PÉKIN, Chine – Les athlètes font face à une pression énorme à chaque fois aux Jeux olympiques, alors qu'ils se retrouvent sous les projecteurs comme jamais, une seule fois aux quatre ans.

Cette pression rend les moments de gloire particulièrement réjouissants, mais aussi les échecs particulièrement lourds.

La patineuse de vitesse courte piste canadienne Courtney Sarault ne croyait pas être en mesure de retourner à la ligne de départ, deux jours après avoir échappé le bronze en relais.

« Je sentais que mes Olympiques étaient un échec. Ce n'est pas ce que les autres disaient, mais je suis très sévère avec moi-même. J'avais l'impression que mon corps s'était arrêté parce que j'étais déçue. Je ne pensais pas pouvoir patiner aujourd'hui avec un bon état d'esprit et une bonne attitude", a-t-elle raconté après avoir pris le 11e rang au 1500 mètres, mercredi.

« Je suis fière de moi. Ça me donne confiance et me démontre à quel point je suis forte », a ajouté la Néo-Brunswickoise.

Sarault s'est dite reconnaissante du soutien qu'elle a reçu, notamment de la part de sa coéquipière Kim Boutin. Cette dernière était bien placée pour appuyer Sarault, puisqu'elle a vécu ses propres moments difficiles aux Jeux de Pyeongchang en 2018. Elle avait alors été la cible de menaces sur les réseaux sociaux après avoir été promue sur le podium à la suite de la disqualification d'une patineuse sud-coréenne.

Boutin a passé les quatre dernières années à surmonter cette épreuve, travaillant notamment avec une psychologue spécialisée en trauma.

« Je crois que nous sommes ici pour participer à ce grand événement et se forger des souvenirs, mais ça peut aussi nous détruire, a dit Boutin. C'est censé être amusant, être quelque chose à quoi nous rêvions.

« Pour moi, c'est une expérience humaine. Avant la performance, nous sommes d'abord des humains », a-t-elle ajouté.

Des émotions à fleur de peau

Les Jeux de Pékin ont été marqués par de nombreuses expériences similaires à celle vécue par Sarault.

La skieuse acrobatique Olivia Asselin a déclaré forfait à l'épreuve de slopestyle en raison d'un épuisement physique et mental. La joueuse de curling Rachel Homan était tellement dévastée après avoir été incapable de gagner une médaille en double mixte qu'elle a dit avoir eu l'impression de se retrouver dans « le plus profond des trous noirs ». La patineuse longue piste Ivanie Blondin, une amie d'enfance de Homan, a aussi raconté qu'elle était prête à rentrer chez elle après des contre-performances à ses deux premières épreuves individuelles, avant de finalement se racheter en gagnant deux médailles.

Ce ne sont pas que les athlètes canadiens qui ont exprimé ces émotions. Que dire de la débandade au sein de l'équipe de patinage artistique du Comité olympique russe : de l'effondrement de Kamila Valieva lors du programme libre à Alexandra Trusova qui a crié tout haut qu'elle « déteste ce sport » et qu'elle « ne retournera plus sur la glace ».

Avoir du plaisir

À l'opposé du spectre, il y a le patineur de vitesse longue piste Laurent Dubreuil ou encore l'équipe canadienne de hockey féminin, qui ont profité d'une légèreté pour gagner des médailles.

Dubreuil a vécu la « plus grande déception » de sa carrière en terminant à trois centièmes de seconde du podium au 500 mètres. Six jours plus tard, il a remporté l'argent au 1000 mètres.

« J'ai patiné libre d'attente, a souligné le Lévisien âgé de 29 ans après être devenu le premier Québécois à gagner une médaille individuelle en longue piste depuis Gaétan Boucher en 1984. J'ai patiné pour avoir du plaisir et pour me laisser aller sur la glace. Ç'a été la meilleure des stratégies. »

Pour leur part, les hockeyeuses canadiennes ont été détendues tout au long du tournoi, et pas seulement parce que leur participation à la finale était essentiellement une formalité. Elles ont eu du plaisir ensemble et n'ont pas hésité à l'exprimer en s'encourageant bruyamment du premier échauffement à la sirène finale. Tout ça, grâce à un changement de culture orchestré par la directrice générale de l'équipe Gina Kingsbury, nommée en 2018.

Ce changement dans l'approche et l'attitude est de plus en plus fréquent à travers le monde du sport. Et peu d'athlètes représentent cette évolution aussi bien que Boutin.

La Sherbrookoise âgée de 27 ans admet que son obsession envers la victoire était malsaine. Aujourd'hui, elle comprend qu'elle affronte d'autres athlètes de pointe et qu'elles auront aussi leur moment de gloire. Boutin a eu besoin de temps pour accepter cette réalité, en plus de surmonter son traumatisme lié aux événements des Jeux de 2018.

Boutin a remporté une médaille de bronze au 500 mètres à Pékin. Elle se disait « contente de pouvoir être contente ». Elle a toutefois été victime d'une bête chute au 1000 mètres et a terminé en 10e position au 1500 mètres. C'est sans oublier deux médailles qui ont glissé entre les mains des équipes canadiennes au relais mixte et au relais féminin. Bref, les Jeux n'ont pas été faciles sur le moral de Boutin et de l'équipe féminine de courte piste.

« Je n'étais pas prête physiquement pour ces Jeux-là et je le savais. C'est ça qui est le plus dur, a dit Boutin avec la voix tremblotante après la dernière soirée de courses en courte piste. J'ai eu du succès dans le passé, puis de revenir, je voulais le faire d'une façon saine. C'est là où je suis rendue d'une façon saine. Mon objectif est de retourner où j'étais en ayant le plus gros sourire sur la Terre, mais aussi de performer.

« Je suis venue ici en ayant comme objectif d'être moi de A à Z. Si ça voulait dire de m'oublier un peu pour prendre la charge de quelqu'un d'autre, je l'aurais fait sans hésitation. »

C'est pour cette raison que Boutin a appuyé Sarault et partagé les joies et les peines de son équipe, en plus de rappeler que derrière chaque athlète, il y a un humain qui a encore plus de valeur.