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PÉKIN, Chine - Le patineur de vitesse longue piste québécois Laurent Dubreuil a passé six jours à tenter de surmonter la déception, après avoir terminé quatrième à son épreuve de prédilection, le 500 mètres.

Se présentant sur la ligne de départ sans le poids des attentes pour le 1000 mètres, Dubreuil a gagné la médaille d'argent, vendredi, aux Jeux olympiques de Pékin.

« De passer d'une des plus grandes déceptions de ma carrière à l'un des meilleurs moments, c'est indescriptible, a dit le Lévisien âgé de 29 ans. Je n'y croyais pas quand j'ai croisé la ligne d'arrivée. »

Patinant dans la dernière paire, Dubreuil a réussi un chrono de 1:08,32 et il s'est inséré entre le Néerlandais Thomas Krol (1:07,92) et le Norvégien Haavard Lorentzen (1:08,48).

Connor Howe, de Canmore, en Alberta, a pris le 12e rang avec un chrono de 1:08,97. Le Sherbrookois Antoine Gélinas-Beaulieu s'est contenté du 22e rang avec un temps de 1:10,075.

Samedi dernier, Dubreuil avait terminé à trois centièmes du podium au 500 mètres à l'Anneau national de patinage de vitesse. Il était champion du monde en titre sur cette distance et avait remporté une médaille à chacune des huit courses du circuit de la Coupe du monde cette saison.

Au 1000 mètres, Dubreuil n'était pas monté sur le podium cet automne. Il avait toutefois gagné le bronze sur cette distance aux Mondiaux en 2020 et 2021.

« Moi, je savais qu'il était capable de gagner une médaille, a dit l'entraîneur de Dubreuil, Gregor Jelonek. Laurent le savait aussi. Nous savions qu'il avait un potentiel et nous avions travaillé sur sa course. Mais ce n'aurait pas été bien de ma part d'affirmer qu'il était capable de gagner une médaille. Ça lui aurait mis trop de pression et il en avait déjà assez comme ça. »

Dubreuil a répété au cours des derniers mois que la naissance de sa fille Rose, en 2019, lui a permis de séparer sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Il disait ne pas avoir besoin d'une médaille pour être heureux. Cela ne l'a pas empêché d'avoir de la difficulté à surmonter sa déception après sa quatrième position au 500 mètres.

« Ce qui me rend heureux dans la vie au-delà du patin, c'est ma famille et je suis seul ici », a rappelé Dubreuil au sujet des mesures sanitaires qui ont empêché les familles des athlètes de venir les encourager sur place à Pékin.

« J'ai changé mon état d'esprit après le 500 mètres. Je voulais simplement m'amuser sur la glace, me surprendre et surprendre les gens, a-t-il ajouté. Je n'avais rien à perdre. C'est ce que mes parents et mon entraîneur m'ont dit. Je me suis concentré sur mon plaisir. »

Vendredi, Dubreuil a réussi la meilleure ouverture de la compétition, franchissant les premiers 200 mètres en 16,09 secondes. Ses 400 mètres suivants ont aussi été les plus rapides du jour, en 24,73.

« J'ai vu que j'étais sept dixièmes en avant après 600 mètres parce que j'ai la mauvaise habitude de regarder l'écran, a raconté Dubreuil. Je me suis dit "Oh boy! Ça se peut". Mais je sais que Thomas (Krol) est plus fort que moi en fin de course. Il a gagné l'argent au 1500 mètres.

« Moi, j'ai des bons départs, mais mon dernier tour n'est pas excellent. Après mes 600, je voulais juste maintenir ma technique jusqu'à la fin. »

Dubreuil est sorti de l'avant-dernier virage côte à côte avec son adversaire de paire, le Néerlandais Kai Verbij, champion du monde en titre sur 1000 mètres. La règle demande dans cette situation au patineur dans le couloir intérieur de céder le passage à celui qui arrive du couloir extérieur.

« J'ai décidé de céder le passage parce que je ne voulais pas ruiner la course olympique de quelqu'un d'autre, a expliqué Verbij, qui aurait risqué la disqualification s'il n'avait pas agi de la sorte ou s'il avait bousculé Dubreuil. À ce moment-là, je savais que c'était terminé pour moi. »

Verbij a ajouté qu'il aura besoin de beaucoup de temps pour surmonter sa déception. Dubreuil pouvait compatir avec le Néerlandais, après avoir ressenti des émotions semblables il y a six jours à peine. Il a toutefois souligné la grande classe de son rival.

« Je suis énormément redevable et reconnaissant », a dit Dubreuil.

Après avoir franchi la ligne d'arrivée, Dubreuil a levé les deux bras au ciel. Il a fait l'accolade à Jelonek et a ensuite complété un tour de piste en agitant le drapeau canadien.

Sur le podium, il a indiqué « deux » avec sa main droite.

« Nous essayons d'expliquer à ma fille que Papa préfère gagner et que 1 est mieux que 2, mais 2 est son chiffre préféré, a expliqué Dubreuil. Pour elle, c'est probablement le scénario rêvé que je termine deuxième.

« Quand elle va dire que Papa est le meilleur parce qu'il est deuxième, je vais être d'accord avec elle pour la première fois! »

Des efforts payants

Après la saison de la Coupe du monde cet automne, Dubreuil s'est concentré à l'entraînement pour avoir suffisamment d'énergie pour maintenir la cadence dans les derniers moments du 1000 mètres. Il a notamment retranché un peu de poids à sa charnière.

« Quand vous gagnez en tant que favori, vous êtes soulagés, a souligné Dubreuil. Mais quand vous gagnez en tant que négligé, vous êtes tellement heureux. Ce n'est que du positif.

« J'ai travaillé extrêmement fort pour être bon au 1000 mètres et c'est complètement fou de gagner une médaille sur ma moins bonne distance. »

Dubreuil est le troisième Canadien à remporter une médaille olympique au 1000 mètres, après Denny Morrison (argent, 2014) et Gaétan Boucher (or, 1984, et argent, 1980). Il est d'ailleurs le premier Québécois à gagner une médaille olympique individuelle en longue piste depuis Boucher en 1984.

Cette médaille a aussi été remportée quelques mois après l'ouverture du Centre des glaces à Québec.

« Ça va donner la possibilité aux jeunes de croire que c'est possible de s'entraîner à Québec dans de belles conditions et de performer, a dit Jelonek. Mais il ne faut pas oublier que Laurent a travaillé très fort pendant 13 ans avant l'ouverture de l'anneau à Québec, à s'entraîner dehors, à voyager beaucoup, etc. Mais nous avons toujours cru en nous, même si beaucoup de monde ne nous croyait pas capables de développer des patineurs à Québec et réussir d'être parmi les meilleurs au monde. »

Dubreuil promet maintenant que ça ne prendra pas encore 38 ans avant de revoir un Québécois sur le podium olympique lors d'une épreuve individuelle en longue piste.

« Si je peux inspirer des jeunes comme Gaétan a inspiré une génération, c'est ça de gagné », a dit Dubreuil.

« Il ne me manquait rien pour être heureux dans la vie. Du côté professionnel, il me manquait probablement une médaille olympique. Là, il ne me manque vraiment rien. Tout ce que je fais maintenant, c'est du bonus. Oui, je peux patiner pendant encore longtemps, mais je veux être un leader positif et en amener d'autres à ce niveau-là. »

Dubreuil a rappelé que d'avoir gagné sa médaille olympique après avoir vécu une vive déception l'aidera à enseigner la persévérance et démontrer qu'il est payant de travailler fort et de croire en ses moyens.

« C'est ce que la semaine que je viens de vivre démontre », a-t-il conclu.