne serai jamais entraîneur dans la Ligue nationale!’ J’avais trouvé que mes entrevues s’étaient bien déroulées, on avait approfondi bien des affaires et je ne pensais pas qu’il se serait avancé autant si je n’étais pas son homme », confie celui qui a mené le CH en séries à sa première tentative.

Mais les résultats n’ont pas suivi la courbe espérée par la direction et en novembre 2000, Vigneault est congédié par Pierre Boivin et remplacé par Michel Therrien. S’amorce alors un long processus qui le ramènera dans la LNH six ans plus tard, mais pas avant qu’il soit retourné complètement en bas de l’échelle.

En 2003, après deux années passées comme dépisteur aux services des Blues de St. Louis, il renoue avec sa vocation alors qu’il devient le pilote du Rocket de l’Île-du-Prince-Édouard.

« Ça n’a pas été une décision très difficile à prendre. Pendant ma deuxième année comme dépisteur, je me suis rendu compte que ce n’était pas ce que je voulais faire. Je voulais coacher. Dans ce temps-là, tu vas où il y a de l’ouvrage et les seuls qui étaient prêts à m’engager, c’était la famille Savard.

« J’ai vécu, honnêtement, une belle expérience. Ça m’a remis dans le cercle des entraîneurs et Vancouver m’a éventuellement donné une deuxième chance. Je me considère tellement chanceux. Dans la vie, pour aller diriger dans la LNH, c’est difficile d’avoir une seule chance. Présentement, dans le hockey junior, il y a tellement de bons entraîneurs qui n’auront jamais l’occasion de diriger une équipe. Moi, je suis un des choyés dans la vie qui ont eu une deuxième chance. »