TOKYO - Antoine Valois-Fortier n'a pas été en mesure de devenir le deuxième judoka canadien à monter deux fois sur un podium olympique. Mais selon Nicolas Gill, qui garde donc cette distinction pour lui, tous les succès canadiens des dernières années sont le legs de Valois-Fortier.

« Il est le grand responsable des succès qu'on a cette semaine, indirectement, a indiqué Gill. C'est un secret de polichinelle, mais s'il ne remporte pas une médaille à Londres, je ne suis pas ici aujourd'hui à vous parler et peut-être qu'un ou deux judokas seulement se seraient qualifiés pour les Jeux olympiques. Je ne suis pas certain que tout le monde le réalise, mais c'est la réalité. »

Valois-Fortier, qui s'est incliné en huitièmes de finale, mardi, refuse toutefois de s'attribuer tout ce mérite.

« Pour être honnête, les judokas qui sont ici sont tellement déterminés, si je n'étais pas là, ils y seraient quand même, sans aucun doute, a-t-il laissé tomber. Tant mieux si je peux avoir joué un rôle là-dedans, mais ce sont la crème de la crème. Ils seraient ici même sans moi. »

Gill n'est pas de cet avis. Pour le directeur général de Judo Canada, il ne fait pas de doute que tout le programme de haute performance de la fédération nationale est directement lié à cette médaille de bronze remportée par le judoka de 31 ans en 2012.

« Le Centre national à l'INS, tous nos programmes sont le résultat direct de sa médaille à Londres. Sans ça, nous n'étions plus dans le portrait, a-t-il affirmé. C'est comme ça que le système sportif canadien fonctionne. Une fédération comme Judo Canada est totalement dépendante du financement du gouvernement fédéral (par des programmes comme Nous le podium, notamment). »

« Si la porte se ferme derrière toi, tu es correct, mais si elle se ferme devant toi, on n'a pas assez de membres ou de financement privé pour pouvoir penser obtenir des résultats comme ceux-là. (Les résultats aux Mondiaux, notre équipe et ses succès ici), le point de départ de tout ça, c'est évidemment ce qu'on avait mis en place (avant 2012), mais le point culminant c'est la médaille à Londres et les succès d'Antoine par la suite. Ç'a permis de mettre en place des structures et de développer des athlètes. »

« De façon individuelle, un athlète peut trouver le moyen de performer à un très très haut niveau sans une grosse structure. Mais pour avoir trois athlètes qui se battent pour une médaille, a dit Gill en parlant de Jessica Klimkait, Arthur Margelidon et Catherine Beauchemin-Pinard, je ne pense pas que ce soit possible sans une structure comme la nôtre. »

La fin pour Valois-Fortier?

Valois-Fortier ne pouvait pas dire si ce revers sur le tatami du Nippon Budokan de Tokyo allait être son dernier combat en carrière. Il ne souhaitait pas prendre cette décision à chaud.

« Je ne suis pas certain c'est quoi la suite des choses pour moi, ce sont peut-être mes derniers Jeux. Il y a un peu de déception à finir cette belle aventure-là. Je n'ai pas encore pris ma décision, mais j'en ai plus de fait qu'il m'en reste à faire », a-t-il admis aux journalistes québécois réunis dans la zone mixte.

«(Je ne ressens) pas de frustration, mais de la déception, a-t-il ajouté. Ça a été cinq années 'tough' entre les deux oreilles. Les opérations, la pandémie : je suis passé par tous les hauts et les bas. Je suis déçu que la route prenne fin comme ça. Ça se termine un peu par une contre-performance. (...) C'est ce qui fait la beauté des Jeux, mais aussi leur cruauté. »

Il est donc trop tôt pour savoir s'il sera de l'aventure jusqu'à Paris, en 2024.

« Je vais aller manger des cochonneries et prendre une bière! Je veux juste relaxer: je suis fatigué. J'ai la tête vide et je vais prendre du temps avant de répondre à ça. Je vais voir si ça me tente de reprendre ça. Je vais m'asseoir et y penser. »

« Je pense que c'est important qu'il quitte en ses termes et qu'il soit à l'aise avec sa décision, a souligné Gill. Qu'il décide de continuer ou d'arrêter, on va continuer à l'appuyer et à l'aider. (...) Il a besoin de décompresser et d'un certain retour à la normalité. Ce qu'on vit ici (l'isolement, le masque, les tests quotidiens), ça fait 18 mois qu'il vit ça. »

Même si ses Jeux se terminent un peu de la même façon qu'en 2016, à Rio de Janeiro, Valois-Fortier vit mieux cette défaite.

« J'ai l'impression d'être plus serein aujourd'hui. En 2016, je me mettais beaucoup de pression sur les épaules. Aujourd'hui, j'ai davantage profité du moment. Ça n'a pas été comme je voulais, c'est certain que je suis déçu, mais c'est une sensation différente. Je suis serein avec le parcours. Rio, le mode panique est arrivé de bonne heure. »