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Le souhait de Laura Stacey se réalise plus vite que prévu

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MONTRÉAL - Pendant les années d'attente et d'incertitude qu'on peut aujourd'hui identifier comme la période de gestation de la Ligue professionnelle de hockey féminin, Laura Stacey a fait partie de plusieurs conversations à propos du fond et de la forme d'une éventuelle plateforme qui permettrait aux meilleures joueuses au monde de pratiquer leur sport dans des conditions équitables, profitables.

« On se disait : "Quand ça va commencer, assurons-nous que ça commence de la bonne façon. Osons innover, osons la nouveauté, osons faire avancer les choses", racontait l'attaquante de l'équipe de Montréal vendredi. C'est exactement ce qui est en train de se produire. »

En plus d'offrir un produit sportivement enlevant, la LPHF se présente depuis sa création comme un fascinant laboratoire d'où émanent des idées qui provoquent de rafraîchissantes réflexions dans le monde habituellement conservateur qu'est celui du hockey.

Avant le début de sa saison inaugurale, le circuit mis sur pied par le groupe de l'homme d'affaires américain Mark Walter s'est démarqué des autres ligues de hockey nord-américaines en permettant à ses équipes de décrocher trois points pour une victoire en temps réglementaire. Il a aussi authentifié un nouveau règlement qui permet à une joueuse punie de quitter prématurément le cachot si son équipe marque en désavantage numérique.

Cette semaine, la LPHF a défriché de nouveaux sentiers en dévoilant le format de son tournoi éliminatoire et une façon originale de façonner le classement de la saison régulière. Ainsi :

-l'équipe qui terminera au premier rang du classement général se verra accorder le droit de choisir, entre les détenteurs des troisième et quatrième places, l'identité de son adversaire pour le premier tour des séries ;  

-l'équipe qui aura récolté le plus de points à partir du moment où elle sera mathématiquement éliminée de la course aux séries se verra attribuer le premier choix au prochain repêchage.

Stacey avoue qu'elle n'avait pas prévu que la ligue soit aussi proactive dès sa première année d'opération, mais elle est loin de s'en plaindre. « On adore les nouveaux règlements », s'enthousiasme-t-elle.

« C'est fantastique de pouvoir créer notre propre ligue, nos propres règles, changer des choses qui sont prises pour acquis. Je crois que c'est audacieux, ça nous permet de nous démarquer et c'est exactement ce qu'on souhaitait. On voulait mettre en place une structure solide qui durerait dans le temps, mais aussi un produit que les gens aimeraient suivre et je crois que c'est ce qu'on arrive à faire. »

« C'est cool de voir qu'on ne suit l'exemple de personne, qu'on trace notre propre chemin, apprécie Kristin O'Neill. C'est une volonté qui est au centre de tout ce qu'on a proposé jusqu'à maintenant et c'est bien de voir que ça continue à guider les décisions de la ligue. Peut-être même que d'autres s'en inspireront. »

Qui choisit prend pire

Si le calendrier de la LPHF s'était conclu hier soir, l'équipe de Montréal aurait été couronnée championne de la saison régulière. Il lui reviendrait de choisir si elle préférerait affronter Toronto ou Boston dans une série demi-finale 3-de-5.

« Je crois que c'est le fun de pouvoir choisir ton adversaire, est d'avis Mélodie Daoust. Il s'agirait de regarder contre quelle équipe tu as connu le plus de succès durant l'année. Tu regardes aussi l'aspect physique. Il y a des équipes plus robustes que d'autres. Contre laquelle as-tu le plus de chances de rester en santé? Je crois que c'est important. Ça poussera les équipes à vouloir finir premier. »

Ce qui peut être vu comme un beau privilège peut aussi être interprété comme un cadeau empoisonné. Qui choisit prend pire, dit le proverbe.

« Je sais que si je fais partie de l'équipe qui se fait choisir, c'est sûr que j'entre en séries avec encore plus de motivation, s'emporte Kristin O'Neill. Ce n'est pas vraiment un compliment! Ça sera intéressant de voir comment cette équipe réagira. »

La directrice générale de Montréal, Danièle Sauvageau, est consciente du piège qui guette qui pourra choisir sa victime.  

« On va établir des critères et lorsque le temps sera venu, si le temps vient, on va baser notre décision sur les critères qu'on aura déjà établis et non sur l'émotion d'un moment », a-t-elle prévu. La DG entend appuyer sa réflexion sur les membres de son équipe de direction et a aussi l'intention de prendre le pouls de ses joueuses.

Quant à la deuxième idée proposée, qui vise à éviter les léthargies volontaires en fin de saison, Sauvageau a entendu les critiques.

« C'est sûr que dans une ligue à six équipes, plusieurs disent : ‘D'accord, mais quand une équipe sera-t-elle réellement mathématiquement éliminée?'. Mais quand on construit, on construit pour maintenant, mais aussi pour dans trois ans, dans cinq ans », plaide la bâtisseuse.

Inspirer... ou pas

Jusqu'à maintenant, les réformes de la LPHF semblent généralement bien accueillies au sein du grand public. Et sans faire l'unanimité, elles sont reçues avec une belle ouverture dans les cercles de la Ligue nationale. C'est du moins ce qui ressort de la lecture d'un récent papier publié par l'érudit confrère radio-canadien Alexandre Gascon.

Comment réagirait Danièle Sauvageau si une idée de la LPHF était un jour reprise par la LNH?

« Je pense que ça serait extraordinaire. On joue au hockey, on essaie d'appliquer le livre des règlements, mais on crée aussi des situations qui répondent à un intérêt du public. Le but en désavantage numérique, tout le monde en parle. Et l'opinion des amateurs est importante. Les gens [qui suivent nos matchs], ce sont avant tout des amoureux de hockey. Tant mieux si la LNH finit par conclure que ce qui plaît à nos partisans pourraient aussi plaire aux leurs. »

Laura Stacey n'est pas tout à fait du même avis.

« Pour être honnête, c'était un peu notre but de prendre nos distances de la LNH. On ne voulait pas se contenter de suivre leurs règles, suivre leur plan, cueillir ce qui était devant nous. On est une ligue distincte, on est la LPHF et que [la LNH] prenne ou non nos idées, je crois que c'est super que les deux ligues empruntent des trajectoires différentes tout en continuant de se supporter mutuellement. »